Malgré toutes oppositions, y compris d'une partie de l'UMP qui a dénoncé, par la voix du premier ministre, François Fillon, une stigmatisation des musulmans, Sarkozy il a opté pour la sourde oreille. Quitte à ouvrir la boîte de Pandore de la violence raciste et de l'islamophobie. En chute libre dans tous les sondages, Nicolas Sarkozy et ses «amis» ouvrent un vrai-faux débat sur l'islam et la laïcité. A treize mois de la présidentielle, le président-candidat estime que son salut et celui de son parti passe par le labourage des terres du Front national de Marine Le Pen sans aucune garantie de faire une bonne récolte en mai 2012. Abderahmane Dahmane, l'ex-conseiller à l'Elysée chargé de la diversité, et Hassan Ben M'Barek, porte-parole de Banlieues Respect, appellent les musulmans de France à porter une étoile verte au revers de la veste et à se rendre devant le siège de l'UMP pour demander l'annulation du débat sur l'islam et la fin de l'islamophobie de l'UMP de Jean François Copé. Jean-François Copé, le chef de l'UMP, a beau multiplier les interventions sur les plateaux de télé et tout récemment dans une « lettre à un ami musulman » pour justifier ce débat controversé redimensionné en « convention », Claude Guéant, le ministre de l'Intérieur, assurer que la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat « ne sera pas modifiée », les détracteurs de ce débat, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'en démordent pas. Notamment les 5 ou 6 millions de musulmans de France, dont 98% vivent paisiblement leur foi et ne causent aucun trouble à l'ordre public. Selon le Conseil français du culte musulman qui a annoncé son boycott de la réunion, les musulmans se sentent avec ce débat intitulé au départ « Débat sur l'islam » puis « Colloque sur la laïcité », traités comme les boucs émissaires des problèmes de la société française. Comme l'emploi, la croissance, le système social, le pouvoir d'achat, l'éducation, la corruption, le clientélisme. Samedi, quelques centaines de personnes ont manifesté à Paris contre cette stigmatisation de la deuxième religion de France. Dans une déclaration commune dans La Croix du 29 mars, les chefs de cultes (catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, bouddhistes) ont dénoncé cette instrumentalisation grossière du principe de laïcité par une majorité qui court derrière le Front national en soufflant sur les braises. Avec tous ces débats successifs qui de fil en aiguille établissent une confusion entre islam, insécurité, immigration, islamisme et terrorisme d'abord et hiérarchisation des religions ensuite comme au temps des…colonies. SARKOZY, ENVERS EN CONTRE TOUS Sarkozy et sa garde rapprochée tenante d'une « droitisation » de sa politique risquent, selon les analystes, après le débat sur l'identité nationale en 2009/2010 qui avait connu des dérapages, les discussions enflammées sur le foulard, le «halal», les « prières de rue », les « apéros saucisson-pinard » et les « Assises contre l'islamisation » qui ont libéré la parole raciste dans la fille aînée de l'Eglise, de mettre en péril une cohésion sociale déjà ébranlée par la forte poussée de l'extrême-droite et les piètres résultats du locataire de l'Elysée. Malgré toutes oppositions, y compris d'une partie de l'UMP qui a dénoncé, par la voix du premier ministre, François Fillon, une stigmatisation des musulmans, Sarkozy il a opté pour la sourde oreille. Quitte à ouvrir la boîte de Pandore de la violence raciste et de l'islamophobie. Une douzaine de ministres, dont certains « malgré eux », comme Laurent Wauquiez, qui, après avoir appelé à mettre un terme « aux débats sans fin », a fait volte-face au nom de sa « fidélité au président de la République », se retrouveront cet après-midi dans un hôtel parisien pour une convention qui devrait déboucher après deux tables rondes : une sur l'historique de la laïcité en France, l'autre, consacrée à la place de l'islam en France, sur une proposition de résolution parlementaire. Celle-ci porterait sur la formation des imams, la définition des lieux de culte, la rédaction d'un « code de la laïcité et de la liberté religieuse », les règles à l'hôpital et à la crèche et la création d'un « diplôme sur la laïcité et les principes républicains ». « Pourquoi un débat sur l'islam, pourquoi pas un débat sur le catholicisme, le protestantisme ou le judaïsme ?» s'interroge Jean-Pierre Chevènement, le président de l'Association France-Algérie, estimant que ce « débat » qui peut nourrir le racisme et la xénophobie contre une partie de la société française n'est pas « le bienvenu ». Il n'est pas le seul à s'opposer à ce débat sur l'islam qui ne serait pas si religieux que ça. Sarkozy n'a-t-il pas glorifié les racines chrétiennes de la France ? Chantal Brunel, sa députée, n'a-t-elle pas demandé qu'on remette les immigrés dans des bateaux à destination de leurs pays d'origine ? Son ministre de l'Intérieur n'a-t-il pas déclaré publiquement que les Français ont le sentiment de ne pas être chez eux ? Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, a critiqué cette propension en France de rendre les musulmans responsables des maux de la société, à la veille de chaque échéance électorale. « Les musulmans, en grande majorité, sont des citoyens qui ne veulent qu'une chose : la paix (...) On ne peut pas tout de même les accuser, comme on dit en français, de tous les péchés d'Israël », dit-il dans une émission sur la chaîne de télévision LCI. Cette islamophobie rampante n'est pas propre à la France. Elle balaie, au moment où le monde arabe découvre un printemps démocratique, tout l'Occident. Aux Etats-Unis, le pasteur Terry Jones a été, le 20 mars, à l'origine, en Floride, d'un autodafé d'un exemplaire du Coran. Un acte qui a déclenché depuis une série de violentes manifestations à travers en Afghanistan (24 morts, dont 7 employés étrangers de l'ONU) et au Nigeria. Questions à un euro : que demandera demain aux musulmans Sarkozy après le mode d'emploi distribué aux forces de l'ordre pour faire appliquer la loi anti-burqa et cette cacophonie politique sur la place de l'islam ?