La direction du FLN ne trouve toujours pas de mots pour expliquer la récente participation de Saddek Bouguettaya, membre du comité central du parti, à un congrès des tribus et des notables libyens tenu à Tripoli à la gloire du régime de Mouammar El Gueddafi. Une rencontre qui, à la fin des travaux, a rendu «hommage» à l'Algérie. La Jamahiriya, chaîne du régime libyen, a diffusé des images où l'on voit les présents, tous acquis à la cause du dictateur de Tripoli, crier «Tahya El Djazaïr» (Vive l'Algérie). Depuis plusieurs semaines, le régime d'El Gueddafi a lancé une opération psychologique visant à monter les tribus, qui lui sont favorables, contre l'opposition basée à Benghazi. Peut-on ignorer à Alger l'existence d'un tel plan qui vise à approfondir la guerre civile en Libye et, donc, faire plus de victimes ? Bouguettaya a pris la parole pour ouvrir le feu, à sa manière, sur les insurgés libyens et les accuser de recevoir des ordres des Occidentaux. «Cette-fois, ils sont tombés sur un os !» a-t-il dit avec fierté, parlant du colonel El Gueddafi. Venant d'un député représentant le parti de majoritaire parlementaire, cela ressemble à une position officielle. Surtout que Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN et représentant personnel du président de la République, s'est déjà illustré par des attaques en règle contre l'opposition libyenne. «Les gens de Benghazi ont fait appel à l'OTAN. Nous, nous avons combattu l'OTAN», a-t-il dit. Belkadem n'a rien dit sur les attaques continues des milices et des mercenaires d'El Gueddafi contre les civils à Misrata, Zenten, Tobrouk et ailleurs. Selon le Conseil national de transition (CNT, opposition), le nombre des victimes a dépassé les 10 000 morts depuis le 19 mars dernier. Personne, ni à la Présidence de la République ni au ministère des affaires étrangères, n'a rappelé à l'ordre Belkhadem. Caution ? Ce même Belkhadem a eu droit hier à la une du journal gouvernemental libyen, Al Jamahiriya, sur ses déclarations à propos de «la reconnaissance» par la France de crimes coloniaux, faits à la faveur des festivités du 8 Mai 1945. Pourquoi un tel privilège de la part d'un journal qui a publié les «messages de condoléances» de dirigeants africains, tels que le président du Bénin, envoyé à El Gueddafi après la mort (non encore prouvée) de son fils Seïf Al Arab ? Les milliers de civils libyens tombés sous les roquettes Grad des milices de Tripoli n'ont pas droit aux condoléances. Lundi soir, la chaîne qatarie Al Jazeera a rapporté que l'ambassade de Libye à Alger a acheté 500 véhicules de modèle pick-up. La commande a été faite à des concessionnaires algériens. Des véhicules qui auraient été envoyés en Libye pour soutenir les forces pro-El Gueddafi. Comment ces engins ont-ils pu quitter le territoire algérien ? Un opposant libyen du Front national pour le salut de la Libye a déclaré que les frontières de la Libye avec l'Algérie et le Tchad ne sont pas suffisamment contrôlées. «Nous avons des informations d'après lesquelles des renforts entrent par ces frontières pour soutenir le régime du tyran de Tripoli», a-t-il déclaré. Des informations non démenties ni par Alger ni par N'Djamena. A Washington, où il était en visite la semaine dernière, Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères, s'est expliqué devant plusieurs hauts responsables américains sur les accusations du CNT libyen relatives à la présence de mercenaires algériens aux côtés des milices d'El Gueddafi. Il a démenti cette présence même si l'opposition libyenne maintient ces accusations. Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur, a ajouté une couche à ce climat de doute en déclarant dernièrement que les relations futures avec la Libye seront tendues dans le cas de l'arrivée du CNT au pouvoir. Autrement dit, il tord le cou d'une manière claire à la thèse de la neutralité d'Alger par rapport au conflit libyen. L'Algérie n'a pas encore clarifié sa position sur le gel des avoirs libyens tel que demandé par le Conseil de sécurité de l'ONU dans la résolution 1973. La plupart des pays ont pris des décisions tels que la Tunisie. Hier, à titre d'exemple, la justice gambienne a autorisé le gouvernement à saisir les biens libyens dans le pays dont Libya African Investment Company (entreprise libyenne d'investissement en Afrique). Une saisie valable jusqu'à la mise en place en Libye d'un gouvernement reconnu par l'ONU.