L'artiste-peintre Bettina Heinen-Ayech exposera le 28 mai 2011 une trentaine de tableaux à Dar El Kenz, dont beaucoup de paysages. Mis à part deux ou trois, tous sont le fruit des trois dernières années. Bettina Heinen Ayech est-elle à présenter ? Elle est une longue histoire d'un double et indéfectible amour, si l'on peut dire ainsi, d'abord celui qu'elle porte à son mari, Abdelhamid Ayech, et puis celui qu'elle voue à la région, à la nature, qui l'a vu naître, lui. Ce dernier est décédé, et, bon pied, bon œil, elle continue en solo son long périple, entamé en 1963, dans la diaprure et la mélodie d'un éden longtemps cherché et enfin trouvé : Guelma. L'artiste-peintre Hocine Himeur, un ami de longue date, vient, lui aussi, de lui fausser compagnie, puisqu'il est mort il y a quelques mois. Ni ces malheurs ni le terrorisme n'ont pu lui faire quitter l'Algérie. Donc, depuis 1963, elle sillonne la région de Guelma, avec sa palette richement colorée, s'adonnant à l'art d'apprendre à regarder, à contempler la nature. Inlassablement, elle la glorifie, et cette nature, à son tour, le lui rend dans une parfaite osmose. Avez-vous vu des oliviers danser ? Non, elle, si. Elle parle de la nature d'une manière prodigieuse : «Dès mon arrivée en Algérie, peu à peu, au contact de la nature, ma personnalité se transformait sensiblement et je me dépouillais peu à peu de mes préjugés d'Européenne. J'écoutais la nature, si belle à Guelma : la montagne du sud, la Mahouna, ses champs, captivaient et captivent toujours tous mes sens et entretiennent mes fantasmes. Je peins cette région au printemps, pendant que le vert de ses champs piqués de points rouges — coquelicots — est éclatant de tous ses tons, loin du vert épais de l'Europe ; en été, lorsque ses sommets bleus et violets s'élèvent au-dessus de l'or miraculeux de ses étendues de blé ; en hiver, lorsque le rouge de la terre possède une incroyable force, si difficile à atteindre !» Guelma mon amour On sait que son travail de l'aquarelle est minutieux et positivement lent, cependant, qu'est-ce qui donne une telle intensité à ses tableaux ? La splendeur des paysages ? Le coloris de sa palette ? Une nouvelle technique dans le travail de l'aquarelle, qu'elle aurait découverte ? Peut-être un peu de tout cela ? Elle expliquera les choses en ces termes : «L'air de Guelma est si sec que ma technique de l'aquarelle s'en est trouvée changée. Avant et ailleurs, en Europe, je laissais — et je le fais toujours quand j'y travaille — entre deux taches de couleurs différentes des frontières de blanc pour qu'elles ne coulent pas l'une sur l'autre. Ici, l'air est si sec que je peux mettre les deux taches côte à côte, sans aucune crainte. Ce qui me permet d'exprimer dans l'aquarelle ce que je veux dire, ce que j'ai à dire. Je fais tache à côté de tache, comme pour la mosaïque. C'est cela qui donne de la luminosité à mes tableaux, et c'est ce qui fait dire de mes tableaux qu'ils sont fortement colorés. En vérité, cela n'est pas dû aux fortes couleurs, mais à la technique utilisée, tache à côté de tache, point à côté de point. Je réfléchis longtemps avant d'appliquer la tache, parce qu'une fois faite, je ne peux pas la corriger, elle doit être à la place qu'il faut, ainsi que la couleur. Cela doit être mûrement réfléchi à l'avance, comme pour la fresco buono. Cette technique est plus délicate, plus longue. Je ne fais pas d'esquisse d'aquarelle.» Vrai, cette grande dame s'impose comme l'un des chefs de file de la peinture figurative contemporaine.