Totalement submergée par les mouvements sociaux en cours, l'UGTA est réellement au creux de la vague. Désormais, la scène de la revendication lui échappe totalement. La centrale syndicale ne peut même plus jouer le rôle de pompier que le régime souhaite, tant elle a épuisé, depuis qu'elle a signé le pacte social avec le gouvernement, son dernier crédit, au moment même où des pans entiers de la société et des travailleurs croulent sous le poids de la cherté de la vie. L'UGTA a cessé de se ranger du côté de ces syndiqués en choisissant d'être de l'autre côté de la barrière. Elle a cessé de défendre les travailleurs contre le gouvernement et a fini par se mettre au service de celui-ci. Petit à petit, les travailleurs ont fini par faire leur deuil d'une centrale syndicale qui leur a complètement tourné le dos. Ils ont compris que sortir de son giron devenait une nécessité impérieuse. Tour à tour, les corporations, de la santé, médecins, professeurs et paramédicaux, l'enseignement supérieur, l'éducation nationale, le personnel de l'administration, autant dire une grande partie de la Fonction publique, ont décidé de prendre leur propre destin en main, en créant des syndicats autonomes forgés sur le terrain de la lutte abandonné par l'organisation de Abdelmadjid Sidi Saïd. Pourquoi et comment en est-elle arrivée là ? Pour ceux qui connaissent bien le dossier, l'UGTA est presque totalement dévitalisée. Selon des travailleurs affiliés à cette organisation syndicale, 50% de ses structures sont inexistantes. En d'autres termes, elles ne connaissent plus aucune vie organique. Avant de claquer la porte, les communaux, les travailleurs de la santé, les enseignants, tous paliers confondus, étaient tous organisés dans des fédérations au sein de la centrale syndicale. Selon nos sources, celles des communaux et de la santé, pour ne citer que celles- là, n'ont pas été renouvelées depuis une dizaine d'années. D'autres structures ont été maintenues sciemment dans un incroyable immobilisme. Un immobilisme qu'elles n'avaient pas connu de mémoire de syndicaliste, même à l'époque du parti unique. Pour tuer les mouvements sociaux, les responsables de l'UGTA recourent à l'étouffement des énergies syndicales en maintenant, à la tête des unions locales, des octogénaires dont la place naturelle est à la fédération des retraités ; cela a été le cas à Tébessa jusqu'à récemment. Cumul de fonctions et privilèges Pour mettre sous contrôle ses structures de base, la direction de l'UGTA fait en sorte que ses syndicalistes maison, ayant atteint l'âge de départ à la retraite, soient recrutés sous forme contractuelle par leurs employeurs. Elle aura ainsi assuré la fidélité d'une clientèle bien aux ordres contre un double salaire et quelques autres privilèges. D'autres procédés «énergiques» ont fait encore leurs preuves dans la gestion de la glorieuse organisation syndicale mise en place par Aïssat Idir : l'imbrication des responsabilités entre les unions locales et les unions de wilaya. Généralement, indique une source syndicale, ce sont des membres des bureaux des unions locales qui siègent au niveau des unions de wilaya. Impossible de contester leur «pouvoir», soutient notre source, puisque, explique-t-elle, les voies de recours sont inexistantes du fait que ce sont les mêmes personnes contestées qu'on retrouve à un niveau supérieur. Toutes ces pratiques ont contribué à tuer la vie organique au sein de l'Union générale des travailleurs algériens. Et la situation s'est aggravée depuis que le président Bouteflika avait annoncé qu'il ne reconnaissait qu'un seul syndicat : l'UGTA. Pourtant, qui ne sait pas que la centrale syndicale est loin d'être le meilleur représentant des travailleurs ? Pour beaucoup de syndicalistes qui restent encore fidèles à la centrale, l'UGTA est en train de vivre les pires moments de son histoire. En plus des raisons citées plus haut, des sources crédibles soutiennent que certains responsables de la direction nationale n'ont pas de fiche de paie depuis au moins 25 ans. Certains occupent de confortables strapontins au sein de certaines institutions du pays. D'autres cumulent plusieurs fonctions : député, secrétaire général d'union de wilaya, membre d'un conseil national d'un parti politique, président du conseil d'administration d'un organisme d'Etat, pour ne citer que celles-la. Nos sources indiquent que par-dessus tout, c'est l'affairisme qui gangrène l'organisation syndicale de Abdelmadjid Sidi Saïd. Ce sont toutes ses raisons qui poussent des corporations entières à sortir de son giron. Les employés de la BADR viennent de se doter d'un syndicat autonome. Ceux de Sonelgaz projettent de mettre sur pied le leur. Les responsables de la Fédération nationale des travailleurs des industries électriques et gaz sont de moins en moins reconnus comme représentants légitimes de la corporation. En un seul mot, l'UGTA, qui est le seul syndicat admis par le chef de l'Etat, est désormais une coquille vide.