De notre envoyée spéciale à San Francisco Amel Bouakba Dans la série culte, les Rues de San Francisco, Karl Malden et Michael Douglas ont parfaitement immortalisé la ville en nous plongeant dans l'ambiance de ses célèbres rues sinueuses et de ses pentes interminables. Mais il n' y a pas que ces rues si particulières qui en font la célébrité. Son fameux pont, le Golden Gate Bridge, ses remarquables Câble Cars, la Transamerica Pyramid, la Coit Tower, China Town, le quartier asiatique le plus notoire hors d'Asie et surtout l'île d'Alcatraz, cette prison-île où plusieurs prisonniers célèbres ont séjourné, à l'image d'Al Capone. Tout cela donne envie de visiter cette ville californienne au charme intarissable. Elle occupe la pointe d'une péninsule presqu'île, longue de 50 kilomètres, située entre l'océan Pacifique et la célébrissime baie de San Francisco. Elle se caractérise par 43 collines, dont sept principales. Avec 800 000 habitants, San Francisco, la plus européenne des cités américaines, est la quatrième commune la plus dense de Californie, sur la côte occidentale des Etats-Unis, derrière Los Angeles, San Diego et San José. Ceux qui visitent pour la première San Francisco seront frappés par le caractère cosmopolite de cette ville américaine. Des ethnies aussi diverses que variées s'y côtoient. On y croise rarement un Américain de «souche». En fait, près d'un tiers de sa population est d'origine chinoise. A San Francisco, on se fond volontiers dans la foule «universelle». La ville libérale et ouverte sur le monde n'en finit pas d'étonner avec ses facettes multiculturelles. L'élection présidentielles historique qui vit la victoire exceptionnelle de Barack Obama a confirmé, encore une fois, la tendance démocrate de cette ville de l'Ouest américain. Ce côté antiraciste donne un attrait attachant à la ville, et c'est certainement l'un des aspects qui a attiré nombre de nationalités à porter leur dévolu sur San Francisco, «The City», comme l'appellent les autochtones. L'Algérien Mourad en est le parfait exemple : «J'ai visité plusieurs villes américaines, avant de décider de m'installer ici», confie ce jeune dentiste, les yeux rivés sur son jeu de cartes. Au café «Trieste», l'ambiance est algéroise. Nous sommes pourtant à San Francisco, à des milliers de kilomètres d'Alger. Dans ce café aux couleurs méditerranéennes, situé au quartier italien, le North Beach, mitoyen de China Town, des Algériens se rencontrent régulièrement. C'est ici que se réunissent d'habitude nos compatriotes en mal du pays. Ils jouent aux cartes, échangent des idées et parlent de l'avenir… La mine calme et déterminée, Mourad donne l'air de quelqu'un qui a trouvé son bonheur. Il a quitté l'Algérie, plus précisément la rue Hamani (ex-Charras), à Alger, depuis 16 ans, pour venir s'installer ici. Il a épousé une Américaine et a ouvert un cabinet à San Francisco. «Pas facile de quitter sa famille, ses amis… San Francisco n'est pas la porte à côté mais lorsqu'on y met les pieds, on finit par y prendre goût», avoue-t-il. Aujourd'hui, il mène une vie paisible avec sa femme et ses trois enfants. San Francisco les à accueillis, ses copains et lui, à bras ouverts. C'est également le cas de Sid Ali, qui vient de la rue Didouche Mourad, à Alger. Il est actuellement manager au restaurant «Le Franciscain» à Fisherman's Wharf, l'un des endroits les plus touristiques de San Francisco. Cela fait vingt ans qu'il a quitté l'Algérie : «Nous nous sommes tout de suite adaptés à la vie d'ici», dit-il. Sid Ali trouve également que cette ville, caractérisée par ses pentes et ses collines, ressemble étrangement à Alger, c'est pourquoi il ne ressent pas trop de dépaysement. C'est ce que pensent aussi d'autres Algériens rencontrés dans ce café où le célèbre cinéaste Francis Ford Coppola a écrit le mémorable scénario du film le Parrain. «Les Américains nass m'lah mais pas le gouvernement !» Lors de la dernière présidentielle américaine, les Algériens de Californie ont voté massivement, certains pour la première fois, dans le but de soutenir Obama, qui incarne pour eux le changement. Ceux qui ont réussi à décrocher la citizenship, la citoyenneté américaine, ont tenu à ne pas manquer ce rendez-vous électoral, pour le moins unique. La plupart de nos compatriotes sont installés depuis presque vingt ans aux Etats-Unis. C'est le cas de Kader, originaire de Hussein Dey, à Alger. Diplômé en économie, après des études en France, il a connu la galère, sillonné plusieurs villes européennes, transité par New York et Chicago avant de convoler en justes noces avec une Américaine et d'élire domicile à San Francisco. Il y vit depuis presque dix ans. «Dans cette ville, les gens sont ouverts, de plus je suis pénard dans ma nouvelle vie», dit ce jeune Algérien, qui travaille dans l'hôtellerie. Ces Algériens portent toujours la mère patrie dans le cœur. Ils se donnent rendez-vous chaque dimanche pour un chaleureux match de football qui les replonge dans les chaudes ambiances algéroises. Bilal, de Hydra, trouve aussi des similitudes entre San Francisco et Alger la méditerranéenne. Il la porte dans l'âme allant jusqu'à immatriculer sa voiture «16» : c'est possible aux Etats-Unis, avec ce qu'on appelle la «private plaque», un service qui se paye. C'est en 1995 que Bilal a quitté Alger. Actuellement, il travaille dans un restaurant et étudie en parallèle : «Je vais souvent en vacances à Alger, mais je suis, à chaque fois, choqué par le système algérien qui n'a pas changé. Je suis Algérien de cœur mais, quand je me retrouve à Alger, je vois malheureusement que les choses n'ont pas bougé, qu'il n y a pas eu de progrès.» «Paradoxalement, dit-il, je me suis facilement adapté à la vie américaine et vite intégré dans la société ; les Américains acceptant l'autre facilement. Franchement, je n'ai pas eu de mal à trouver ma place. C'est vrai que j'aime tellement Alger, et l'Algérie c'est mon pays, ce n'est certainement pas de gaieté de cœur que je l'ai quittée, j'y ai laissé ma famille, mes amis… et tant de souvenirs… mais je n'aime pas la façon dont le système fonctionne, à savoir la corruption qui mine l'administration et la société, le piston, les passe-droits, l'injustice… c'est quand même terrible que cela se passe comme ça en Algérie. Je constate aussi qu'il n' y a plus de [middle class], la classe moyenne… Mais il y a par contre de plus en plus de gens très riches et de plus en plus de gens trop pauvres...» avoue-t-il amèrement. «Les Américains nass m'lah, mais la politique du gouvernement américain est loin d'être pareille !» lance un groupe d'Algériens. «On espère que l'élection de Obama va changer les choses, particulièrement dans les relations avec le Proche-Orient et surtout booster les relations algéro-américaines», estime-t-on encore. Nécessité d'un consulat en Californie L'avènement de Barack Obama à la tête de la première puissance du monde ne cesse d'alimenter les débats. Tout le monde espère que les Etats-Unis vont tourner une nouvelle page avec l'élection du sénateur de l'Illinois et surtout la fin de l'ère Bush. «Huit ans de [bushisme] c'est trop !», lance-t-on à tout bout de champ. Mourad reste néanmoins sceptique. Il ne se fait pas d'illusion quant à un changement de la politique étrangère américaine vis-à-vis de la cause palestinienne. «Israël a toujours été l'enfant gâté des Etats-Unis et je ne pense pas que cela va changer avec la nouvelle administration. L'Amérique a toujours soutenu l'Etat hébreu», dit-il. Ce n'est pas l'avis de Samuel. Juif américain, employé dans une célèbre société de cosmétiques. Il est pro-républicain et voit d'un mauvais œil l'arrivée du nouveau locataire de la Maison-Blanche. Il ne cache pas sa désapprobation de voir un Noir à la tête du pays. Ces jeunes Algériens reprochent à l'ambassade d'Algérie basée à Washington de ne pas être à l'écoute de ses ressortissants : «Contrairement à d'autres communautés, notamment arabes, qui trouvent assistance et soutien auprès de leurs représentations diplomatiques, la nôtre ne nous valorise pas du tout», disent-ils. Ils souhaitent que le nouvel ambassadeur algérien aux Etats-Unis fasse plus d'effort que son prédécesseur. Selon eux, «le nombre d'Algériens, de plus en plus important, installés aux Etats-Unis devrait inciter à l'ouverture d'une représentation diplomatique en Californie». Un Etat qui a vu ces cinq dernières années déferler beaucoup d'Algériens, notamment dans le cadre de la loterie, l'American Green Card. Pas très loin d'ici, dans la région de San José, il y a aussi beaucoup d'ingénieurs algériens qui sont installés. Leur arrivée remonte à l'époque de feu Boumediene lorsque le gouvernement algérien envoyait des cadres en formation aux Etats-Unis. Quid de la crise financière qui a frappé de plein fouet l'Amérique ? Pour beaucoup d'Américains, elle a eu des conséquences certaines sur les citoyens mais à des degrés moindres d'un Etat à un autre. «Financial crisis is a disaster !» (la crise financière est un désastre), c'est en ces termes que la décrie un groupe d'Américains rencontrés sur California Street : «Les répercussions de la crise financière ont commencé à voir le jour depuis huit mois environ et se traduisent par une hausse des prix de certains produits de large consommation», nous explique-t-on. Mais selon nos interlocuteurs, «c'est surtout la classe ouvrière qui souffre de cette crise». En réalité, la récession n'a pas touché tellement la Californie, car c'est l'un des Etats les plus riches d'Amérique. Toujours est-il que la ville a connu ces dernières années une hausse fulgurante du prix de l'immobilier. Câble Car, un tramway nommé désir… L'aspect touristique de cette ville californienne attire les visiteurs de tous les coins du monde. Le câble Car de San Francisco a une originalité à vous couper le souffle. Ce moyen de locomotion est particulièrement apprécié pour gravir les importantes pentes et les fameuses «Hills» (collines) de San Francisco. Ces plaisants tramways à traction par câble, mis en service en 1873, sont l'un des symboles de la ville. Ce moyen de transport typique de San Francisco est considéré comme un monument national classé et fut inventé par Andrew Hallidie, à San Francisco même, en 1873. Un câble souterrain tourne en permanence à une vitesse de 15 kilomètres par heure et le conducteur agrippe le tram au câble au moyen d'une crémaillère. Le tram est ainsi porté par le câble et s'arrête lorsque le crampon est relâché et le train est activé. Autre symbole planétaire de San Francisco : le Golden Gate Bridge. A tel point qu'il n'est pas possible de venir à San Francisco sans voir ce célèbre pont, avec sa couleur orange caractéristique. Long de 1 972 m, il traverse la baie de San Francisco, reliant la pointe nord de la ville à Sausalito. Il était, jusqu'en 1964, le pont suspendu le plus long du monde. Sa construction débute en 1933 sous la supervision de l'ingénieur en chef Joseph Strauss et il ne sera ouvert aux piétons que le 27 mai 1937. Aujourd'hui, ce joyau est considéré comme l'une des merveilles du monde moderne. Il est possible de le traverser à pied et d'admirer une vue incroyablement belle et unique au monde. Mais ce pont si fabuleux n'apporte pas que du bonheur. Il est tristement connu pour le nombre de suicides qui s'y produisent. Sauter du pont est malheureusement une façon de se donner la mort très fréquente à San Francisco... A China Town, bienvenue en Chine… Autre lieu à voir absolument, l'impressionnant quartier de China Town. Ce quartier pittoresque abrite l'une des plus grandes communautés chinoises hors d'Asie. A China Town, vous n'êtes plus aux Etats-Unis mais littéralement en Chine. Il constitue l'une des principales attractions de San Francisco. Cette sorte de citadelle au centre de la ville occupe 24 pâtés de large. La rue principale est Grant Avenue, considérée comme l'une des plus anciennes de la ville. Les toits, les lampadaires et les cabines téléphoniques en forme de pagodes donnent un aspect typique au quartier dont les rues et passages portent des noms inscrits en anglais et en chinois. La Chine a envahi le monde et l'Amérique. Dans les magasins et les nombreuses grandes surfaces de San Francisco, tout est made in China. Pas seulement. Les made in Indonésia, India, Guatemala… inondent aussi le marché. Autre constat : tous les achats sont sujets à une taxe de l'Etat comparable à la TVA. Elle varie d'un Etat à un autre. A San Francisco, elle avoisine les 9% et est automatiquement ajoutée au prix de vente. Cette taxe apparaît sur le reçu mais n'est jamais indiquée au préalable sur la marchandise. De toute façon, dans cette ville éminemment touristique, tout est très cher… Non loin de China Town se trouve un chaleureux quartier italien, North Beach, qui occupe un peu plus de deux kilomètres carrés, dans une zone étroite, délimitée par Columbus et Brodway. North Beach, plage du Nord, est ainsi nommée car à l'époque de la ruée vers l'or, la baie s'étendait jusqu'à cet endroit. Force est de dire qu'aujourd'hui North Beach est en train de «rétrécir» au profit de China Town. Crise financière ou récession, rien n'empêche les Américains d'avoir la joie de vivre et de faire la fête. Ils ne ratent aucune opportunité de s'amuser. Halloween, fête populaire par excellence, est célébrée avec une naïveté déconcertante. Des réjouissances non stop au cours desquelles les Américains vont même dans leur lieu de travail, grimés dans des déguisements abracadabrants. Décidément, ces Américains sont tout de même incroyables !