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«La mort de Ben Laden ne marque pas la fin de l'islamisme radical» Jean-Charles Brisard. Enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 Septembre 2011
Spécialiste du terrorisme, ancien enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001, Jean-Charles Brisard est auteur de Ben Laden, la vérité interdite (Denoël, 2001). Pour lui, la disparition de Ben Laden obligerait Al Qaîda à privilégier une approche plus locale ou régionale de sa stratégie militaire. - La mort de Ben Laden aura-t-elle des conséquences sur Al Qaîda ? La mort de Ben Laden marque une étape importante dans la disparition progressive du groupe historique Al Qaîda, dont le déclin militaire a commencé avec l'offensive de la coalition en Afghanistan, fin 2001, et dont le déclin politique s'est illustré à l'occasion des révoltes arabes. Depuis près de 10 années, les organisations affiliées telles qu'AQMI et AQPA ont pris le relais opérationnel d'Al Qaîda central. Ben Laden ne dirigeait déjà plus militairement cette organisation décentralisée, dont il demeurait néanmoins le symbole politique et religieux. Sa disparition risque d'accélérer ce phénomène, conduisant les groupes proches d'Al Qaîda à s'émanciper encore davantage de la stratégie globale de Ben Laden pour privilégier une approche et des objectifs locaux ou régionaux, comme c'est déjà le cas pour AQMI, conduisant par là même à une diffusion de la menace. - Les satellites régionaux d'Al Qaîda – Al Qaîda dans la péninsule arabique (AQPA) et Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) – vont-ils prêter allégeance au successeur de Ben Laden ? Il est vraisemblable qu'ils le fassent, ne serait-ce qu'à titre symbolique, au regard de la personnalité de Ben Laden et parce que son nom demeurera un référent pour les djihadistes. Pour autant, allégeance à la personne signifiera de moins en moins allégeance à une stratégie. C'est déjà le cas pour AQMI, par exemple, qui poursuit essentiellement des objectifs régionaux. - Qui pourrait être, selon vous, le nouveau chef d'Al Qaîda ? Ayman Al Zawahiri a déjà pris le relais de Ben Laden ces dernières années sur le plan médiatique et organisationnel. Il s'est imposé comme le principal interlocuteur pour les groupes affiliés et c'est lui qui communique avec l'extérieur au nom de l'organisation. Il a donc naturellement vocation à succéder à Ben Laden. - Et pour la libération des otages du Sahel, cette mort est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Le risque est de voir les partisans de Ben Laden réagir à cette annonce en redoublant leurs attaques contre les intérêts occidentaux, et particulièrement américains, dans le monde. La situation des otages est évidemment préoccupante de ce point de vue. - La révolte des peuples arabes a-t-elle sonné le déclin de la mouvance islamiste ? Elle a marqué l'incapacité de la mouvance islamiste à exister et à se faire entendre dans ce contexte. Pour autant, la mort de Ben Laden ne marque pas, loin de là, la fin de l'islamisme radical. Ben Laden a été un élément structurant de cette mouvance sur les plans stratégique, organisationnel, financier et militaire. Sa disparition risque de laisser le champ libre à un phénomène qui n'était jusqu'alors que conjoncturel : une menace plus diffuse, moins saisissable et donc plus incertaine.