«C'est aux peuples tunisien et égyptien que revient le mérite d'avoir milité et s'être battus pour dire basta à la dictature.Il est impératif de réhabiliter le politique et les partis politiques. Il faut croire aux partis car on ne peut pas faire de la politique sans les partis politiques». Il s'agit là de la voie à suivre selon la féministe et écrivaine Wassyla Tamzali, pour arriver à faire aboutir l'idée de changement. Invitée par l'association caritative Inner Wheel pour parler des «enjeux des révolutions arabes», Mme Tamzali a tenu à souligner que les pouvoirs en place dans les pays arabes ou maghrébins ont de tout temps fait en sorte de discréditer l'action politique réduisant la vie de la Cité à un simple contrat social où ne subsistent que traditions et la gestion par la force. «Nous avons en Algérie un petit espace d'expression, et il est important de réhabiliter l'action politique pour que cet espace s'agrandisse», dit-elle. La conférencière précise, en outre, qu'en Algérie «on a tendance à voir la manipulation partout. C'est insultant pour les gens qui tentent d'agir en vue de faire aboutir l'idée de changement. Il est clair qu'à un moment donné, il y a des tentatives de récupération des mouvements suivant des intérêts particuliers. Il faut, pour éviter cela, être vigilants et ne pas voir la manipulation déjà à la naissance des mouvements», estime Wassyla Tamzali qui note que même si certaines conjonctures peuvent servir des Etats tiers, il faut croire que c'est aux peuples tunisien et égyptien que revient le mérite d'avoir milité et s'être battus pour dire basta à la dictature. Ceci, et de noter que seule l'action politique et l'expression d'une pensée politique peuvent faire aboutir le changement. «Si on veut arriver à un vrai changement, il faut permettre la rencontre du désir de liberté qu'expriment les jeunes d'aujourd'hui avec la capacité de produire un discours politique sur ce désir de liberté», indique la conférencière. Expliquant sa pensée, cette dernière note qu'il y a «dans la jeunesse d'aujourd'hui plus de rébellion que chez leurs aînés. Depuis les luttes pour la décolonisation, on a l'impression que l'histoire s'est arrêtée par la libération du pays et on a sacrifié la libération des individus. Nous étions dans la construction d'une Nation, il nous semblait ne pas avoir le droit d'exprimer nos désirs individuels de liberté. Nous n'avons donc pas construit la liberté. Aujourd'hui, la revendication des jeunes est en dehors de tout dogme idéologique. Ce qu'ils veulent c'est la liberté, sans savoir ce que c'est réellement, mais ils savent que c'est dire ''non au souverain'' comme le dit si bien Michel Foucault.» Et d'enchaîner en disant : «Nous n'avons pas su dire en 1962 le slogan de ‘'laissez-nous vivre'', scandé dans les rues d'Alger en 1994 dans la marche des femmes contre le terrorisme. Nous étions pris par le million de martyrs. Aujourd'hui, les jeunes ne veulent pas être parfaits mais libres, ce qui fait qu'on a plus changé avec ces mouvements de jeunes en trois mois que ce qu'on a pu faire en 30 ans de travail associatif.» La féministe continue son plaidoyer pour la réhabilitation du politique en notant : «Pour qu'il y ait changement, il faut savoir faire aboutir la rencontre magique entre le désir de liberté et le discours. On peut dire que l'Algérie a commencé avant tout le monde en 1988, soit 22 ans avant Sidi Bouzid, mais nous avions cru que le changement viendrait avec les réformes. Or dans les révolutions d'aujourd'hui, nous avons, et pour la première fois, l'espoir de voir les hommes et les femmes de ces pays devenir des citoyens. J'ai l'impression aujourd'hui avec ces révolutions arabes que c'est l'histoire qui se remet en marche.» En militante féministe convaincue, Mme Tamzali évoque le combat des femmes pour l'égalité comme une idéologie de la libération. «Le souci des féministes n'est pas d'obtenir l'égalité seulement en droit, mais aussi d'arriver à imposer la prise de conscience dans la société que la femme est l'égale de l'homme», note la conférencière qui tient à souligner que dans ces révolutions arabes, les femmes ne sont pas séparées des hommes. «Elles sont dedans. Le combat pour la libération de la société passe par la libération des individus, hommes et femmes. Il ne faut pas oublier que la hiérarchie des sexes dans les sociétés arabes et musulmanes passe par la domination des femmes qui sert à asseoir les pouvoirs politiques en place. Le combat des femmes est donc éminemment une idéologie de la libération.»