Bien que la menace des groupes armés islamistes soit beaucoup moins pesante au cours de ces dernières années, les Algériens, de l'avis des militants des droits de l'homme et de l'opposition politique, assistent impuissants à un glissement progressif vers un Etat de non droit. En dépit de l'engagement pris par les hautes autorités du pays qui, à coups de discours rassurants, promettaient le respect de la dignité humaine et la promotion réelle des libertés sous toutes leurs formes, aucune réforme structurelle n'est encore mise en marche pour juguler ces violations. D'aucuns reconnaissent au chef de l'Etat le mérite d'avoir ouvert certains chantiers, celui de la justice notamment. Cependant, le rapport final consignant les propositions et recommandations de la commission présidée par le professeur Mohand Issad demeure à ce jour dans les tiroirs de la Présidence. Conséquence : la justice demeure le parent pauvre des réformes démocratiques et les magistrats sont confinés dans le rôle peu valorisant de simples exécutants. La voie a été donc grande ouverte à toutes les dérives. Les quelques « réformettes » concrétisées jusque-là ne sont, en réalité, qu'un replâtrage de façade destiné à la consommation externe. Sous prétexte de l'état d'urgence, une loi d'exception instaurée depuis quatorze ans, et un chapelet de textes répressifs énoncés dans le code pénal révisé en mai 2001, les atteintes aux droits de l'homme se sont presque banalisées, voire institutionnalisées. Les arrestations et les interpellations, comme ce fut le cas pendant les émeutes cycliques qui ont éclaté un peu partout à travers le territoire national, continuent à s'opérer dans des conditions qui échappent à toute procédure judiciaire légale. Les poursuites pénales pleuvent sans interruption sur les meneurs des révoltes sociales. Les femmes continuent à se battre en silence pour leurs droits bafoués. La vérité sur les événements passés n'est toujours pas établie. Les auteurs des crimes perpétrés durant les événements de Kabylie jouissent de la liberté que procure l'impunité. Il est vrai que le gendarme qui fut derrière l'assassinat du jeune Guermah Massinissa, en 2001, a été jugé, condamné puis libéré, mais il reste encore 25 autres auteurs de crime qui doivent répondre de leurs actes. Aussi, rien n'a été dit sur la torture pratiquée lors des émeutes du 5 octobre 1988, les disparitions et enlèvements perpétrés durant la « décennie noire » et les tueries commises durant la même période. Autre conséquence directe de l'état d'urgence : les réunions publiques, les marches et manifestations politiques sont interdites. Les agréments des nouvelles formations politiques, associations et syndicats autonomes sont bloqués. Tout se passe comme si les acteurs politiques et sociaux doivent montrer patte blanche pour se voir remettre le fameux sésame. La presse reste, elle aussi, étroitement surveillée et les journalistes quotidiennement harcelés. Outre l'emprisonnement de trois directeurs de publication et la condamnation de beaucoup de journalistes, de nombreuses procédures judiciaires sont actuellement en cours pour des affaires liées aux délits de presse. Les dispositions contenues dans le code pénal qui prévoient de fortes amendes et de lourdes peines de prison pour diffamation sont une véritable épée de Damoclès. Le secteur de l'audiovisuel reste, quant à lui, le monopole de l'Etat. Voilà, résumé, l'état des lieux des droits de l'homme dans une Algérie qui a pourtant signé et ratifié toutes les conventions régionales et internationales en la matière. Un état repoussant qui explique en partie pourquoi les investisseurs et les touristes ne se bousculent pas.