Le même jour, mardi 5 avril, alors que le parti socialiste adopte son projet pour 2012, l'UMP (majorité de droite) tient en trois heures et en fin de journée son fameux vrai-faux débat tant et tant controversé sur la laïcité et l'Islam, un débat qui a fait couler des flots d'encre pendant des semaines, vite expédié et réduit à sa plus simple expression sous la forme d'une convention intitulée «Laïcité : pour mieux vivre ensemble». Le 10 février, lors de l'émission «Paroles de Français», le président Sarkozy déclare, à propos de l'intégration des musulmans : «Cela pose la question de l'Islam et de nos compatriotes musulmans. (…) Il y a, clairement posé, un problème. Nos compatriotes musulmans doivent pouvoir vivre, pratiquer leur religion comme n'importe lequel de nos compatriotes. (…) Mais il ne peut s'agir que d'un Islam de France et non pas d'un Islam en France.» Il constate «l'échec du multiculturalisme» et réaffirme également sa lutte «contre un prosélytisme religieux agressif» sur le territoire national. Le débat est officialisé quelques jours plus tard, après une réunion à l'Elysée avec l'UMP. Sa coordination sera confiée au secrétaire général du parti, Jean-François Copé. Suivront des dérapages contrôlés sur l'immigration et les musulmans, notamment de la part du ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, ex-secrétaire général de l'Elysée, le dernier dérapage datant de la veille de l'ouverture de la convention de l'UMP lorsque le ministre déclare que l'augmentation du nombre de fidèles musulmans depuis 1905 pose «problème». Un débat apparaissant comme une «instrumentalisation» de la laïcité et une «stigmatisation» des musulmans. Des responsables politiques, des élus, des intellectuels et des universitaires ont signé un appel «pour refuser cette France des ‘'eux'' et des ‘'nous'' et créer ensemble un avenir commun.» «Religieux, croyants ou non-croyants d'héritage islamique, mais citoyens avant tout», ils refusent d'être «des boucs émissaires, victimes de stratégies électoralistes pernicieuses. Nous sommes et exigeons d'être considérés comme des citoyens à part entière et non comme des ‘'individus entièrement à part''». Par ailleurs, la division de la droite sur l'opportunité d'un tel débat se transforme en fracture au moment des cantonales entre ceux, au sein de l'UMP qui veulent faire barrage au Front national et les partisans du «ni front républicain ni FN» prôné par MM. Sarkozy et Jean-François au moment des cantonales. Le Premier ministre François Fillon qui craint une «stigmatisation des musulmans» et le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé s'affronteront sur ce débat sur la laïcité et sur la place de l'Islam en France. François Fillon ne devait pas assister à la Convention sur le sujet, hier, de même que Gérard Larcher, le président du Sénat, Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Le patron du Parti radical (membre de la majorité) Jean-Louis Borloo, a également pris ses distances. Deux droites apparaissent clairement au sein de la majorité, celle des centristes qui veulent axer l'attention sur les problèmes sociaux et celle qui ne veut pas abandonner au FN certains thèmes de droite, représentée par le conseiller à l'Elysée Patrick Buisson (journaliste d'extrême-droite) ou le collectif d'élus la Droite populaire. Et c'est à cette dernière que le président Sarkozy semble sensible. Les dommages collatéraux de ce débat sur l'Islam travesti en débat sur la laïcité n'ont pas fini d'être comptabilisés. Que gagne Nicolas Sarkozy à jouer sur le terrain de l'extrême-droite ? La machine à gagner payante en 2007 sera-t-elle à nouveau productive ? Placer le débat sur les questions de l'identité, de l'Islam, du lien entre la délinquance et l'immigration ne risque-t-il pas d'être contre-productif pour Nicolas Sarkozy candidat à un second mandat ? Si l'extrême droite y a trouvé une légitimation de son discours et de ses idées, a contrario, la gauche saura-t-elle et pourra-t-elle en tirer profit en convainquant les Français que son projet est un projet d'union de tous les Français ? Le parti socialiste a en effet choisi - coincidence ? - le même jour pour présenter son projet de programme qui comprend trois grands volets : «le redressement de la France, de son poids et sa voix dans le monde», la construction d'une «société juste et une société du respect et du lien social» et enfin la réflexion sur les institutions et la justice et les pistes de la démocratie participative.Il est à souhaiter que la publication de ce programme qui se veut celui d'une «France qui refuse le repli sur soi» en cette période de crise, permette que le débat républicain soit enfin engagé sur les vrais problèmes et non sur les sujets qui distinguent les Français selon leur origine ou leur religion ou leur classe sociale et les divisent.