La rencontre entre l'ancien chef de gouvernement, Sid Ahmed Ghozali, et l'instance de consultations sur «les réformes politiques» n'a duré qu'une demi-heure. Ce qui veut dire que les deux parties n'ont pas eu grand-chose à se dire ou peu. «J'ai répondu à une invitation fraternelle», précise M. Ghozali qui, tout de même, pense que «la courtoisie» ne l'a pas empêché de «dire les choses en face parce que cela engageait l'avenir du pays». L'ancien chef de gouvernement a certainement dû condenser son intervention. Dans une déclaration faite à sa sortie d'audience, Sid Ahmed Ghozali, dont le parti, Front Démocratique, n'est pas encore agréé, a soutenu qu'il fallait surtout tenir compte d'une analyse «objective» de la situation actuelle du pays et de la région. Reçu en sa qualité de personnalité nationale, l'ancien chef de la diplomatie algérienne estime qu'«il s'agit là du destin de la nation. Cela ne se règle pas, selon lui, en changeant les lois, d'autant plus que ces mêmes lois n'ont pas été respectées depuis des années». L'invité de Abdelkader Bensalah lance, en effet, un appel «au pouvoir apparent et au pouvoir caché pour aller vers des réformes véritables».
Selon lui, «à mesure que l'on s'éloigne du fond du sujet ainsi que des défis à relever et des préoccupations (du peuple), on se rapproche du choc qui risque de se produire dans le pays. L'ancien chef de gouvernement a tenu à souligner qu'il transmettra ses idées et ses propositions «par écrit et à qui de droit». Contacté hier après-midi, Sid Ahmed Ghozali rapporte que les membres de la commission lui ont demandé, au départ, de faire des suggestions à propos des réformes préconisées par le chef de l'Etat. Et lorsqu'il a rétorqué qu'il n'en connaissait pas encore le contenu, la réponse lui a été donnée que le pouvoir entend régler les problèmes par la modification des lois. Si c'est vraiment cela, affirmait-il dans une déclaration à El Watan, «soit ils se trompent ou ils cherchent autre chose !» «Moi je pense le contraire», soutient M. Ghozali qui nourrit d'énormes doutes quant aux intentions du pouvoir. «Pourquoi ouvrir le champ politique, comme ils le prétendent, alors que le dispositif et la loi sur les partis sont là. Il suffit juste de respecter la loi», tempête l'ancien chef de gouvernement, soupçonnant une volonté de faire exactement le contraire.
C'est-à-dire «interdire légalement ce qu'ils ont interdit jusque-là illégalement». -Sid Ahmed Ghozali ne voit pas également l'utilité de revoir «la loi électorale qui n'a jamais été respectée». Idem pour l'organisation des pouvoirs publics, parce que la Constitution donne les pleins pouvoirs au Président. Pour soutenir son argumentaire, «l'homme au papillon» affirme que «pour combattre la corruption, on n'a pas besoin de modifier la loi fondamentale». C'est une question de volonté politique, laisse-t-il entendre. Le problème, est-il convaincu, ne réside pas dans les textes. Selon M. Ghozali, «le pouvoir détient toutes les clefs de la solution, mais avec la fuite en avant qu'il préconise, il est devenu lui-même le problème». L'invité de l'instance de consultation estime que la démarche, «la mouchaouara qui consiste à transmettre les messages, alors que le débat est interdit, manque de crédibilité». «Le système, (ennidham), selon lui, se joue vraiment des hommes, alors que devant la réalité qui est celle du pays aujourd'hui, on ne peut se comporter de cette manière.» «Ils pensent qu'il n'y a qu'eux qui peuvent diriger», souligne l'ancien chef de gouvernement qui affirme qu'«il y a une infantilisation de la société : ou se soumettre on fera parti du cercle des amis ou prononcer un avis contraire et on est classé dans la catégorie des ennemis». M. Ghozali tient, en effet, à expliquer que dans la démarche en cours, soit il y a un aveuglement, ce qui est très possible, ou une volonté de rajouter plus de brouillard en impliquant tout le monde. Il qualifie les consultations entreprises depuis trois jours de «diversions». Ceux qui dirigent le pays, indique-t-il, sont occupés par des questions de pouvoir, ils ne sont pas dans l'optique de trouver des solutions aux problèmes des Algériens. Pour lui, «la solution est dans un changement radical, voire un changement de régime».