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Le brillant journaliste libanais a été assassiné lundi à Beyrouth
Jebrane Tuéni « Nous avons perdu un ami... »
Publié dans El Watan le 15 - 12 - 2005

Lassé de l'opposition de la presse : « Le jour où Le Figaro et l'immonde me soutiendraient, je considérerais que c'est une catastrophe nationale »
Charles de Gaulle
Notre ami et confrère Jebrane Tuéni, assassiné lundi à Beyrouth, faisait sans doute partie de ces irréductibles Libanais, jaloux de leur patrie. Il est peut-être allé trop loin dans sa quête de la liberté, aux yeux de ses ennemis qui ne l'ont pas raté. Tuéni l'intellectuel, le journaliste et le directeur du grand quotidien libanais en langue arabe An Nahar a donc été tué dans un attentat à l'explosif à Mkalles, une banlieue chrétienne de Beyrouth. Il se rendait à son bureau dans le centre de la capitale lorsque sa Range Rover blindée a été projetée dans un ravin par l'explosion, sur le passage du convoi, d'une voiture piégée. La mort de Jebrane s'ajoute à la macabre liste des journalistes anti-syriens, visés par des attentats depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri le 14 février dernier, qui a coûté la vie à 21 autres personnes. Le journaliste franco-libanais Samir Kassir a été tué le 2 juin dans le quartier résidentiel d'El Achrafieh à Beyrouth. Le 25 septembre, la présentatrice de télévision May Chidiac a été grièvement blessée dans l'explosion d'une bombe placée dans sa voiture au nord de Beyrouth. Curieuse coïncidence, l'attentat de lundi a eu lieu à la veille de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU qui doit examiner le rapport du chef de la commission d'enquête déléguée par Kofi Annan, Mehlis, sur l'assassinat en février de Rafic Hariri. Les positions anti-syriennes de Jebrane sont de notoriété publique. Tuéni a été élu pour la première fois député orthodoxe de Beyrouth sur la liste du Courant du futur de Saâd Hariri, sorti grand vainqueur des élections législatives de mai-juin, les premières après le retrait de l'armée syrienne du Liban fin avril.
Leader de la révolution du cèdre
Père de quatre enfants, dont deux petites jumelles, nées il y a quelques mois, Jebrane était l'un des leaders de la révolution du Cèdre qui a succédé à l'assassinat de Hariri. Tuéni était, ces derniers temps, un vigoureux partisan de la création d'un tribunal international pour juger l'assassinat de Rafic Hariri, à la lumière du rapport de la commission internationale d'enquête de l'ONU sur ce crime où la Syrie a été mise en cause. Prônant sans relâche l'indépendance et la souveraineté du Liban, Jebrane était connu pour ses articles virulents contre la politique syrienne. Jebrane était membre du conseil d'administration de l'Association mondiale des journaux (AMJ) où ses compétences, la finesse de ses analyses, son sens de la confraternité lui valaient les amitiés de tous. Omar Belhouchet qui l'a côtoyé se rappelle du congrès ayant pour thème « La gestion des journaux » organisé à Beyrouth en 1995 et qui a dû, en grande partie, son succès à l'influence de Jebrane, dont la contribution de son journal An Nahar a été, selon l'avis de tous, prépondérante. Le directeur d'El Watan ne tarit pas d'éloges sur le disparu qui en plus de ses compétences professionnelles avait un sens aigu des relations humaines.
An Nahar, fleuron de la presse arabe
A l'époque, Tuéni avait suggéré et persuadé ses pairs du congrès de lancer un appel en faveur de la protection des journalistes algériens, signé par les représentants de plus de 40 éditeurs arabes. C'est toujours sous son impulsion que l'initiative a abouti. C'était sa manière à lui de sensibiliser ses collègues arabes sur le drame des journalistes algériens. Mieux, le directeur d'An Nahar a su faire accompagner le congrès par le célèbre billet prémonitoire Le voleur qui... de Saïd Mekbel, qui a eu les faveurs de la presse beyroutie qui l'a largement diffusé. C'était un signal fort de l'attachement de Jebrane à la liberté d'expression et aux journalistes algériens qu'il n'a cessé de défendre dans toutes les tribunes. ,Lors de son passage à Alger en 1998, Tuéni a été ému par l'accueil qui lui a été réservé au siège d'El Watan, à qui il avait souhaité de devenir comme An Nahar, phare de la presse arabe, et l'un des fleurons les plus modernes du journalisme arabe. Pour Belhouchet : « Jebrane a été l'une des rares personnalités des médias du monde arabe à s'impliquer ouvertement sans la moindre ambiguïté à nos côtés dans les moments les plus durs, pas uniquement par des mots. Au moment où les médias arabes se sont étrangement tus, Jebrane a beaucoup agi. C'est pourquoi sa perte nous affecte fortement. » Notre confrère A. Benchaâbane qui l'a aussi connu témoigne : « J'ai rencontré pour la première fois Jebrane Tuéni à Beyrouth au début du mois de juin dernier à l'occasion d'une session de formation sur les techniques modernes de la couverture professionnelle des élections. La session s'est déroulée au siège du journal An Nahar dirigé par Tuéni. Ma visite au pays du Cèdre a coïncidé avec la première phase des élections législatives libanaises. Tuéni fut l'un des candidats en lice. Aussitôt arrivé à la rédaction, Tuéni, malgré son agenda chargé, s'est déplacé au siège de son journal pour nous souhaiter la bienvenue et nous faire visiter les locaux d'An Nahar. Tuéni nous avait accueillis avec gentillesse. Son sourire dénote une sympathie, voire une affection à l'égard des jeunes journalistes. Il a présenté son journal An Nahar comme le témoin vivant de la tragédie vécue par le Liban. ‘‘La publication n'a pas surgi du néant. Elle a une histoire et son cheminement se confond avec notre histoire récente'', avait-il dit. Aux journalistes présents, il avait montré que la pratique du journalisme au Liban était et demeure toujours un combat sur plusieurs fronts. ‘‘On ne peut pas être simplement journaliste'', avait-il également estimé. Pour lui, les mots du journaliste sont un signe de résistance contre les armes, contre la barbarie. Il suffisait de quelques minutes pour se rendre compte qu'on était devant un cèdre au talent et au courage sans pareils. Son engagement dans la vie publique, il en avait parlé très peu. Il avait déclaré avoir beaucoup d'estime pour les journalistes algériens et il en avait connu plusieurs. Il avait tenu des termes élogieux à l'égard de la presse algérienne envers laquelle il reconnaissait une pugnacité singulière dans le monde arabe. Malgré son esprit combatif et son dynamisme hors pair, Tuéni apparaissait comme un homme flegmatique et serein. Comme la majorité des Libanais. Interrogé sur l'avenir de son pays après le retrait des troupes syriennes, notre hôte n'avait pas perdu son flegme. ‘‘Le Liban a récupéré sa souveraineté et son indépendance. Nous allons montrer au monde que notre pays a atteint l'âge adulte'', avait-il affirmé avec sa confiance inébranlable. L'engagement de Tuéni dans les élections l'avait empêché de se présenter, pendant plusieurs jours, à la rédaction. Cependant, il avait tenu à être présent à la cérémonie de clôture de la session. Il avait même remis des attestations de réussite aux journalistes participants. Ce fut un moment émouvant. La nouvelle de son lâche assassinat restera, à tout jamais, un terrible souvenir. Tuéni est un esprit universel. Sa mémoire mérite le meilleur des hommages. »
La liberté coûte que coûte
Récemment, M. Jebrane avait fait part à son entourage des menaces dont il était l'objet. « Il avait choisi néanmoins de rester à la tête de son journal qui, sous sa direction, était un véritable phare pour le journalisme indépendant dans le monde arabe », confie un de ses amis. Quand on lui avait demandé comment il trouvait le courage de continuer à travailler alors qu'il courait un si grave danger, il avait répondu : « Que pourrais-je faire d'autre. Mon journal en disant la vérité a été un catalyseur décisif dans le processus conduisant à une réelle indépendance pour mon pays. Après toutes les années de conflit, c'est une chose dont nous pouvons être fiers. » Mais l'ombre de la Syrie plane toujours sur le pays du Cèdre. Car sitôt le forfait accompli, un doigt accusateur est pointé vers Damas. Bien qu'aucun élément concret ne permette d'impliquer les Syriens dans l'attentat de lundi, tous les regards se tournent vers la Syrie. A la suite de la publication du premier rapport Mehlis, le président syrien Bachar El Assad s'était livré le 10 novembre à une violente diatribe contre les Etats-Unis. « L'Etat libanais et une partie de la classe politique libanaise dont l'actuel Premier ministre Fouad Siniora et le député Saâd Hariri, fils du défunt Rafic, sont accusés d'être les esclaves de leurs maîtres qui sont connus » dans une allusion aux pays occidentaux. « La Syrie a clairement opté pour la confrontation depuis la remise du rapport Mehlis et le discours de Assad », commente l'analyste politique Joseph Bahout. « Damas est convaincu que rapport ou pas, enquête ou pas, la tête du régime est mise à prix et qu'il n'a d'autre choix que la confrontation parce que de toute façon l'enquête l'incriminera, qu'il coopère ou non. » Déjà, lorsque la mort a fauché son éditorialiste vedette, Kassir, c'est Jebrane qui a porté, du siège de son journal, à la cathédrale orthodoxe de Beyrouth le cercueil de son ami. C'est sa fille Neyla qui rendit un hommage émouvant au disparu. C'était le premier meurtre d'un opposant anti-syrien depuis le départ sans gloire de l'armée de Damas. Le patron d'An Nahar avait alors prophétisé : « La bataille n'est pas finie. La Syrie veut revenir au Liban, elle tire pour montrer qu'elle n'a pas baissé les bras. » Imaginait-il qu'il serait à son tour victime de cette prédiction ? Ce qui est indéniable et il l'avouait lui-même : « Je suis sur une liste noire du régime syrien. » C'est pourquoi craignant pour sa vie, il passait de longs jours à Paris, ville à partir de laquelle il dirigeait son journal. Francophile convaincu, il était revenu dans la capitale française pour assister à la remise de la Légion d'honneur à son père Ghassan, ancien ministre libanais et figure emblématique de son pays. Malgré les conseils de ses amis qui l'en dissuadaient, Jebrane avait tenu à regagner Beyrouth, dimanche soir. C'était son dernier voyage. Avenant, direct, toujours aux petits soins avec ses interlocuteurs, ce Grec orthodoxe, âgé de 48 ans, n'avait jamais mâché ses mots. Au plus fort de la présence syrienne au Liban, la ligne éditoriale du quotidien qu'il dirigeait n'avait pas varié d'un iota. C'est cette détermination qui faisait sa force et sa... faiblesse.
Parcours
Jebrane Tuéni est né en 1957 au Liban. Il a été très jeune influencé par le journalisme. Après des études supérieures, il reprend l'héritage légué par ses parents : le journal An Nahar, fondé en 1932, et qui est considéré comme l'un des fleurons de la presse arabe. Elevé dans une famille libérale, Jebrane a toujours milité pour les causes justes, dont l'indépendance de son pays, longtemps sous tutelle syrienne. Membre du comité de défense de la liberté de la presse de l'Association mondiale des journaux, qui regroupe 15 000 quotidiens, Jebrane intervenait régulièrement pour dénoncer les pressions subies par les journalistes, y compris algériens dont il était un ami fidèle. Farouche militant de la liberté de la presse, son journal tranche avec le béni-oui-ouisme ambiant qui caractérise la presse arabe d'une manière générale inféodée aux régimes fermés à tout progrès. Sa mort est considérée comme une énorme perte pour ses concitoyens, mais aussi pour tous les hommes épris de liberté. Jebrane laisse une veuve et quatre enfants, dont deux jumelles en bas âge.


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