Le gouvernement a-t-il le droit de décider de l'éthique journalistique ? Non. La réponse de la majorité des professionnels est claire. Oui, semblent suggérer les autorités. «La loi sur l'information, elle, introduira les repères d'une charte déontologique et complétera la législation actuelle, notamment à travers la dépénalisation du délit de presse», a déclaré le président Abdelaziz Bouteflika, lors du discours du 15 avril dernier. «L'aspect lié à la déontologie journalistique dans le même discours présidentiel suscite inquiétude. Bouteflika ne suggère rien moins qu'une charte d'éthique intégrée dans une loi sur l'information. Auquel cas, ce n'est plus une charte de déontologie mais une loi, appelant donc à des sanctions judiciaires en cas d'infraction, soit exactement tout le contraire de l'objectif dévolu traditionnellement à une charte», a dénoncé le Syndicat national des journalistes (SNJ). Les avis des professionnels sont partagés. Amel Zemouri, du quotidien El Moudjahid, est favorable à l'idée d'avoir déjà une charte d'éthique et de déontologie. «Cela fait vingt ans que les journalistes n'ont pas eu de carte nationale de presse. Je suis d'accord qu'on précise les droits et devoirs de part et d'autre. C'est un début. Les patrons de presse doivent aussi assumer leurs responsabilités et que tout ne doit pas tomber sur la tête des journalistes», a-t-elle dit. Bariza Bourezègue, de la Chaîne I de la Radio nationale, n'est pas loin de cet avis. «Dépénaliser l'acte de la presse doit être suivi par un mécanisme pour organiser le métier. Les journalistes sont tenus de respecter la charte d'éthique et de déontologie. Cela sera une bonne chose si la charte a été appliquée dans le bon sens. Cela est valable autant pour le secteur public que pour le secteur privé», a-t-elle observé. Pour Salah Slimani, correspondant d'une agence étrangère à Alger, tout ce qui est du domaine de la presse relève de la corporation et non pas du gouvernement. «Il est insensé que des lois soient dictées d'en haut alors que la profession a assez de maturité pour prendre son destin en main. La corporation a tous les moyens pour défendre sa cause. Elle doit avoir la liberté de pouvoir s'organiser», a-t-il estimé. Chafaâ Bouaïche, de Waqt El Djazaïr, a rappelé que les journalistes avaient installé, par le passé, un conseil d'éthique et de déontologie. «Un conseil qui, malheureusement, ne fonctionne plus, je ne sais pas pour quelle raison. Il reste que ce n'est ni au président de la République, ni au gouvernement, ni au ministère de la Communication de décider de la déontologie journalistique (…) L'éthique veut que le Président rentre chez lui !» a-t-il déclaré. K. Selim, éditorialiste au Quotidien d'Oran, a regretté la désorganisation de la corporation. «Quand nous ne faisons pas les choses nous-mêmes, d'autres le feront à notre place et ils le feront mal ! Notre drame est que nous ne sommes jamais arrivés à nous organiser sérieusement et à poser des questions sur notre pratique. Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas besoin d'éthique. A priori, c'est une très mauvaise chose que ce soit le gouvernement qui élabore la charte d'éthique. C'est l'occasion aux journalistes de dire, c'est notre boulot !» a-t-il conseillé. Slimane Hamiche, journaliste à El Khabar, est d'accord avec K. Selim en ce sens que l'éthique de la presse ne concerne pas les autorités politiques. «Le ministre de la Communication a déclaré qu'il allait ouvrir un dialogue. Ou le ministre n'a rien compris, ou il veut gagner du temps. Bonne ou mauvaise, l'expérience du conseil de déontologie doit être prise en compte par les journalistes pour retenir la leçon», a-t-il dit. La plupart des journalistes interrogés par El Watan soutiennent l'idée d'un débat ouvert et franc autour de la réélection d'un nouveau conseil d'éthique et de déontologie pour que l'initiative ne sorte pas du cadre professionnel.