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Mille et une images, une certaine vision du patriotisme
Hollywood et la Maison-Blanche
Publié dans El Watan le 15 - 12 - 2005

Qu'y a-t-il de commun entre la Mecque du cinéma et le bureau ovale ? Une question de patriotisme qui relève durant certaines circonstances exceptionnelles du sacré. Oui du sacré, car contrairement aux cinéastes de la vieille Europe où l'engagement des artistes a toujours été un acte individuel, la Maison-Blanche n'hésite pas à faire appel à tous ses enfants.
Le miracle se poursuit toujours. Après le 11 septembre 2001, jour noir, Hollywood a répondu présent. Cette attitude ne date pas d'hier, elle remonte loin dans l'histoire de l'Amérique, puisque le président T. Roosvelt qualifiait Hollywood « d'industrie essentielle à la guerre » et d'inciter, dès les débuts des années 1940, les plus grandes vedettes à contribuer à l'effort de guerre contre le nazisme. Ainsi de John Ford à Chaplin en passant par des stars comme James Stewart, toutes les signatures prirent la défense de l'Amérique opposée à la déferlante vert-de-gris menée par Hitler. Pour mesurer l'impact de cet engouement, il suffit de regarder les actualités américaines réalisées après le bombardement de Pearl Harbor. Quelques années plus tard, plus particulièrement durant la guerre froide, un sénateur imposa une conduite et un engagement à Hollywood. Cette conduite porte un nom : Le code Hayes. Il s'agissait d'une batterie de commandements régissant la cinématographie américaine. Les cinéastes avaient donc pour obligation de ne pas filmer « le sein d'une Américaine », de mal filmer « la bannière étoilée », de dénaturer la famille et les croyances spirituelles américaines. Bref, ce sénateur imposa une censure, autre manière de pousser les cinéastes à s'engager dans le giron de l'Etat pour mieux défendre ses valeurs. Ce puritanisme de bon aloi eut pour conséquence l'instauration d'un climat de suspicion qui déboucha « sur la chasse aux sorcières » et le procès de cinéastes accusés d'être des « rouges, des militants de gauche » sapant la sacro-sainte Amérique. Hier, l'ennemi s'appelait Hitler. Lui succéda le communisme. Aujourd'hui, il porte un autre nom, le terrorisme. En effet, l'actualité politique aidant, la Maison-Blanche envoya un émissaire pour discuter avec les bailleurs de fonds de la cinématographique hollywoodienne de la meilleure manière de lutter contre le mal. Selon Karl Rove, le représentant de G. W. Bush, il n'est pas question de contrôler le cinéma américain ni d'imposer un nouveau contenu idéologique, il leur parla de guerre contre un ennemi très dangereux et que l'Amérique doit avoir une opinion et un moral d'acier. Ces propos ont été jugés vagues et clairs à la fois, timorés et offensifs au point que les représentants d'Hollywood lui demandèrent d'être plus précis. Il leur fit une réponse définitive sous la forme de sept commandements : Guerre contre le terrorisme et non contre l'Islam, guerre contre le mal, appel aux volontaires, soutien aux troupes, caractère global de l'attaque, nécessité de rassurer les enfants, nécessité d'éviter la propagande. Gageons que ces commandements seront mis en exergue dans les prochaines productions made in Hollywood. Ils seront distillés comme des sentiments allant de soi. Ce sera une nouvelle fois l'alliance du complexe militaro-hollywoodien. D'un côté, Washington et le Pentagone, de l'autre l'industrie cinématographique. Les premiers seront chargés d'aider et de proposer leur assistance technique (blindés, avions, bateaux, porte-avions, etc.). Les seconds, le savoir-faire brodé de main de maître par des scénaristes et des réalisateurs chevronnés tel S. Spielberg, qui vient d'achever le tournage de son dernier long métrage consacré aux violences liées aux Jeux Olympiques de Munich 1972, habile manière de parler du terrorisme dans le passé. Verra-t-on des équivalents aux superproductions des années précédentes, comme Le jour le plus long, Les Canons de Navaronne, Un Pont trop loin, La Bataille de Midway, Il faut sauver le soldat Rayan ? Le résultat sera certainement la conjugaison du souci idéologique dicté par le Pentagone et l'intérêt financier souligné par les banques. Ce sera donc la reprise d'une recette ayant fait ses preuves : l'efficacité du marketing américain, le divertissement lié aux affaires. Mais au nom de la démocratie et de la liberté d'expression, des cinéastes indépendants pourraient proposer une autre vision, un contre-discours, des films où ils saperaient le moral des troupes américaines, à l'image, hier, d'un Michael Cimino, Oliver Stone ou Stanley Kubrick ou bien aujourd'hui, Michael Moore. Cependant, quel que soit le degré de contestation, tous ces films seraient produits, distribués, déclinés dans un moule hollywoodien. On verrait, peut-être, un équivalent au beau fil de Sydney Pollack Les trois jours du Condor où Robert Redford, Maw Von Sydow et Faye Dunaway incarnaient des personnages liés à la CIA. Interrogé après le succès mondial de cette production et le risque de voir ternir l'image de la CIA, le directeur de la puissante centrale résuma la situation par cette phrase : « Hollywood est le meilleur outil de propagande de la CIA ». Evidence.

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