La militante féministe maghrébine, l'Algérienne Wassyla Tamzali, estime qu'aucun développement n'est possible sans une participation citoyenne, pleine et entière. Wassyla Tamzali, auteure du roman Une éducation algérienne, de la révolution à la décennie noire paru aux éditions Gallimard en septembre 2007, était l'invitée, samedi dernier, de la section locale de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme, à l'occasion de la célébration du 48e anniversaire des événements du 17 Octobre 1961. Revenue dans sa ville natale pour présenter son dernier livre, la militante féministe et engagée depuis l'Indépendance, Wassyla Tamzali s'est longuement attardée sur son passé de militante, de rêveuse d'une Algérie meilleure et prospère au lendemain de l'indépendance, sans omettre de faire le point de l'échec du développement prôné par les tenants du régime de l'époque. «La ville de Bougie où je suis née, a une place très importante dans ma vie», avait-elle déclaré d'emblée, en enchaînant pour justifier sa vocation dans le domaine de la défense de la dignité humaine. «Ma vie s'est orientée dès mon jeune âge vers la défense de la dignité humaine, de la liberté d'expression, pour enfin converger en se résumant à la défense de la liberté de conscience» ajoutant, «car, la liberté de conscience nous éduque à s'accepter avec nos différences. Il faut que nous cessions d'être des ennemis, pour devenir des adversaires enfin. Car mieux vaut convaincre que contraindre, par une autre approche basée sur la communication, le débat et le dialogue». Ce faisant, la rencontre a été un moment de débat, à la fois sur son livre, sur l'espoir né au sein de sa génération au lendemain de l'Indépendance, son engagement pour les droits de la femme, les libertés individuelles et collectives. Sur ces sujets, la conférencière n'est pas allée avec le dos de la cuillère. «Je risque de vous choquer si je vous dis que je déteste le mot développement, car on nous a leurrés avec, à l'indépendance», déclara-t-elle avant de poursuivre en insistant sur la différence entre la libération et la liberté. «La libération du peuple algérien en 1962 n'a pas abouti à sa liberté. On nous a promis la démocratie une fois le pays développé, un subterfuge avancé en somme, qui a fini par être rattrapé par la réalité économique, sociale et politique. Puisque le constat parle de lui-même, on a développé le pays, la tête à l'envers. Aujourd'hui, nous sommes classés à la 140e place en matière de développement humain. La notion même du développement est étroitement liée à l'environnement et à la démocratie citoyenne.» A cet effet, Mme Tamzali assure que l'idée d'indépendance de l'Algérie était, à l'époque, une idée moderne. En effet, tant que la France occupait l'Algérie, la nation algérienne n'existait pas. C'est ainsi que le nouvel Etat est né dans l'idée anticolonialiste. En outre, la rencontre n'a pas été sans aborder le volet féminin où la conférencière s'est attardée sur le sujet, un sujet qui a mené l'auteure, pendant vingt ans, à de nombreux combats pour les droits de la femme, dont elle devient porte-parole convaincue et engagée. A cet effet, la féministe engagée a insisté sur la question de la femme aux niveaux local, national et international en abordant le Code de la famille, la dépolitisation de la question des femmes, le développement et la démocratie. «C'est par le degré d'émancipation des femmes qu'on mesure le degré d'émancipation d'une société. En Algérie, la loi est le premier violeur des femmes. Ma génération savait bien qu'on ne pouvait pas changer le monde, mais du moins, nous l'avions préservé. Il est plus que désolant de constater qu'en matière des droits de la femme mon pays regresse d'année en année», martèle-t-elle sur la question avant de souligner: «Combien d'années avions- nous attendu pour voir notre pays ratifier la Convention des droits de la femme, et avec réserves par-dessus le marché? Les droits de la femme c'est à prendre ou à laisser, pas de demi-mesure.» Biographie Issue d'une famille de notables, de père algérien et de mère espagnole, Wassyla Tamzali est née à Béjaïa, en Algérie, en 1941, juriste de formation, elle a exercé de 1966 à 1977 le métier d'avocate à la cour d'Alger en menant en parallèle des activités journalistiques et culturelles. En 1979, elle rejoint la Fonction publique internationale à l'Unesco où elle était chargée du programme sur «les violations des droits de la femme» au sein de la division des droits de l'homme et de la paix. Militante féministe convaincue et engagée, Wassyla Tamzali est membre fondateur du Collectif Maghreb Egalité. Elle a été maintes fois honorée pour ses activités en faveur de la lutte pour la promotion de la femme et la préservation de ses droits. Rédactrice en chef du premier hebdomadaire maghrébin libre Contact de 1970 à 1973, Wassyla Tamzali est auteur d'un livre sur le cinéma maghrébin En attendant Omar Guetlato et auteure aussi d'un ouvrage d'art sur la parure des femmes berbères Abzim.