Le diplomate Lakhdar Brahimi estime que l'Algérie doit faire montre d'un peu plus d'engagement en faveur du peuple libyen. «Durant la guerre de Libération, le peuple libyen, qui était pourtant dépourvu de ressources matérielles et financières, n'a ménagé aucun effort pour aider la Révolution algérienne. Nous avons donc une dette envers ce pays frère qu'on doit absolument aider à surmonter cette terrible épreuve», a estimé le diplomate qui a animé une conférence hier à Sétif, à l'invitation de l'association des anciens élèves des lycées Malika Gaïd et Mohamed Kerouani. M. Brahimi pense par ailleurs que «dans l'intérêt de la région et des pays du Sahel, il faut tout entreprendre pour qu'El Gueddafi quitte le pouvoir. Une solution politique est toujours possible d'autant plus que les bombes de l'OTAN ne l'ont pas poussé à partir. Le temps a donné raison à l'Algérie qui a refusé toute solution militaire», a-t-il par ailleurs souligné. Dans le même ordre d'idées, il soutient que «la Tunisie, l'Egypte et l'Algérie doivent engager une action politique commune car il y va de leur sécurité, d'autant plus que la guerre est à quelques encablures de leurs frontières. Les trois pays sont dans l'obligation d'engager des discussions avec aussi bien l'opposition qu'avec le régime de Tripoli». À travers la communication : «L'ordre international du XXIe siècle : Quelle place ? Quel rôle pour le monde arabe et l'Afrique ?», tenue à l'auditorium de l'université Ferhat Abbas, l'illustre orateur est revenu sur le «printemps arabe» et la position qu'il implique dans le nouvel ordre international : «Les aspirations des peuples arabes, du Maroc à Oman, sont identiques, le changement est inévitable. Les gouvernements des pays comme le Maroc, l'Arabie Saoudite et l'Algérie peuvent le conduire s'ils ne veulent pas le subir.» Le mauvais exemple, estime-t-il, est montré par le Yémen où «Abdallah Saleh ne se rend pas compte du mal qu'il fait à son peuple. Avec un tel entêtement, le président yéménite, qui partira tôt ou tard, mènera son pays vers le chaos». «En Syrie, où une infime minorité gouverne, la situation est plus complexe. Bachar Al Assad ne pourra pas gouverner comme son père», statue par ailleurs le conférencier. Sur un autre plan, Lakhdar Brahimi fait remarquer que le monde extérieur attend beaucoup du «printemps arabe». «Celui-ci doit avoir un impact sur les stratégies du monde arabe à la traîne. Savez-vous qu'en dehors du pétrole, le monde arabe avec ses 400 000 millions d'habitants exporte moins que la Suisse ? Les échanges économiques interarabes sont négligeables pour ne pas dire inexistants. A cette allure, le monde arabe, qui ne manque pourtant pas de compétences, restera en marge du nouvel ordre international qui se fera sans lui», assène-t-il. Interrogé sur la question palestinienne, le conférencier dira en substance que, même s'ils ne sont pas impliqués dans les conflits interpalestiniens, de nombreux pays arabes, notamment l'Egypte, ont été contrariés par la réunification des Palestiniens. «Sans aide matérielle et appui politique de la Ligue arabe, qui recule de plus en plus, les Palestiniens ne pourraient bousculer un Etat comme Israël, n'étant autre que la 4e puissance militaire au monde et le 3e exportateur mondial de matériel militaire», confie le communicant. Invité à faire un commentaire à propos de l'élimination de Ben Laden, le diplomate répond sans aucune équivoque : «Ben Laden résidait dans cette maison depuis 5 ans. Très peu de gens croient les Pakistanais quand ils prétendent qu'ils ne savaient pas où il était. L'administration américaine a tué Ben Laden pour une question de sondage car elle ne voulait pas d'une mort naturelle. D'autant plus que Ben Laden, qui se faisait dialyser plusieurs fois par semaine, n'était pas, ces derniers temps, l'homme fort d'Al Qaîda. Ils ont donc préféré le tuer pour gagner des points dans les sondages d'opinion.»