Le quartette des chefs d'Etat africains : le Sud-Africain Jacob Zuma, le Malien Amadou Toumani Touré, le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz et le Congolais Denis Sassou Nguessou ainsi que le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Oryem Okello, mandatés par l'Union africaine (UA) pour obtenir un cessez-le-feu en Libye, a effectué hier une escale politique à Alger où il a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika. Les médiateurs de l'UA revenaient d'une mission à Tripoli et à Benghazi, où ils ont été reçus par le colonel El Gueddafi et par les représentants du Conseil national de transition libyen (opposition). Le chef de l'Etat libyen a accepté la feuille de route proposée par les émissaires de l'UA, laquelle prévoit notamment un arrêt des frappes de l'OTAN. Quant aux rebelles, ils conditionnent leur acceptation d'un cessez-le-feu par un retrait des forces libyennes du théâtre des opérations et leur cantonnement dans les casernes. Rien n'a filtré sur les objectifs de l'escale algérienne de la délégation de l'UA. Cependant, il apparaît clairement que le séjour des médiateurs africains à Alger n'est pas d'ordre technique. Si tel avait été le cas, le président Bouteflika aurait reçu ses hôtes au salon d'honneur de l'aéroport. Les membres de la délégation ont été reçus au siège de la présidence de la République. Il s'agit donc bel et bien d'une visite officielle de travail. On imagine bien que les émissaires de l'UA ne se sont pas invités chez Bouteflika pour partager avec lui une tasse de thé, mais pour le briefer sur les résultats de leur mission de bons offices en Libye. Et connaître, par la voix de son président qui ne s'est pas encore publiquement exprimé sur la crise libyenne, la position de notre pays sur ce conflit et recueillir ses appréciations pour un dénouement rapide de la crise. Sans nul doute que le transit de la délégation par Alger a eu l'aval du président de l'organisation panafricaine. On conçoit mal une délégation de ce niveau, investie d'une mission aussi délicate, prendre la liberté d'agir en dehors du cadre de sa mission et de l'UA et rencontrer des parties qui ne figurent pas sur son agenda officiel. Uniquement pour flatter l'ego de Bouteflika. Ce qui signifie que l'UA considère l'Algérie comme un pays important, susceptible de contribuer à trouver une solution africaine à la crise libyenne. Le fait que la délégation de l'UA rencontre le président Bouteflika à l'issue de sa visite en Libye, avant de rendre compte aux instances de l'UA et à son président M. Jean Ping des résultats de sa mission, peut paraître comme une marque d'estime et de reconnaissance de l'efficacité de la diplomatie algérienne. L'UA semble vouloir jouer la carte de la diplomatie algérienne. L'Algérie qui a voté contre la résolution de la Ligue arabe, portant instauration d'une zone d'exclusion aérienne et qui appelle depuis le début de la guerre en Libye à l'arrêt des frappes de l'OTAN et à une solution politique négociée entre le régime libyen et les rebelles, apparaît pour l'organisation panafricaine comme un partenaire qui pourrait convaincre El Gueddafi de trouver une issue politique à la crise libyenne. L'initiative aurait pu ne pas être vouée à l'avance à l'échec si, par ailleurs, ne pesaient pas sur l'Algérie de fortes présomptions de la part des rebelles. Notre pays est accusé de soutenir El Gueddafi et d'envoyer des mercenaires algériens combattre aux côtés des troupes du guide libyen. Accusation que le gouvernement algérien a formellement démentie. Question de fond : si l'Algérie est considérée par l'UA comme un pays qui peut peser pour trouver une solution politique acceptable en Libye, pourquoi alors le président Bouteflika – ou son représentant – n'a-t-il pas été du voyage de la délégation de l'UA qui vient de séjourner en Libye ? Selon certaines informations, El Gueddafi pourrait trouver refuge en Algérie dans le cadre de la solution politique envisagée par l'UA et adoubée par la communauté internationale. C'est ce qui pourrait expliquer, selon ces mêmes sources, le crochet par Alger de la délégation de l'UA. Si cette version est crédible, comment l'opinion algérienne réagira-t-elle face à ce colis embarrassant ? Déjà que El Gueddafi n'a pas bonne presse au sein de la population, les massacres commis par son armée contre les populations civiles ont fait de lui un personnage indésirable qui doit rendre des comptes à la justice internationale pour ses crimes contre son peuple.