Les constitutionnalistes le disent, la démarche la plus crédible voudrait que lorsqu'on décide de revoir la Constitution et procéder à des réformes en profondeur pour une sortie de crise, le moyen le plus indiqué est, de toute évidence, la Constituante. Toute démarche, quelle qu'elle soit, doit avoir une logique et des objectifs. Les consultations en cours «sur les réformes politiques» ne semblent pas en avoir. Même si l'on peut déceler une volonté d'impliquer tout le monde et accréditer la démarche en tentant de l'entourer d'un consensus, il est cependant difficile de cerner la logique qui la gère. Par quelque bout qu'on la prenne pour lui donner un sens, on bute sur l'incohérence de l'agenda de ces réformes tel qu'il est programmé. Les constitutionnalistes le disent, la démarche la plus crédible voudrait que lorsqu'on décide de revoir la Constitution et procéder à des réformes en profondeur pour une sortie de crise, le moyen le plus indiqué est, de toute évidence, la Constituante. Qui mieux que cette dernière pourrait donner du crédit à la démarche de réforme et, beaucoup plus que cela, de la légitimité ? Autre voie de réforme : que l'initiateur lui-même l'assume totalement et la propose au verdict du peuple en convoquant un référendum. On n'est certainement pas dans le premier cas de figure, parce qu'on n'a toujours pas voulu entendre parler d'une Constituante. Ni dans le deuxième. Tout concorde à dire que la démarche est biaisée. Ce qui démontre encore une fois toute la légèreté avec laquelle l'on traite une situation politique aussi complexe que la nôtre. Le décor est ainsi planté. Boycottées par l'opposition et d'importantes personnalités nationales, les consultations menées par le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, et les deux conseillers à la Présidence, le général Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi, sont, en effet, dénuées de tout intérêt, sinon qu'elles servent, surtout dans le contexte induit par les révolutions démocratiques intervenues dans certains pays arabes, de vitrine à l'adresse d'une opinion internationale attentive à ce qui se passe dans le pays. Ceux qui se sont prêtés au jeu auront ainsi servi d'alibi à une politique de remplissage menée par une équipe beaucoup plus préoccupée par sa propre longévité que par l'enjeu de construire un système politique moderne, démocratique et pérenne. On se le demandait bien d'ailleurs : quel est l'intérêt de lancer des réformes politiques alors qu'on a passé tout le temps à démentir d'une manière très forte l'inexistence d'une crise politique en Algérie ? Une autre anomalie dans la démarche de Abdelaziz Bouteflika, ou plutôt une autre interrogation : quelle sera la mouture finale de la nouvelle Constitution, ou de la loi fondamentale révisée ? Sera-t-elle la synthèse de toutes les propositions ou l'équipe en charge d'élaborer les nouveaux projets de textes sera amenée à privilégier une option par rapport à une autre ? Par exemple celle du général à la retraite Khaled Nezar à celle de Bouacha du mouvement Infitah, ou vice versa ! Et sur quel critère favorisera-t-on donc une proposition par rapport à une autre ? Fera-t-on parler l'opinion majoritaire, celle qui demande le changement ou celle qui arrange l'ordre actuel des choses, c'est-à-dire le statu quo ? Toutes ces questions restent plus que jamais ouvertes. Et dans ce fouillis et cet inextricable bric-à-brac d'idées et de visions, il sera certainement difficile de cerner les contours de la nouvelle matrice constitutionnelle. Sauf si, comme le supposent certains, le projet de révision constitutionnelle est fin prêt, du moins ses initiateurs en ont déjà une petite idée, et que les consultations en cours sont de pure forme. On est tentés même de dire que le défilé de certains partis, des associations et des personnalités devant la commission de Abdelkader Bensalah, n'est intéressant que dans son aspect spectaculaire, c'est-à-dire l'image qu'il offre à voir sur l'aptitude, fausse, du pouvoir à se réformer et à s'ouvrir sur l'opposition. Les choses sérieuses se déroulent dans l'arrière-boutique. Exemple : toutes les lois organiques, les lois sur les partis, sur les associations, la participation des femmes à la vie politique, l'information, la loi électorale, seront adoptées par l'actuel Parlement que d'aucuns qualifient de croupion et d'illégitime. Beaucoup demandent sa dissolution. En somme, si la finalité de toute l'agitation que connaît la scène politique est facilement décelable, il est par contre très compliqué de comprendre la logique qui guide les consultations initiées par le président Bouteflika.