Reportée à deux reprises, la réunion a eu lieu dans un contexte très particulier, marqué par un bouillonnement au sein de l'organisation syndicale. Le Syndicat national des magistrats (SNM) a appelé, hier, le ministère de la Justice à «cesser de gérer les infrastructures judiciaires par des instructions contraires aux lois et à l'indépendance de la justic » et à «annuler toutes les décisions prises dans ce sens et de s'en tenir aux textes de lois y afférents». Pour le SNM, l'Etat de droit auquel aspire le citoyen algérien «ne peut être instauré qu'avec une justice forte et réellement indépendante de tous les autres pouvoirs à travers le renforcement du rôle du Conseil supérieur de la magistrature et l'octroi de larges prérogatives à son bureau permanent». Ce sont là quelques points forts de la déclaration finale du bureau national qui a sanctionné l'assemblée générale, tenue samedi dernier à Alger. Reportée à deux reprises, la réunion a eu lieu dans un contexte très particulier, marqué par un bouillonnement au sein de l'organisation syndicale. Confronté à une situation de malaise généralisé, le SNM avait du mal à se positionner par rapport à une contestation de plus en plus importante à l'égard de l'ex-inspecteur général, accusé de «graves dérives». Pourtant, ces accusations ont été publiquement exprimées lors d'une réunion, réitérées par écrit début 2010 dans une déclaration du bureau national. Il a fallu une simple lettre de dénonciation adressée au président de la République par un groupe de magistrats et diffusée sur internet, pour que le bureau du syndicat décide d'interpeller le ministre de la Justice. Une inertie très mal perçue par les syndicalistes, qui font pression pour engager un débat sur le bilan du bureau actuel. Mais le travail de coulisses finit par affaiblir leurs rangs. L'assemblée générale, qui s'annonçait pourtant houleuse, n'a pas tenu compte du faible bilan du Président et, pour la première fois, les travaux sont fermés aux journalistes. Ce sont quelques membres du conseil, visiblement bien préparés, qui décident du huis clos. Lors de sa conférence de presse tenue hier, Djamel Aïdouni, président du SNM, précise : «Nous n'avions rien à cacher, mais le contexte actuel ne permet pas d'étaler certaines choses sur la place publique.» Il se montre peu prolixe quant aux enjeux de la tenue de l'assemblée générale, soulignant : «Je ne me présenterai pas aux prochaines élections. Je ne compte même pas terminer mon mandat. Je veux juste laisser l'organisation entre de bonnes mains.» Pour lui, le combat est «de redonner au pouvoir judiciaire la place qu'il mérite au même titre que les pouvoirs législatif et exécutif (…). Nous voulons que les trois pouvoirs soient mis sur un pied d'égalité.» M Aïdouni espère qu'à la lumière de la prochaine révision constitutionnelle, «des amendements qui renforcent le pouvoir judiciaire et le rendent plus indépendant et plus autonome soient introduits. Des changements sont souhaités également en matière de composante du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour qu'il soit au prorata du nombre des magistrats du siège et des ''parquetiers''». A ce titre, il rappelle les recommandations retenues par l'assemblée générale qui consistent à «rendre le pouvoir judiciaire plus indépendant, rattacher l'inspection générale au CSM et redéfinir son rôle afin qu'il soit celui d'évaluation et non d'interférence dans le travail du juge, instaurer des règles claires de gestion de la carrière du magistrat et de prise en charge sociomatérielle afin de garantir son indépendance à travers la révision de son salaire, la création de nouvelles indemnités en adéquation avec sa mission, la facilitation de l'obtention de crédits immobiliers et l'acquisition des logements de fonction». Au département US, qui estime que les magistrats abusent de la détention provisoire, M. Aïdouni répond : «Cette catégorie ne représente que 11% de la population carcérale, ce qui donne 4000 à 5000 personnes sur tout le territoire national. Aujourd'hui, les magistrats recourent plus au contrôle judiciaire qu'à la détention. Les gens ont tendance à ne penser qu'aux prévenus, mais jamais aux victimes.» Le président du SNM refuse de parler de pressions subies par les juges. Selon lui, «tout dépend du courage du magistrat. Moi-même, j'ai été juge durant 10 ans et je n'obéissais qu'aux lois». La seule pression que subissent les magistrats, dit-il, est celle liée au nombre important des affaires à traiter : «200 dossiers à juger par audience c'est trop…»