Le monde a célébré, hier, la Journée internationale des droits de l'homme. Quel constat pouvons-nous en faire aujourd'hui en Algérie ? Sous prétexte de l'état d'urgence maintenu depuis 1992, les réunions publiques, les marches et manifestations politiques restent interdites, alors que les agréments des partis politiques, associations et syndicats restent encore tributaires des positions politiques à l'égard du pouvoir. Les espaces de libertés arrachés au prix fort des sacrifices se réduisent de plus en plus et l'exemple le plus récent est la suspension du secrétaire général du syndicat des Douanes pour ses déclarations entrant dans le cadre de ses activités syndicales.La justice, censée être rendue au nom du peuple algérien et en dépit d'un vaste chantier de réforme, n'a pu couper le cordon ombilical qui la relie à certaines sphères du pouvoir qui l'instrumentalisent pour bâillonner une voix ou neutraliser un opposant. Le droit à la défense et à une justice équitable est toujours remis en cause par les défenseurs des droits de l'homme et les citoyens, alors qu'en matière de droits économiques, le libéralisme sauvage est en train de compromettre dangereusement les acquis sociaux en matière de gratuité des soins, de la scolarité et de l'éducation. Dans une déclaration, Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme, a estimé que « les droits de l'homme constituent dans le monde contemporain un système de valeurs et un régime juridique. Et la jouissance des droits de l'homme dépend de l'aptitude fonctionnelle de l'Etat ». Pour lui, la réalisation de ces droits, qu'ils soient individuels ou collectifs, exige une structure de l'Etat et un système politique qui n'entravent pas l'exercice des droits, de tous les droits. « Le lien entre les droits de l'homme et le système politique est un lien d'implication mutuelle ; c'est dans la perspective d'une structure de l'Etat et d'un système politique de gouvernement garantissant fonctionnellement le libre exercice et la jouissance des droits de l'homme que se résolvent les interrelations entre la démocratie et les droits de l'homme. » Manque de transparence Boudjemaâ Ghechir a indiqué, par ailleurs, qu'en Algérie, les politiques du gouvernement sont caractérisées par le manque de visibilité et de transparence. « L'Etat est toujours dans une crise critique multidimensionnelle, conséquence de plusieurs causes, constituant dans leur ensemble une obstruction à la construction d'un Etat moderne, dont la mission est de générer un mode de gouvernance qui assurera un développement humain durable. » Selon le défenseur des droits de l'homme, les institutions existantes ne sont, en vérité, que des structures vides de contenu et n'ont aucune influence sur la vie politique. « Le pouvoir contrôle toujours le monde associatif et considère l'ensemble de la sphère publique comme un espace domestique. Malgré le changement et maintenant que la conception de la société est différente ; les magistrats se considèrent toujours des agents de l'Etat et des exécutants de sa politique. Les dirigeants n'ont pas l'intention et la volonté de laisser la justice indépendante. Le système judiciaire continue à créer de nouvelles générations de prisonniers d'opinion, d'ailleurs des poursuites pénales continuent d'être engagées contre des citoyens qui attendent moins de l'assistanat ou du social que des moyens qui favorisent au quotidien l'exercice de la citoyenneté, également des poursuites contre des journalistes qui dénoncent la corruption et la dilapidation des biens des contribuables et contre des défenseurs des droits de l'homme qui s'expriment sur la situation de ces droits en Algérie et, ce, sans omettre les droits des femmes souvent bafoués. » Le président de la LADH a estimé, en outre, que les lois, institutions et pratiques qui violent les droits humains restent en vigueur et la vérité sur les événements passés n'est toujours pas faite, les auteurs des atteintes jouissent de l'impunité et les victimes soufrent souvent en silence. Il a rappelé qu'afin de permettre la pleine jouissance des droits civils et politiques dans notre pays, il convient d'accorder une importance égale à la garantie des droits économiques et sociaux, une participation à la prise de décisions concernant la répartition des ressources financières et que les femmes jouissent pleinement de leurs droits. Un pouvoir judiciaire indépendant, a-t-il expliqué, et une bonne gestion des affaires publiques sont les conditions préalables au développement et à la cohésion sociale. Boudjemaâ Ghechir a demandé au gouvernement « la révision de la législation et des pratiques afin de garantir leur conformité avec les normes internationales des droits de l'homme, notamment en matière de liberté d'expression, d'association et de réunion et d'égalité pleine et entière entre l'homme et la femme, la garantie que cette législation et ces pratiques soient en conformité avec la déclaration sur les droits et la responsabilité des individus, des groupes et des organes de la société pour promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus ». Il a également demandé la levée de l'état d'urgence, des réserves relatives à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la ratification du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits de la femme africaine, des statuts du Tribunal pénal international et l'ouverture du champ politique.