San Francisco, avec ses gratte-ciel, ses néons et ses Cadillacs, c'est l'Amérique comme au cinéma. Voici The Golden Gate Bridge. On s'attend à voir Kim Novak et James Stewart dans une scène de Vertigo, le film d'Alfred Hitchcock, quand Kim Novak tombe dans l'eau. San Francisco (Californie, USA) De notre envoyé spécial Mais San Francisco a surtout un côté bohème. Dans le quartier de North Beach, je vois soudain surgir devant mes yeux la célèbre librairie City Light Bookstrore ! Plaisir incomparable de retrouver réunies ici toutes les œuvres de la «Beat Generation». Le libraire me salue d'un joyeux «Hi !», comme si on se connaissait déjà. Aux quatre coins de la boutique, au sous-sol, je salue à mon tour au passage, à travers leurs livres, le souvenir de Jack Kérouac, Allen Ginsberg, William Burroughs... North Beach, tout au long de Columbus Avenue, c'est une île de liberté, d'insouciance. Sur les trottoirs flotte un air permissif, de jeunes couples s'embrassent, se caressent. Passions secrètes, élans brûlants. On voit ici toutes les origines : des Blancs, Noirs, Latinos, Asiatiques... On déambule le soir au ralenti, une musique de jazz sort des tavernes, la fumée n'est pas seulement celle des Malboro's... Les poètes hipsters ont formé une puissante communauté autour de la City Light Bookstore, fondée en 1953 par Lawrence Ferlinghetti. Une communauté active, énergique : publications nombreuses, lectures publiques de poèmes. Ferlinghetti a publié son premier recueil de poèmes : Pictures Of The Gone World (Images d'un monde disparu). Tandis que Jack Kérouac, continuellement sur la route entre New York et San Francisco, terminait en 1957 son fameux roman On The Road (Walter Salles, cinéaste brésilien, achève aujourd'hui une adaptation du livre, ce que Coppola a tenté de faire...). Power flower Après North Beach, virée (bohème) à Haight Ashbury : ce district mythique qui a inspiré il y a 40 ans la planète hippie entière. Flower Power, Summer of Love ! Du monde entier, des groupes de jeunes se précipitaient ici une fleur à l'oreille. Aujourd'hui, la tribu hippie a quasiment disparu ; ne restent que des groupes de SDF sales, allongés par terre. Ambiance alternative, certainement, dans un lieu qui a connu la grandeur et qui peine aujourd'hui à survivre en évitant la décadence. Du coup, le maire de San Francisco avait décidé de prendre les choses en main, il y a quelques années déjà. Sa loi «Sit-Lie» punit sévèrement les SDF, les trafiquants de drogues dures qui pullulent le jour et la nuit à Haigh Ashbury : 30 jours de prison et 500 dollars d'amende. Les drogues douces, ça passait du temps de la bohème, mais le crack et autres substances horribles, le maire a dit non. Des opposants sont sortis dans la rue pour dénoncer la loi, qui semble rester lettre morte. Pendant ce temps, au Kabuki Theatre, à Berkeley dans la Pacific Film Archive, le festival de San Francisco continuait son irrésistible marche sur le chemin du cinéma d'auteur et recevait l'honorable Oliver Stone. Dans le programme, de la musique rock aussi : la British Chamber Rock Band a joué sur scène des morceaux de la bande-son de plusieurs films de Claire Denis. Alors que dans une salle voisine, la cinéaste libano-iranienne Mariam Kachawartz présentait son long métrage Circonstances, un sujet politique fort et une love-story à la fois. Elle venait de décrocher le prix du public à Sundance il y a quelque temps. Detroit Wild City, documentaire de Florent Tillon, remonte au temps où la ville était une puissante manufacture de voitures, où les ouvriers pionniers dans ce domaine formaient une corporation puissante et très revendicative. Portraits d'immigrants indonésiens en Hollande dans Position among the stars de Leonard Helmrich, et d'immigrants péruviens au Chili dans I de Oscar Gody. Les images défilent, la tension monte, la jubilation aussi. The show goes on dans cette cité d'une grande beauté où le tumulte médiatique (photographes, caméras TV) a régné le premier soir devant le cinéma Castro et depuis a laissé la place au traditionnel rush sur les projections.