L'accélération des événements en Afrique du Nord et dans la zone sahélo-saharienne oblige les Etats de la région à revoir leurs stratégies de voisinage. Après avoir raté plusieurs marches, la diplomatie algérienne tente de «normaliser» ses relations avec les pays qui partagent ses frontières. Il s'agit principalement du Maroc et du Mali. Avec la Mauritanie et le Niger, c'est encore le froid. Avec la Tunisie, c'est le stand-by ! Hier, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a appelé à «repenser» la relation bilatérale avec le Mali. «Il vaut mieux adapter cette relation aux besoins des deux pays et à la configuration que prend la coopération régionale. Nous avons décidé de donner un accent particulier au développement de la coopération transfrontalière. Nous allons adopter une feuille de route qui va nous permettre de mettre en place des mécanismes au niveau local au nord du Mali et au Sud algérien», a-t-il déclaré sur les ondes de la Chaîne III de la radio d'Etat. Il a également évoqué la redynamisation du comité bilatéral qui a pour vocation de «mettre les énergies au service du développement». «Dans le même cheminement, nous allons réunir la grande commission mixte. Il y a une volonté partagée pour donner à ce cadre une dynamique nouvelle et faire face aux défis qui se posent à notre région», a-t-il appuyé. Il a évoqué «la situation nouvelle» provoquée par les troubles en Libye. Cela se traduit notamment par le déplacement de réfugiés vers le Mali, le Niger et le Tchad. «Nous coopérons ensemble pour prendre en charge ces nouveaux phénomènes. Situation fragilisée par le terrorisme et ses connexions avec les grands trafics dans la sous-région», a estimé Abdelkader Messahel, soulignant que la circulation des armes légères dans la région n'est pas «un phénomène nouveau». Il a parlé de «dépôt d'armes» en Libye qui «menacerait» la région et il a annoncé une réunion à Bamako, fin mai prochain, entre le Mali, l'Algérie, le Niger et la Mauritanie pour coordonner les efforts sécuritaires. Soumeylou Boubeye Maïga, ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, invité à la même émission, a souhaité une amélioration de l'efficacité du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc), qui s'est réuni hier à Bamako. Le Cemoc regroupe l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. «Il y a une volonté d'aller plus loin dans la coopération et de rendre plus efficace l'outil dont nous nous sommes dotés. Il faut faire en sorte que ce nouvel outil soit à la source d'actions plus coordonnées, mieux planifiées et plus durables», a-t-il souligné sur un ton presque réprobateur. «C'est un acquis important. Il faut le consolider et le développer en sachant bien que nous nous situons dans la durée. Ce n'est pas un exercice facile», a-t-il ajouté. Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'ANP, représente l'Algérie à la réunion du Cemoc. Il est question de discuter de moyens de renforcer la concertation «pour faire face aux défis communs en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée». Le chef de la diplomatie malienne a, pour sa part, estimé que le volet militaire n'est qu'un aspect de cette coopération. «Nous sommes face à une menace trans-étatique à la fois par la nature et les acteurs qui sont en jeu. Il faut que nous ayons la capacité d'instaurer une sécurité immédiate, mais aussi assurer une stabilité globale et durable dans la région», a déclaré Soumeylou Boubeye Maïga. Il a toutefois pris soin de noter que situation sécuritaire dans la région n'est pas nouvelle. «Les composantes n'ont pas changé. Nous faisons face à une région assez vaste, caractérisée par une grande continuité territoriale et identitaire et au sein de laquelle s'est développée, au fil des années, une criminalité transnationale. Cela a abouti à une connexion entre réseaux maffieux et terroristes. Cette connexion est devenue plus forte», a-t-il précisé. A Alger, le ministre malien a eu des discussions avec son homologue Mourad Medelci et une audience avec le président Abdelaziz Bouteflika. A l'issue de cette audience, le responsable malien a, cité par l'agence officielle APS, déclaré que son pays souhaite la consolidation de la relation bilatérale face à une situation «qui nécessite une plus grande convergence et une plus grande approche». «Il faut rendre l'axe Bamako-Alger plus solide», a clairement plaidé Soumeylou Boubeye Maïga. En février 2010, la libération de l'otage français Pierre Camatte, kidnappé par des éléments d'AQMI, contre celle d'activistes de l'ex-GSPC, avait provoqué une grave crise entre Alger et Bamako. Alger avait décidé de rappeler pour consultation son ambassadeur à Bamako et a accusé le Mali de «trahir» ses engagements africains en matière de lutte contre l'action terroriste. Les déclarations hier de Soumeylou Boubeye Maïga, envoyé spécial du président Amadou Toumani Touré, permettent de croire que les deux pays entendent tourner la page