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Slim Othmani (Directeur général de la Nouvelle Conserverie Algérienne (NCA) de Rouiba) « L'implication du gouvernement dans la mise à niveau des PME est insuffisante »
La Nouvelle Conserverie Algérienne (NCA) de Rouiba fait partie des grandes PME de l'agroalimentaire en Algérie. Après le succès qu'elle a enregistré dans le secteur des boissons, l'entreprise s'est délestée de ses activités de conserverie pour se spécialiser dans la production de jus de fruits de nectars. Confrontée à un nouveau contexte économique au regard de l'ouverture du marché à de nouveau entrants et à la domination des grandes firmes internationales rompues aux techniques modernes de gestion, NCA s'est vue contrainte de se remettre en cause et de s'engager dans un processus de mise à niveau de l'entreprise aux fins d'améliorer sa compétitivité. Son patron, Slim Othmani, nous dresse dans cet entretien le bilan des actions menées dans le cadre du programme d'appui aux PME-PMI géré par Euro développement. Votre entreprise a adhéré au programme d'Euro développement et a bénéficié de l'appui destiné aux PME algériennes. Pouvez-vous nous restituer les circonstances de cette adhésion ? D'abord je tiens à préciser que notre société s'est engagée historiquement dans un programme de mise à niveau hors structure du programme MEDA. C'était un programme de mise à niveau volontaire, interne, sur ses propres fonds. Mais c'était un programme de mise à niveau qui a montré rapidement ses limites car, pour initier une mise à niveau, il faut de l'expertise, des ressources financières et des hommes pour la diriger. Avec la mise en place du programme MEDA, nous avons été rassurés et confortés dans notre démarche à travers certains audits et diagnostics. Cela nous a appuyé même si c'était d'une façon quelque peu timide. Je dis d'une façon timide parce que une entreprise similaire à la nôtre en Tunisie par exemple, a bénéficié d'un programme de mise à niveau et d'appui de 3 millions d'euros, alors que nous en deux années, nous avons peiné pour arracher une valeur de 200 000 euros. Vous voyez donc qu'il y a une différence majeure entre les deux programmes. Cela est dû, me semble-t-il, à la réticence, aux lourdeurs et aux lenteurs de l'administration et il n'y a pas suffisamment d'implication de la part des institutions gouvernementales concernées. Nous avons l'impression que ce programme de mise à niveau crée une sorte de jalousie, d'incompréhension de la part des pouvoirs publics qui ne veulent pas nous en faire bénéficier comme les Marocains ou les Tunisiens en ont bénéficié. Donc je tire la sonnette d'alarme. Si l'on veut aller vite, les autorités doivent arrêter d'évoquer systématiquement le fait que les entreprises ont besoin d'une mise à niveau. Nous n'avons pas besoin, en tant que chefs d'entreprise, de l'expertise des gens du ministère pour savoir si nous devons nous mettre à niveau ou pas. En revanche, nous avons besoin des moyens nécessaires à la mise à niveau et d'un appui réel au programme, en mettant les fonds qu'il faut et pas les fonds timides proposés par le gouvernement actuellement. Concrètement, quel a été l'impact du programme de mise à niveau sur l'activité de votre entreprise ? L'impact a était positif en matière de productivité, de réorganisation et de changement culturel aussi au sein de l'entreprise. Mais cela reste toujours insuffisant. Une mise à niveau comprend des aspects tangibles et des aspects intangibles. Ces derniers concernent notamment les systèmes de gestion de l'information. Nous avons l'impression que les institutions et les ministères ne croient pas à la notion de l'intangibilité. Aujourd'hui nous sommes en plein siècle de l'information mais nous en sommes encore à voir des gens dans l'administration qui se grattent la tête en se demandant s'il faut accompagner les entreprises dans la mise en place d'un système d'information cohérent. Imaginez un peu cette complexité. Pour ce qui nous concerne, nous avons fait le choix de mettre à niveau la partie tangible et intangible. On se bat et on dépense de l'argent de nos propres fonds mais, puisqu'on nous dit qu'il faut se jeter dans l'arène de la compétitivité, on souhaite qu'on nous donne un coup de main, d'autant plus que cela a été décidé trop rapidement. Justement les experts évoquent la nécessité d'une mise à niveau de l'environnement économique parallèlement au lancement des programmes d'appui aux entreprises. Qu'en dites-vous ? Quand on parle de mise à niveau de l'environnement, c'est en fait une façon diplomatique de parler de mise à niveau de l'administration algérienne qui est effectivement une nécessité. Mais si on réussit à mettre à niveau les entreprises, l'administration se mettra à niveau de facto parce que c'est une dynamique économique irréversible. Nous ne devrions pas freiner ou stopper le processus de développement économique du pays pour faire plaisir à monsieur X ou monsieur Y qui est dans l'administration. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent être dotées des moyens nécessaires pour qu'elles avancent vite. Certains vous diront que cela ne doit pas se faire dans la précipitation mais il ne s'agit pas non plus de freiner l'avancée de tout un processus ou d'attendre qu'un certain nombre de commissions se réunisse. L'Accord d'association signé avec l'UE est entré en vigueur, les entreprises algériennes en sont exposées mais nous avons perdu beaucoup de temps. Quelle lecture faites-vous justement de l'Accord d'association signé avec l'UE quatre mois après son entrée en vigueur ? Personnellement, je souhaite que la société civile et les associations patronales soient beaucoup plus impliquées dans la mise en œuvre de cet Accord, dans le suivi et soient beaucoup plus informées du contenu des implications et des conséquences. En tant que chef d'entreprise, je considère que cet Accord a du bon et du mauvais. Le bon j'en fais mon affaire, le mauvais aussi je souhaiterais en faire mon affaire pour contribuer à le transformer en bon. Votre entreprise évolue dans le secteur de l'industrie agroalimentaire. Comment percevez-vous l'évolution de ce secteur ? Le secteur de l'agroalimentaire en Algérie pourra avoir un bel avenir si le ministère de l'agriculture comprend qu'il y a un lien extrêmement étroit entre l'agriculture et l'agroalimentaire. Pour le moment ce lien n'est pas encore établi. On ne discute pas suffisamment et on considère le secteur agroalimentaire comme étant le parent pauvre de l'agriculture alors qu'il doit être la partie la plus importante du secteur. Nous transformons les excédents de production agricole en de produits industriels.