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Le rôle «passéiste» de l'Occident
Le printemps arabe chamboule les cartes géostratégiques
Publié dans El Watan le 12 - 04 - 2011

Les révolutions populaires qui remuent ciel et terres arabes entraînent la chute des régimes considérés jusque-là comme indéboulonnables, obligeant par la même les puissances occidentales à revoir de fond en comble leur politique vis-à-vis de cette région.
Paris.
De notre envoyé spécial

«Surprise» par l'ampleur des évènements en Tunisie et en Egypte, l'Union européenne (UE) tente de rattraper le coup en tentant de comprendre quelle direction prendra le printemps arabe.
Invitant un panel de chercheurs arabes, américains et européens, l'Institut des études sécuritaires (think-tank de l'UE), en collaboration avec les instituts Arab Reform Initiative et Carnegie Endowent, organise, depuis hier, à son siège à Paris, une conférence sur «Le rôle des acteurs extérieurs dans les transitions politiques dans le monde arabe». Il faut entendre par «acteurs extérieurs» les Etats-Unis et l'Union européenne essentiellement, dans le bouleversement politique qui s'opère en Arabie.
L'Occident a-t-il joué un rôle dans les révolutions égyptienne et tunisienne ? Quelle est sa nature ? Et dans quelle perspective historique ? Pour Ossama Ghazala Harb, leader du Front démocratique d'Egypte, «il est difficile de parler d'un quelconque rôle joué par les USA dans la révolution égyptienne. Car Washington était sérieusement embarrassée par les évènements en Egypte, contrairement à l'Europe. Il fallait aux USA des jours et des jours pour voir sa position évoluer en découvrant le contenu de la révolution». «Les hésitations d'Obama s'expliquaient par le fait que la chute de Moubarak entraînerait un changement profond dans les relations avec Israël», a expliqué Ghazala Harb. En faisant savoir que même si «la révolution était nationale, elle s'est réalisée sous l'impulsion et l'inspiration de la révolution tunisienne».
Son compatriote du centre Al Ahram pour les études stratégiques du Caire, Amr El Shobaki, a abondé dans le même sens lors de son intervention, affirmant que la révolution égyptienne «n'obéissait à aucun agenda extérieur. Il n'y avait aucun rôle des puissances occidentales, contrairement à ce qui s'est passé en Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin». Mais il reconnaît à Obama «une intelligence dans la gestion de la révolution en se tenant à distance, évitant à la jeunesse révolutionnaire d'être accusée de connivence avec l'étranger».
Le rôle de l'armée en question
Selon son analyse, les Américains ont «tout le temps soutenu des personnes, alors que la situation actuelle exige un soutien au processus de transition démocratique en cours en Egypte». Un processus qui s'appuie sur des institutions de l'ancien régime et sous la protection de l'armée, qui jouit d'une popularité importante, a indiqué El Shobaki. Si en Egypte, l'influence de l'Occident – les USA et la France en particulier – n'a pas pesé dans l'issue de la révolution, par contre, la révolution tunisienne a fait l'objet «d'une tentative d'avortement dès le départ», a analysé l'universitaire tunisien Salah Jorchi. Sous l'influence directe de la France en raison des intérêts stratégiques, économiques et sécuritaires qui lient les deux pays, «les alliés de Ben Ali ont cru jusqu'à la dernière minute à la non-chute du régime. Du point de vue français, le régime Ben Ali est moderne, avec un modèle économique réussi et surtout qu'il était un rempart contre les mouvements religieux», a expliqué Jorchi. Contrairement à celle de la France, l'universitaire tunisien a indiqué que «la position de Washington était évolutive. Elle critiquait et donnait des conseils, mais sur le fond, les USA étaient pour le maintien de Ben Ali au pouvoir». Pragmatique, l'Occident sait s'adapter aux nouvelles situations.
Le roi est mort, vive le roi. «Les Occidentaux se sont comportés de manière positive avec les gouvernements de transition en Tunisie. Ayant toujours la crainte de voir des islamistes arriver au pouvoir, leur soutien est conditionné par trois éléments : ne pas toucher aux politiques économiques mises en place du temps de Ben Ali, ne pas changer de position par rapport au conflit israélo-palestinien et enfin empêcher l'arrivée des islamistes au pouvoir.» Telles sont les constantes des Occidentaux dans leur soutien au processus de transition en Tunisie, a souligné Salah Jorchi. Une transition pacifique et démocratique, dont la tâche incombe à l'institution militaire en Tunisie tout comme en Egypte, au regard de la popularité de cette institution. Mais «n'y a-t-il pas un risque de voir cette armée s'emparer du pouvoir ?» s'est interrogé le politologue algérien Mohammed Hachemaoui lors des débats. Pas si sûr, estiment les chercheurs égyptiens et tunisiens.
En somme, les débats ont permis d'analyser et de comprendre l'influence positive et négative de l'Occident dans les transformations politiques profondes que connaît le monde arabe. Une zone qui a été pendant longtemps sous l'influence directe de l'Occident.
Le risque de voir se profiler un monde arabe nouveau, où les peuples disposeraient d'eux-mêmes et de leurs richesses, inquiète sérieusement une Europe et une Amérique en déphasage avec les aspirations démocratiques du sud de la Méditerranée.
L'Institut des études sécuritaires, laboratoire des idées de l'UE, tente de fournir des outils d'analyse pouvant permettre d'avoir une vision nouvelle à la lumière des bouleversements historiques prévalant dans le monde arabe. La conférence, qui se poursuit aujourd'hui, s'intéressera justement à la redéfinition des relations Occident-monde arabe.


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