Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé hier une révision de la loi fondamentale du pays. Dans quelle direction ? Il ne donne aucune indication, sinon celle de confier la tâche à «une commission constitutionnelle, à laquelle participeront les courants politiques agissants et des experts en droit constitutionnel». La commission en question lui fera des propositions dont il s'assurerait de «la conformité avec les valeurs fondamentales de notre société, avant de les soumettre à l'approbation du Parlement ou à vos suffrages par la voie référendaire». Le chef de l'Etat, qui procède ainsi à une deuxième révision constitutionnelle, ira-t-il jusqu'à remettre en cause celle qu'il avait effectuée en décembre 2008 et qui lui avait donné la possibilité de briguer un troisième mandat en avril 2009 ? Rien ne le dit. Au contraire, le chef de l'Etat qui a sacrifié un des principes fondamentaux de la pratique démocratique, celui de l'alternance au pouvoir par le biais de la limitation des mandats présidentiels, n'est pas prêt à s'amender. Laisser l'initiative de la révision constitutionnelle à une commission alors qu'il pouvait bien tracer lui-même – comme il l'avait si bien fait il y a plus d'une année – les axes des amendements voulus, est une manière bien connue de faire du surplace après avoir provoqué le boucan d'une grande annonce. Tout semble être fait pour qu'il n'y ait pas de grands bouleversements dans l'ordre politique qu'il a lui-même établi depuis son arrivée au pouvoir. A voir le bilan politique du chef de l'Etat, qui a brillé par la remise en cause de tous les acquis démocratiques chèrement arrachés par les Algériens, il n'y a aucun doute qu'il ne sera pas celui qui va révolutionner le régime politique algérien. Il y a quelques mois seulement, son homme de main, Abdelaziz Belkhadem, lui prêtait l'intention de se représenter à la magistrature suprême en 2014. C'est sur ce registre que beaucoup d'Algériens l'attendaient. Il n'en fut rien. D'une voix presque éteinte, le président Bouteflika ne semble pas avoir pris la mesure des révolutions démocratiques qui ont eu lieu dans le monde arabe, ou celles qui sont en cours, il a préféré faire l'impasse sur les véritables changements auxquels aspirent les Algériens en donnant surtout des gages pour la pérennité d'un système de gouvernance qui a produit l'échec qu'on connaît aujourd'hui. L'annonce de la révision constitutionnelle s'apparente plutôt à une farce qui maintiendra le pays en haleine pendant plusieurs mois avant de redécouvrir toute l'étendue de la régression dans laquelle on veut absolument le confiner. Si Bouteflika voulait vraiment des changements, notamment ceux qui toucheraient au nombre de mandats présidentiels, il n'en aurait pas laissé le soin à une commission. Il les aurait annoncé lui-même. Comme cela a été prévisible alors, le chef de l'Etat ne sera pas celui qui remettra en question ses propres décisions. Il ne sera pas surtout celui qui reviendra sur ses pas en effaçant la dernière révision constitutionnelle qui lui avait ouvert le chemin d'une présidence à vie. D'ailleurs, il n'a pas hésité dans son discours à envoyer une sévère mise en garde à ceux qui revendiqueraient autre chose que ce que le pouvoir en place est prêt à céder. Abdelaziz Bouteflika fait certainement allusion aux manifestations publiques. En somme, le locataire du palais d'El Mouradia sera celui qui aura révisé à deux reprises la Constitution. La première était pour rester à la présidence, la seconde pour sauver un régime qui n'a produit que l'échec.