Au regard De sa situation actuelle, le chef d'Al Qaîda ne possède plus aucune emprise sur une nébuleuse renouvelée à 80%. Oussama Ben Laden a-t-il l'intention d'élargir son champ d'action et son terrain d'influence au-delà des pays arabes et islamiques? Avant de tenter d'apporter des éléments de réponse à cette question, il y a lieu de préciser que cette «apparition» du leader d'Al Qaîda coïncide avec la montée au créneau de nombreuses organisations européennes pour la défense de l'environnement. C'est devenu une actualité mondiale après l'accord sur l'environnement, jugé en deçà des attentes lors de la réunion de Copenhague du 19 décembre dernier. Après le nombre effarant d'attentats commis à travers le monde et qu'il a personnellement revendiqués, Ben Laden ne doit sûrement pas ignorer que c'est l'opinion occidentale qui lutte généralement dans le domaine de la protection de l'environnement, et le considère plutôt comme un criminel à neutraliser par tous les moyens. Alors son discours sur le réchauffement climatique et l'hégémonie du dollar sont-ils vraiment destinés à cette catégorie de militants dont l'influence grandit d'année en année? Ou bien s'agit-il tout simplement d'une provocation visant à créer la confusion et la diversion dans les rangs du mouvement écologique occidental? Mais qu'est-ce qui a poussé donc un personnage comme Ben Laden à s'attaquer à une question relativement éloignée de ses préoccupations stratégiques? Il y a dans ce contexte deux hypothèses. La première, celle qui est largement répercutée par des spécialistes du terrorisme international, Ben Laden aurait perdu tout contrôle sur la nouvelle génération de djihadistes qui ont pris le relais depuis son retrait forcé. Il reste certes un symbole pour eux, mais sur le terrain, Al Qaîda s'est dotée de nouveaux chefs dont certains sont encore inconnus. C'est ce que confient des sources très au fait du traitement sécuritaire. Le message dans lequel il a «cautionné» l'attentat raté du vol Amsterdam-Detroit, dix jours après sa revendication par Al Qaîda au Yémen, prouve que Ben Laden ne contrôle plus aucune opération de type djihadiste. Il reste juste une signature que les nouveaux chefs d'Al Qaîda n'hésitent pas à exploiter sur le plan médiatique. Alors, Ben Laden isolé? Probable, répondent de nombreux observateurs. La preuve, son revirement brusque et l'intérêt inhabituel qu'il porte aujourd'hui à des thèmes comme le réchauffement climatique et le dollar. Il ne faut surtout pas oublier qu'il est originaire du Yémen et que ce pays est en train de se transformer en une base de commandement stratégique d'Al Qaîda. Cet aspect du problème, le spécialiste Jean-Charles Brisard ne l'a pas évoqué, mais l'a suggéré lors d'un entretien qu'il a accordé à un journal on line. Au Yémen, le discours religieux et djihadiste de Ben Laden n'a aucun crédit pour le simple fait de l'existence de «figures» islamistes considérées comme plus crédibles que lui. Il faut dire aussi que l'accointance de Ben Laden avec les taliban ne l'a pas beaucoup servi en Arabie Saoudite et au Yémen, en raison, dit-on, de divergences d'ordre religieux! Nonobstant tous ces points de vue, une chose demeure sûre: Ben Laden, de par sa situation actuelle, ne possède plus aucune emprise sur une nébuleuse renouvelée à 80%. Même bien informé, la réalité du terrain lui échappe et cela ne pourrait pas en être autrement. La seconde hypothèse peut constituer un prolongement pour la première. En optant pour un sujet inhabituel, un sujet d'actualité particulièrement en Occident, le leader historique d'Al Qaîda vise deux objectifs: faire diversion en installant le doute dans les rangs des défenseurs de l'environnement et pousser le complexe militaro-industriel occidental et surtout américain à sortir de sa réserve. Dans les deux cas, la mission de Ben Laden est vouée à l'échec. Cependant, elle pourra ouvrir un débat dans la société occidentale qui fait face à une crise multiple dont l'issue n'est pas encore en vue. En ciblant une question qui intéresse l'opinion publique occidentale, Ben Laden ne vient-il pas de signer son échec total au niveau de la sphère arabo-islamique? La question demeure posée.