Le 3 février dernier, le président Abdelaziz Bouteflika avait chargé le gouvernement, lors du Conseil des ministres, de préparer les dispositions législatives en vue de la dépénalisation de l'acte de gestion. C'est désormais chose faite. Un texte de loi élaboré dans ce sens sera à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres avant d'atterrir sur le bureau des Chambres du Parlement (Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation). Il s'agit d'un projet de loi modifiant l'ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal. Des modifications ont ainsi été apportées à l'article 119 bis de ce code. Celui-ci stipule désormais : «Est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 50 000 DA à 200 000 DA, tout agent public au sens de l'article 2 de la loi 06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, qui cause par la négligence manifeste, le vol, le détournement, la détérioration ou la perte des deniers publics ou privés ou des effets en tenant lieu ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de ses fonctions». Il y est également signalé que «lorsque l'infraction prévue par le présent article est commise au préjudice d'une entreprise publique économique dont l'Etat détient la totalité des capitaux ou d'une entreprise à capitaux mixtes, l'action publique n'est engagée que sur plainte des organes sociaux concernés prévus par le code de commerce ou la législation relative aux capitaux marchands de l'Etat». «La non-dénonciation, par les membres des organes sociaux, des faits délictueux prévus par le présent article est passible des peines prévues par l'article 181 du présent code», peut-on lire encore. L'article en question donne plus de prérogatives aux différents organes sociaux qui sont les seuls en vertu de la nouvelle loi, en attente d'être adoptée par le Conseil des ministres et le Parlement, à déposer plainte dans le cas d'infractions liées à l'acte de gestion. L'avocat Ahmed Djouadi estime que le terme approprié est «décriminalisation» plutôt que dépénalisation. «Ce n'est plus un crime mais un délit. Toutefois, dès lors qu'il y a sanctions pénales, cela relève du pénal», a-t-il expliqué. La nouveauté réside, d'après lui, dans la limitation des personnes qui peuvent déclencher l'action publique. «Avant, n'importe qui pouvait déposer plainte au parquet, parfois sur simple lettre de dénonciation anonyme. Avec ce texte de loi, seuls les organes sociaux c'est-à-dire pour une Société à responsabilité limitée (SARL), le gérant, et pour une Société par actions (SPA) soit le directoire, soit le conseil d'administration, soit le président-directeur général ou encore l'assemblée générale» sont habilités à déposer une plainte, a-t-il noté. Ce texte de loi est de nature à éviter la réédition du triste épisode des années 1990 qui avait vu le pouvoir exécutif représenté par le ministère de la Justice traîner des centaines de hauts cadres dans la boue alors que les responsables des entreprises eux-mêmes n'avaient pas déposé plainte, estimant qu'il n'y avait pas préjudice, a-t-il souligné. M. Djouadi relève que l'obligation qui est faite aux organes sociaux de dénoncer «déroge à la règle générale de dénonciation du délit qui n'est pas obligatoire». Cependant, «les textes spéciaux tels que celui-ci l'emportent sur les principes généraux», fait-il remarquer. Les pouvoirs publics espèrent à travers ce texte libérer les initiatives des chefs des entreprises publiques qui hésitaient de prendre des décisions de peur d'en subir les conséquences.