Les statuettes qui scintillaient dans le clair-obscur des patios des bâtiments ont été déboulonnées, des ustensiles, des parements en forme de pommes, des rampes des escaliers des immeubles d'Alger. A cette occasion, la rapine la plus spectaculaire est ostensible sur l'esplanade de l'avenue Mohamed Khemisti (ex-avenue Laferrière), où les statuettes qui embellissaient les squares publics du temps du défunt gouvernorat du Grand-Alger n'ont pas dérogé à l'appétit insatiable des écumeurs des arts d'agrément. Au demeurant, le marché de l'art fomente la cupidité et la diversité des médiateurs experts dans la détection des œuvres rarissimes. Depuis lors, les pilleurs sont donc légion et ont le vent en poupe. C'est pourquoi, il faut lever la tête du trottoir pour se rendre compte de l'ampleur des méfaits commis contre le mobilier intégré de la capitale. Aujourd'hui encore, les frises ne font pas exception, étant donné les actes de déprédation commis contre les frontons sculptés dans l'intervalle de l'architrave et la console des immeubles. Ce méfait nouveau perpétré contre un pan de notre histoire et de l'art des architectes contemporains persiste de plus belle dans l'indifférence générale. L'impassibilité des riverains et la dissolution de la corporation des concierges ont contribué aux sombres desseins des trafiquants. En somme, les commissionnaires dans les transactions des pièces rares ont fait main basse sur l'intégralité des bandes horizontales délicatement modelées et qui enjolivaient jadis les immeubles de la capitale. Par ailleurs, les décrottoirs, véritables œuvres d'art de ferronnerie scellées naguère à l'entrée des immeubles, figurent maintenant au sombre palmarès du trafic et de la vente en vrac de métaux. Il est admis que les reliques d'art rapportent gros, notamment à La Casbah où les vestiges sont encore frais. Dans la cité antique, l'effondrement d'une douéra est divin et correspond à une manne inespérée pour ceux qui se nourrissent de la détresse des pauvres gens. Peu importe le désespoir. Ce qui compte le plus, c'est évidemment la vente des portes séculaires ainsi que les accessoires d'ébénisterie et de mosaïques antiques. L'inédit délit a été consommé la semaine dernière à la rue Chérif Kenaïe, juste au pied de la fontaine située à l'aine du palais de Hamra II. Le panonceau de marbre décelé la veille par le fontainier a tout simplement disparu durant la nuit. En conséquence, Alger perd peu à peu ses curiosités, et heureuses qui comme les concierges qui n'ont rien vu.