Un beau livre (une réédition, la première fois c'était en 2007) que l'auteur consacre exclusivement à une artiste peintre qui, depuis le jour où elle découvrit l'Algérie, ne voulut plus la quitter. Il s'agit de Bettina Heinen-Ayech, une Allemande de naissance, mais Algérienne de cœur et de choix. Sur les 94 pages de cet ouvrage, l'auteur raconte la vie de cette artiste, allant de sa naissance à aujourd'hui. Agrémenté de belles images des œuvres de Bettina Heinen-Ayech (aquarelles et encre de Chine), le livre contient des textes de Claude Touli qui nous raconte le parcours d'une femme qui, à l'âge de 12 ans, a vendu son premier tableau et a exposé à un âge où beaucoup se cherchent. En feuilletant ce livre, on découvre les influences artistiques, les raisons de son installation en Algérie. “(…) L'influence la plus marquante fut sans doute, pour elle, celle qu'elle reçut, dès l'enfance, de l'artiste et écrivain Erwin Bowien, ami de la famille. (…)” Ce maître lui fit aussi bien découvrir “la lumière cosmique” de la Suède et de la Norvège, le soleil panique d'Edward Munch, que “les tendres couleurs de Paris (…) qui adoucirent sa palette (…)”. (Page 13) C'est aussi grâce à “cet ami de la famille” qu'elle découvrit la beauté du Maghreb et ce, à travers les couleurs. Une attirance qui deviendra un enracinement qui n'a pu se concrétiser que grâce au mariage de cette artiste avec Abdelhamid Ayech. En l'épousant, c'est l'Algérie qu'elle épousait. En 1963, elle s'installa à Guelma. Une ville d'adoption qu'elle ne quittait que le temps d'une exposition, en Algérie ou à l'étranger, même pas lors de la décennie noire que connut le pays. Edité à compte d'auteur, ce beau livre est tel un dédale qui nous permet de faire une intrusion dans la vie d'une plasticienne qui de tout temps a préféré vivre loin des feux de la rampe, récluse “volontairement” dans une ville qui lui a inspiré beaucoup de ses œuvres, et qui continue à l'inspirer. Tout au long des pages du livre, les images de ses œuvres dévoilent une artiste touche-à-tout : natures mortes, paysages ou portraits, Bettina Heinen-Ayech est “inséparable de la passion qu'elle met dans sa vie, de sa générosité et de sa quête d'authenticité. L'art, pour elle, ne saurait être ornemental ou purement ludique, simple volupté ou reconstruction intellectuelle (…)” Outre le fait d'avoir présenté l'œuvre picturale de l'artiste peintre, l'auteur a eu cette ingénieuse idée de décrire, voire de raconter Bettina Heinen-Ayech à travers des écrits réalisés par différentes auteurs, entre autres Claude Touili (agrégée de l'université), Edwin Wolfram Dahl (écrivain et poète), Hans Karl Pesch (critique d'art et écrivain), et bien d'autres. Des extraits de propos de l'artiste figurent aussi dans ce livre. Des propos explicatifs, levant un peu plus le voile sur la personnalité et l'attirance artistiques de Bettina. On peut lire aussi un entretien que l'auteur a réalisé avec elle. Un entretien où elle se livre sans retenue, ni timidité. Les dernières pages de ce livre sont consacrées aux dates qui ont marqué sa vie – et elles sont nombreuses – et aux principales expositions que Bettina Heinen-Ayech a réalisées. On apprend aussi que hormis le musée des Beaux-arts d'Alger, d'autres musées (Allemagne, Syrie…) ont acquis ses œuvres. Plus qu'une rétrospective de la vie et de l'œuvre de Bettina Heinen-Ayech, ce livre est un hommage à une femme qui a consacré sa vie à l'art, sans artifices, sans attendre une contrepartie. Bettina Heinen-Ayech, la rencontre d'un peintre et d'un pays, de Taïeb Larak, Alger 2010.