Bien que les têtes soient branchées, ces jours-ci, sur les articles scolaires et dérivés, la fête poursuit son petit bonhomme de chemin entre les quatre murs des night-clubs. A Tamentfoust, où nous nous sommes rendus ce week-end question de sonder l'ambiance, nous avons constaté, certes, moins d'ambiance mais assez pour ne pas fermer boutique. Nous arrivons au Porto Rico, un cabaret bien assis sur la baie de Tamentfoust. Presque minuit. C'est-à-dire aux horaires du délire. Nous entrons et dans nos esprits nous pensons à Karim, notre ami, qui devait fêter ses 22 ans. N'est-ce pas original, comme endroit, pour fêter un anniversaire ? Conçu en bois, d'où toute son originalité, l'intérieur de la discothèque est franchement assez bien soigné. Ce ne sont pas seulement les ampoules qui sont rouges dans ce night-club mais aussi le meuble intérieur : les divans circulaires centrés par de petites tables basses, les murs et le plafond aussi. La lumière tamisée à peine si elle arrive à traverser les nuages de fumées. Disons qu'elle fait l'ambiance. Car, seul M. Samsung, au ventre bedonnant et aux moustaches fines, occupe la piste avec deux belles danseuses. « Bye Bye M. Samsung ! » Depuis près d'une heure, il a presque squatté la piste. Et comme pour régner en maître sur les lieux ou plutôt sur ces danseuses, l'homme ne faisait que verser des « rechqate » (offrandes) de 1000 DA. Entre deux refrains, le raïman lançait des : « Ouhadhi cent mille men âand Samsung ! » (Et celle-ci de la part de Samsung !). A savoir si c'est vrai. Car dans pareil milieu, la surenchère mensongère est légion. Nous supervisons. Dans le décor général de l'endroit, les regards de l'assistance étaient, en réalité, braqués de notre côté. Alors que le chanteur faisait le tour des tables pour collecter des offrandes, le videur, un type robuste, est planqué avec son œil vigilant juste à l'entrée, c'est-à-dire juste à côté de notre table. Karim a le trac. Lui qui est très « in », attend de belles chansons. « Le berouali », réclame-t-il. C'est-à-dire des chansons du style marocain. Qui font danser quoi !? Eh ben oui ! Ce n'est pas pour rien qu'il a mis ce soir son ensemble noir. « El youm ma tefrach. El Youm Erroubla ! » (aujourd'hui ça ne va pas se terminer !), nous prévient-il sur un ton de M'Stapha Bila Houdoud. Quelques gorgées de bière et 500 DA offerts en rechqa à son honneur, Karim reconnaît qu'il était temps qu'il bouge ses fesses. Et hop ! Il est déjà sur la piste. Il tourne, il tourne, puis il tourne. Jusqu'à suer. Franchement, il est bien dans sa peau, celui-là ! On va pas quand même le laisser seul. Nous sommes cinq. Nous entrons en piste. M. Samsung devait s'éclipser quelque temps après. Avec ses 1000 DA, il n'a pas pu garder la piste. Le raïman change alors de veste et commence à faire les louanges de notre ami : « Ouhadhi fi khater Karim ou sahbou ! ». Et bien oui ! Ne dit-on pas que la vie tourne comme une roue. « Bye bye M Samsung ! » Ses danseuses ont l'air triste. Non pour son absence, bien sur, mais pour ses 1000 DA. Tant pis alors ! Le boss de la boîte appelle au renfort. Des filles réservistes entrent dans la salle et prennent place dans l'une des tables avoisinantes. Blondes et brunes. Des petites et même des grandes. Elles attendent tout en « scannant » avec des yeux de sphinx l'assistance. Puis au bout de quelque temps, elles entrent en piste. Dansant à huit clos au départ, elles ont finit par offrir quelques chethat avant-goût à l'assistance. Karim était aux anges lui qui venait de se « frotter » à l'une d'elle, une vraie « bomba latina » avec un gabarit « taâ el hih » et un corps hypersexy, celui d'une nageuse australienne pour être bien précis. Au bout d'un certain temps, elles se sont rendu-compte que les clients de « fin de saison » ne sont pas toujours comme on les veut. Elles quitteront la salle pour rejoindre « la réserve ». Ce sont vraiment les moments creux pour une discothèque qu'au bout des danses avant-goûts rien n'est collecté. Elles devraient nous traiter de tous les noms d'oiseaux. En tout cas, on s'en fout pas mal ! Pour échapper à la morosité qui venait d'arriver nous avons décidé de changer de discothèque. Nous réglons nos consommations et partons droit vers La Guingouette, une discothèque avoisinante. Joyeux anniversaire Trois gaillards, des videurs sans aucun doute, installés devant la porte d'entrée nous « zyeutent » profondément, au millimètre près. Karim, un mordu de la danse music et de berouali, vient d'exhausser son vœu : celui de fêter son anniversaire comme il ne l'a jamais fait auparavant : dans un cabaret ! La « zerda », à la Guingouette ne faisait que commencer. A l'intérieur de ce lieu de folies, jeunes filles et garçons, tous saouls ou presque, ne tiennent qu'à un fil. Installées sur des fauteuils style mauresque, des filles au visage endormir accoudées, sirotent leurs énièmes bières. D'autres, aux tenues légères et déhanchements phénoménaux, papillonnent tout le long de la grande salle. D'autres encore, installées au fond de la disco, « scannent » comme un satellite espion la porte d'entrée du cabaret. Elles guettent une proie facile, un « pigeon » bien friqué qui déboursera sans compter ses sous et qui s'adonnera aux « rechkat » interminables et aux « prends un bière ! » et « ch'hal nebghik omri ». A La Guingouette, la bouteille de bière est cédée à 300 DA. Le faible éclairage de la salle, les décibels de la sono et des chansons raï et les nuages de fumée donnent, encore une fois, à notre Karim une folle envie de secouer, encore et encore, ses fesses. D'ailleurs, c'est son dada préféré, et c'est, en partie, pour cette raison qu'il est là, lui qui, d'habitude fait dodo à 22 h ! Nous décidons de rebalancer notre mec encore une fois dans la piste : « Ouhadi cent mille fi khater Karim ou sahbou », lance le raïmen, un cheb parmi tant d'autres avec son sourire aux arrières-pensées. La piste se met à chauffer. Karim aussi et nous avec lui. Et hop ! place à la danse, aux vibrations corporelles et aux « tabrihat ». Notre ami, un peu saoul, est pêché par deux danseuses. Elles attirent son attention... sur une éventuelle « rechqua ». Alors, « ouhaddi cent mille fi khater Karim ! Joyeux anniversaire khouyaaaa !! », exécute le chanteur à la suite d'une offrande. Et une troisième « tebriha » suivie d'un beau billet de 1000 DA. Katia, chemise rouge et pantalon noir très serré entre en piste. Elle entame une danse « à distance » avec Karim. Ce dernier, quoique timide, n'a pu résister au charme de cette « bombe ». « Omri nebghik oua n'mout alik ! » lui lance sa compagne de piste. Epuisés, on prend place sur un divan. Katia et Amira, body et jean serré, viennent nous rejoindre. Entre elles, Karim sirotant sa bière, est au summum du nirvana. « Joyeux anniversaire Karim ! », lui lance le raïman. Il ne manquait qu'à souffler 22 bougies en hommage à sa 22e année. Mais... maâlich ! Amara Hakim, Nadir Kerri