R�alis� par Brahim Taouchichet Dans cet entretien, nous avons tent� d�aller au fond des questions d�actualit� qui interpellent la soci�t� dans toutes ses composantes ainsi que le pouvoir politique. Connu pour ses nombreuses contributions, Rachid Grim, politologue, directeur � l�Institut de recherche � l�Universit� de Tizi-Ouzou, a bien voulu se pr�ter � une s�rie de questions portant sur les pr�occupations citoyennes du jour � les luttes sociales pour tout dire � leur impact sur le pouvoir exprim� � travers ses r�ponses aux revendications des diff�rents corps sociaux : augmentations des salaires, soutien aux prix de produits de large consommation et autres subventions. Celles-ci ne visent, nous dit-il, qu�� gagner du temps pour le syst�me en achetant la paix sociale. Pendant ce temps, se pr�cisent les luttes ouvertes de succession � travers une r�forme annonc�e de la Constitution dans le dessein de perp�tuer le syst�me voulu par un pr�sident �� la sant� d�faillante mais tr�s lucide�. Au sommet du s�rail politique, les partis de l�Alliance aff�tent leurs armes. Que dire du MSP qui se red�couvre une vocation d�opposant au syst�me ? Quant � l�opposition, �divis�e, travers�e par l�adversit�, elle n�est pas encore pr�te � constituer l�alternative, selon le politologue, alors que la �soci�t� civile commence � relever la t�te et � mettre au placard toutes les organisations du pass酻 Le Soir d�Alg�rie : C�est un contexte bien particulier dans lequel est aujourd�hui le r�gime : s�isme politique dans les pays arabes et, au plan interne, une agitation sociale permanente. Quel regard portez-vous sur cette r�alit� ? Rachid Grim : Quel que soit le qualificatif que ceux qui nous gouvernent appliquent aux �v�nements qui se d�roulent dans le pays depuis le mois de janvier dernier, nous sommes bel et bien entr�s dans une p�riode d�incertitudes. L�Alg�rie, m�me si nos gouvernants, comme pour conjurer le sort, disent le contraire, est bel est bien partie prenante de ce que vous appelez le s�isme politique arabe et ce que d�autres qualifient de printemps arabe. Nos gouvernants refusent syst�matiquement de parler de revendications politiques de la part des jeunes et des moins jeunes qui ont investi la rue. Pour eux, il ne s�agit que de revendications � caract�re social. Il y a bien entendu du vrai : la revendication sociale existe bel et bien : logements, emploi, pouvoir d�achat, �cole, universit�, mal-vie, hogra, et bien d�autres choses. Mais elle n�est pas la seule : la revendication politique est pr�sente partout ; elle est essentielle et permanente, m�me si elle ne s�exprime pas directement en tant que telle. Nous la retrouvons dans les revendications des �tudiants � qui finalement ne font rien d�autre que de remettre en cause tout le syst�me scolaire et universitaire qui a men� le pays directement dans le mur. Quoi de plus politique ? Si on �tudie de tr�s pr�s les revendications des diff�rents corps professionnels, on y trouvera en filigrane la remise en cause de tout le syst�me, qui a men� le pays dans la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve aujourd�hui. Et cela nos gouvernants commencent � le comprendre et � craindre ses cons�quences sur la p�rennisation du syst�me. Le pouvoir sait qu�il devra l�cher du lest pour se maintenir. Il esp�re comme cela gagner du temps et jouer sur les divisions de l�opposition d�mocratique (partis, syndicats et associations de la soci�t� civile) pour reprendre la main. Gagner du temps, c�est le leitmotiv du pouvoir. C�der sur des broutilles, pour gagner le temps n�cessaire � se refaire une virginit�, telle est sa d�marche. Mais m�me quand il fait semblant de l�cher du lest, le pouvoir s�y prend de telle mani�re qu�il ne peut pas �tre cr�dible. L�exemple effarant est donn� par le Pr�sident lui-m�me qui, dans son discours � la nation, avait promis plus de d�mocratie et plus de pouvoirs, � la repr�sentation populaire ; et quelques jours plus tard, il fait voter contre l�avis de tous les partis pr�sents � l�APN � moins bien entendu le FLN et le RND � un code communal � l�exact oppos� de ses promesses. Ne vivons-nous pas un grand paradoxe, � savoir d�un c�t� une coalition gouvernementale qui explose avec le vote du code communal par une assembl�e discr�dit�e, une opposition d�mocratique r�prim�e et qui n�arrive pas � mobiliser et le peuple qui se pr�occupe plus de son quotidien. Votre analyse sur une telle r�alit�... La coalition gouvernementale � FLN/RND/MSP � n�a jamais �t� rien d�autre qu�un rassemblement fait de bric et de broc, cr��e dans le seul but de servir le ma�tre du jeu : le Pr�sident. Tant que son �tat de sant� lui permettait de rester le ma�tre, les trois partis �taient aux ordres. La situation pr�sente est quelque peu diff�rente : tout le monde sait maintenant que la porte de la succession est ouverte. Et que cette succession ne pourra plus se faire, comme elle avait �t� imagin�e par le pouvoir � y compris par les trois partis de la coalition. Il ne peut plus y avoir � gr�ce en soit rendue aux r�volutions tunisienne et �gyptienne � de succession familiale. Chacun essaie donc de se placer pour, le moment venu, participer � la course et essayer de la gagner. C�est �vident pour le parti islamiste, avec Aboudjerra Soltani qui devient un �opposant� pour se refaire une virginit� et pr�tendre faire partie de ceux qui pourront participer � la course finale pour le pouvoir. C�est tout aussi �vident pour les deux autres partis, dont les chefs se marquent � la culotte : chacun pr�tendant �tre le plus l�gitime, pour succ�der au za�m. Dans un pays �normal�, l�opposition d�mocratique devrait tirer un �norme avantage de cette situation et se pr�parer � la prise du pouvoir. Mais pour cela elle devra �tre cr�dible. Ce qui n�est absolument pas le cas. Non seulement elle est r�prim�e par le pouvoir qui l�emp�che de marcher et de s�exprimer, mais surtout elle est tellement d�sunie que personne ne peut croire qu�elle pourra �tre une alternative au pouvoir. Et non seulement elle est d�sunie, mais les partis qui la constituent d�veloppent entre eux une adversit� plus grande que celle qu�ils d�veloppent vis-�-vis du pouvoir. Et c�est bien ainsi que l�opinion publique per�oit la situation. Les islamistes par ailleurs ne sont pas en meilleure posture. Le MSP, devenu par son entrisme, un parti de gouvernement, est per�u de la m�me fa�on que ses partenaires de la coalition. M�me si l�on doit se m�fier de la puissance de ses satellites de la soci�t� civile (femmes, �tudiants, associations caritatives, etc.) qui ont fait un �norme travail de p�n�tration en profondeur de la soci�t�, le parti ne semble pas encore pr�t � prendre le pouvoir et g�rer � seul � le pays. Pour l�instant, il constitue un appoint pour les deux partis de la famille r�volutionnaire, et il s�en contente. Il est en train de faire l�exp�rience du pouvoir et de se pr�parer aux futures �ch�ances. Ce qu�Aboudjerra Soltani avait pos� comme objectif politique supr�me de son parti � �tre majoritaire � l�APN en 2012 � n�est pas encore pr�s de se r�aliser. Le jeu actuel du parti, qui fait de l�opposition, tout en restant au gouvernement, n�a pas d�autre signification que de montrer qu�il existe en dehors de la coalition et qu�il en est ind�pendant. Une mani�re de se rappeler � son �lectorat pour les prochaines �ch�ances. Et le peuple dans tout �a, il continue de manger son pain noir et de r�ver � des lendemains meilleurs (pour beaucoup, en dehors du pays). Pour lui, il s�agit avant tout de survie. L�Alg�rien est connu pour sa patience l�gendaire. Jusqu�au moment o� la goutte d�borde� Et la goutte est en train de d�border. Ce ne sont pas les milliards de dinars que le pr�sident et son gouvernement sont en train d�injecter dans les salaires, le soutien des prix, les projets de logements et autres, qui vont r�gler leurs probl�mes de mal-vie, de hogra, d�emplois, de scolarit�, de sant�, etc. D�ailleurs, cette �norme masse mon�taire qui est inject�e pour tenter de juguler la revendication sociale risque de se transformer tr�s rapidement en une inflation � deux chiffres. Avec ses cons�quences catastrophiques sur le pouvoir d�achat d�j� � ras terre de l�immense majorit� de la population. En d�pit des d�n�gations, les insurrections dans le monde arabe rejaillissent sur le pouvoir, oblig� de faire des concessions pour acheter la paix sociale. C�est �l�union sacr�e� face aux p�rils. Mais le pr�sident Bouteflika lors de son discours du 15 avril � Tlemcen est apparu � bout de souffle mais pas � bout d�arguments... Le pr�sident n�est pas seulement � bout de souffle. Il est aussi � bout d�arguments. Ses seuls arguments sont ceux de la manne financi�re dont il dispose (et qu�il ne doit qu�� l�augmentation du prix du p�trole, depuis son �lection en 1999 !). Acheter la paix sociale, il le peut effectivement. Mais pas pour tr�s longtemps. L�argent n�est pas in�puisable et les cons�quences des d�cisions prises, et appliqu�es, d�injecter de telles masses dans le soutien des prix de produits de large consommation, l�augmentation des salaires des fonctionnaires, etc. seront tr�s vite d�sastreuses. Tous ses projets �conomiques � du moins jusqu�� pr�sent � ne sont pas des projets de d�veloppement et de cr�ation de richesses. Il �tait n�cessaire d�investir dans les �quipements publics de base. Mais ceux-ci co�tent de l�argent et ils n�en rapportent pas. Et ils n�entrainent pas un vrai d�veloppement �conomique. Jusqu�� maintenant, l�investissement cr�ateur de richesses est absent des r�alisations du pr�sident. Tout ce qu�il pourra faire � partir de maintenant � en admettant qu�il donne un autre cap � sa politique �conomique � n�aura pas de r�sultat imm�diat, qui pourra faire patienter une population qui plonge de plus en plus dans la pauvret�. Il ne mettra pas fin aux �meutes de la mis�re, qui ne feront que s�accentuer. D�ailleurs, la politique des pouvoirs publics qui consiste � r�pondre par la positive � toutes les revendications violentes de la rue a pour cons�quence de d�multiplier celles-ci. Il ne me semble pas que le pr�sident ait devant lui assez de temps pour renverser la vapeur et tenir toutes ses promesses de lendemains meilleurs pour le peuple alg�rien. D�ailleurs, m�me s�il le voulait, il ne le pourrait pas dans les conditions actuelles. Il ne dispose pas du personnel politique et des managers capables de concevoir et mettre en �uvre une politique �conomique nouvelle et porteuse d�avenir. Le gouvernement Ouyahia, comme les pr�c�dents d�ailleurs, a montr� ses limites. La grande majorit� du personnel politique et de gestion de l��conomie n�a pas d�autre comp�tence que celle de savoir bien plier l��chine. Des courtisans qui n�ont d�autres objectifs que celui de durer et de profiter de la rente. Ce n�est pas de lui que pourra venir la solution � la situation gravissime que conna�t le pays depuis des d�cennies. Au vu de son �tat de sant�, les supputations reprennent de plus belle quant � sa succession. L�apr�s-Bouteflika estil d�ores et d�j� lanc�, selon vous ? Oui ! L�apr�s-Bouteflika est d�j� lanc�. La seule question qui se pose est celle de savoir si c�est lui qui pr�parera et mettra en application la proc�dure pour sa succession, ou si celle-ci viendra d�ailleurs. Il me semble que, malgr� sa sant� physique visiblement d�faillante, le Pr�sident a gard� intactes ses facult�s mentales. Il sait pertinemment qu�il n�ira pas vers un quatri�me mandat. Il sait qu�il doit tout faire pour p�renniser le syst�me qu�il a mis en place ; ne serait-ce que pour prot�ger ses proches des revanchards de tous bords. Il a annonc� dans son discours � la nation sa d�cision de r�former la Constitution. Je pense que cette annonce est le pr�lude � la pr�paration constitutionnelle de sa succession ; bien entendu, une succession en faveur du maintien du syst�me en place. On sait que la Constitution actuelle organise la succession (en cas de d�c�s ou d�incapacit� totale) en faveur du pr�sident du Conseil de la nation, qui sera charg� d�organiser �sans pouvoir lui-m�me s�y pr�senter � les �lections pr�sidentielles. C�est une proc�dure qui n�arrange pas le pr�sident : compte tenu de la sc�ne politique actuelle et des d�rapages que l�on voit d�j� poindre, une telle succession sera tr�s difficile, pour ne pas dire � probl�mes. Il n�y aura ni consensus ni m�me une majorit� nette pour d�partager les diff�rents partis (y compris ceux de la coalition qui deviendront des adversaires irr�conciliables). L�arm�e sera m�me peut-�tre oblig�e d�intervenir directement, pour �viter le pire ou m�me pour imposer un candidat. Tout milite donc pour que le pr�sident, tr�s rapidement, impose une nouvelle Constitution qui organise au mieux sa succession, pendant qu�il est encore au pouvoir. Il s�agit d�une v�ritable course contre la montre ; et contre tous ceux qui � et ils sont nombreux, au sein m�me du pouvoir � essayeront de freiner des quatre fers. Dans cette perspective, le MSP (ou Hamas), parti de la coalition, se red�couvre une vocation d�opposant au syst�me et se lance dans la revendication d�un r�gime parlementaire. Lucidit� ou opportunisme politique ? Et l�un et l�autre ! D�une part, c�est de l�opportunisme parce qu�il est apparu � tout le monde, MSP compris, que la succession de Bouteflika est lanc�e. Le parti islamiste se positionne donc sur la ligne de d�part, comme ses deux comp�res de l�Alliance. S�il se positionne comme opposant � tout en se gardant bien da quitter l�Alliance et donc, le gouvernement �, c�est pour indiquer qu�il est diff�rent des deux autres et qu�il prend ses distances. Un message subliminal � son �lectorat qu�il sait tr�s d��u par ses positions depuis dix ans. Par ailleurs, le HMS est tr�s lucide. Il sait qu�un r�gime pr�sidentiel ne lui est pas favorable. Celui-ci exige un candidat, donc un pr�sident, qui a une tr�s forte personnalit� ; qui plus est est reconnu comme telle, y compris par ses adversaires. Cet homme n�existe pas au sein du parti islamiste. Celui-ci est encore tr�s divis�, malgr� la scission de Menasria et de son groupe. Aboudjerra Soltani sait que la seule chance du parti d�exister encore et d�arriver un jour au pouvoir, il ne la devra qu�� la voie parlementaire. Seul un r�gime parlementaire lui permettra de vivre, de se d�velopper et de devenir un jour majoritaire, pour pouvoir former un gouvernement. La voie qu�a suivi l�AKP de Turquie. C��tait d�ailleurs le sens de sa d�claration � l�issue des derni�res �lections l�gislatives, quand il pr�disait que son parti deviendra majoritaire aux �lections de 2012. Les r�formes politiques annonc�es par Bouteflika sont confi�es pour leur conduite et leur application au minist�re de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales (!) qui prend acte et qui ne se prononce sur aucun �ch�ancier. Une telle d�marche vous para�t-elle cr�dible ? Non ! Absolument pas ! Le ministre de l�Int�rieur et de Collectivit�s locales n�a absolument pas le profil d�un r�formateur. Toutes ses d�clarations publiques � qui sont souvent apparues comme des d�rapages verbaux � militent pour cette affirmation. Rappelons-nous que, s�agissant du contenu du projet de nouveau code communal, il avait tonn� que le gouvernement ne le retirera pas et qu�il le fera passer sans en d�naturer la philosophie. Ce qu�il a fait ! DOK est un soldat disciplin�. Il ob�it au chef. Et rien qu�� lui. Ce qu�il a fait pour le code communal, il le fera pour tous les autres textes � �r�former� : code de wilaya, loi sur les partis, loi �lectorale, Constitution. Il mettra dans ces �r�formes� exactement ce que le Pr�sident voudra qu�il y mette. C�est-�-dire presque rien qui ira dans le sens d�une r�elle d�mocratie et qui �tablira les bases d�une vraie alternance. Ould Kablia n�est ni l�homme du renouveau (n�oublions pas qu�il est toujours le pr�sident de l�association des anciens du MALG, association tourn�e vers le pass� et non pas vers l�avenir) ni un porteur d�id�es capable d�aller de l�avant. Or, pour r�former, il faut �tre tourn� vers l�avenir, ouvert sur sa soci�t� et porteur d�espoir. Et l�homme n�a aucune de ces caract�ristiques. Le fait qu�il ait accept� la �mission� que lui a confi�e le Pr�sident sans pour autant fixer un �ch�ancier signifie bien qu�il ne va rien changer au d�roulement tranquille des choses : il n�y a rien de tr�s press�, semble-t-il nous dire. Marches interdites, meetings dispers�s, le pouvoir n�h�site pas � recourir aux grands moyens de r�pression. Qu�est-ce qui lui permet une telle arrogance ? Ce qui lui permet cette arrogance, c�est la manne financi�re qu�il a entre les mains. Tant qu�il disposera d�autant d�argent et qu�il pourra en faire ce que bon lui semble, sans jamais en �tre comptable, il aura cette arrogance. D�autant plus que pour l�instant, il y a du r�pondant au niveau de certaines couches sociales d�sesp�r�es. Les sans-logements esp�rent b�n�ficier de logements sociaux qui ne leur co�teront rien ; les sans-emplois esp�rent qu�un miracle aura lieu avec tous les emplois aid�s promis ; les salari�s attendent leur tour pour une augmentation cons�quentes. Sans parler de ces contre-manifestations de jeunes �baltaguia� organis�es pour montrer que, hors du Pr�sident, il n�y a pas de salut. Il faudra certainement ajouter cette peur que les Alg�riens ont de l�inconnu : qui est capable de remplacer le Pr�sident, si celui-ci s�en allait ? Cela donne de l�assurance aux tenants du syst�me. C�est d�ailleurs beaucoup sur ce th�me que les tenants du syst�me r�pondent aux revendications des marcheurs du samedi : Sadi n�est m�me pas capable de faire l�unanimit� dans son propre douar ! A�t Ahmed est s�nile et il pr�f�re les rives du lac L�man � son pays ! Benbitour, il ne repr�sente rien ! Personne, y compris dans le s�rail, n�a assez de carrure pour remplacer notre za�m ! Et �a marche ! Ecoutez autour de vous les remarques des uns et des autres, quand vous abordez ce sujet ; vous y d�couvrirez cette peur de l�inconnu, sur laquelle surfe le pouvoir. Les animateurs du �changement pacifique et d�mocratique� du syst�me ont rendu publique une plate-forme politique qui �voque les modalit�s de transition. Votre lecture � ce propos ? C�est exactement ce que l�on entend depuis des lustres. Un changement par une Constitution nouvelle qui donnerait plus de libert�s, plus de contre-pouvoirs, plus de� C�est toujours le m�me probl�me : on pense qu�il suffit de changer les textes pour que tout s�arrange. Le p�le d�mocratique dans toute sa diversit� (et les adversit�s qui le traversent) oublie que la d�mocratie est avant tout une culture. Et que les plus beaux textes du monde, s�ils ne sont pas appliqu�s ne restent que des textes. C�est le citoyen qui fait la d�mocratie, pas les textes. Or, le citoyen � dans sa majorit� le plus silencieuse � n�a vu de la d�mocratie qu�une cacophonie port�e par tous les courants. Les islamistes se disent des d�mocrates qui ont gagn� les �lections l�gislatives, dont on les a spoli�s ; alors qu�ils ont eu et ont encore le m�me comportement de pr�dateur que le FLN qu�ils combattaient. Les �lus des autres partis dits d�mocratiques se sont av�r�s �tre exactement identiques � ceux du FLN (d�ailleurs beaucoup d�entre eux en sont issus). Ce que les partis du p�le d�mocratique ont montr� est absolument l��gal de ceux qui gouvernent le pays depuis son ind�pendance. Je pense sinc�rement qu�� ce jour, personne dans l�opposition d�mocratique n�est pr�t pour une transition qui m�nera � une vraie d�mocratie. Je ne mets pas en doute la sinc�rit�, ni le courage, de ceux qui m�nent le mouvement de revendication politique, mais je doute de leur capacit� � aller de l�avant et � prendre en main la destin�e du pays. Je leur souhaite pourtant de r�ussir, car au moins eux, ont montr� une volont� de se battre pour le changement, que l�on ne voit pas ailleurs. Que vous inspire le d�bat sur le changement du syst�me de l�int�rieur pour certains ou de l�ext�rieur pour d�autres acteurs politiques ? Sa�d Sadi l�a essay� et il s�en est mordu les doigts. Il avait pens� pouvoir faire �voluer de l�int�rieur le syst�me mis en place par l�actuel Pr�sident, en rejoignant le gouvernement. Non seulement, il n�a rien pu changer, mais il a fait preuve d�une na�vet� politique qui le poursuit aujourd�hui encore et qui le d�cr�dibilise en tant que recours possible pour la succession. Sans compter que la participation du RCD au gouvernement a contribu� � le d�mythifier en tant que LE PARTI de l�avenir d�mocratique de l�Alg�rie ; le parti vraiment citoyen. Il n�a r�ussi qu�� faire la d�monstration contraire : ses ministres �taient autant khobzistes que ceux du FLN, du RND ou du HMS. Et qu�il n�y avait rien de plus important pour eux que le koursi ! Voil� plus de deux mois que la crise libyenne perdure et prend des proportions impr�vues. Quelle analyse faites-vous de la pol�mique quant � la position de l�Alg�rie ? Le Pr�sident a consacr� indirectement � ce probl�me un long d�veloppement dans son discours � la nation. Il en ressortait que l�Alg�rie s�opposait frontalement �aux ing�rences �trang�res� dans les conflits � l�int�rieur des pays arabes. La lecture est claire : �Touche pas � Kadhafi !� Non pas que Bouteflika ait un quelconque atome crochu avec le dictateur de Tripoli (personne ne l�a, me semble-t-il, entendu dire du bien de lui) mais Bouteflika conna�t trop bien la th�orie des dominos (il �tait ministre des AE quand les Etats-Unis de son ami Kissinger appliquaient cette th�orie sur le front du Sud-Est asiatique) pour rester r�ellement neutre devant le risque de chute de Kadhafi. Apr�s lui, ce sera le tour de qui ? D�ailleurs, il suffit de voir quels autres pays arabes soutiennent Kadhafi pour se rendre compte que ce sont ceux qui se sentent les plus menac�s par la rue : Syrie et Y�men. Mais de l� � ce que le r�gime alg�rien aide militairement Tripoli, j�esp�re bien que ce n�est pas le cas. Et que ce ne le sera jamais le cas. Ce serait vraiment trop grave. D�autant qu�� lire ce que vient de publier le quotidien El Watan du 25 avril, sur les tentatives r�p�t�es du za�m de Tripoli de d�stabiliser l�Alg�rie, y compris militairement, il serait criminel pour le pr�sident d�aider son alter ego de Tripoli. Si l�on part de l�hypoth�se que certaines officines occidentales avaient mis en plan la cr�ation d�un foyer de tension � la fronti�re est de l�Alg�rie pour l�affaiblir, partagez-vous ce point de vue et quels seraient selon vous les risques � venir ? Mais bien entendu que des officines �trang�res ont toujours travaill� � d�stabiliser toute la r�gion du Sahel et du Sahara du sud ; c��tait leur int�r�t et il n�y a rien de plus normal � ce qu�il le fasse. C�est plus � la r�action alg�rienne, qui jusque-l� semble avoir �t� � la hauteur, qu�il faut s�int�resser. Les services de s�curit� du pays ont toujours �t� � la hauteur, concernant ce probl�me. M�me la diplomatie avait un temps �t� en phase avec les vrais int�r�ts du pays. Mais depuis un certain temps, depuis le positionnement du mouvement Al-Qa�da dans la r�gion, les choses semblent avoir �volu� en d�faveur de l�Alg�rie. La diplomatie semble en panne ; et m�me les services de s�curit� semblent pi�tiner, bien que leur engagement pour s�curiser la bande sud, et maintenant sud-est, du pays ait beaucoup cr�. Le danger est bien r�el � � Dieu ne plaise � de voir cette r�gion sud de l�Alg�rie devenir, sous l�effet conjugu� des officines dont vous parlez, des djihadistes d�Al-Qa�da, des gouvernements des pays limitrophes et m�me de certains chefs touareg, alg�riens ou non alg�riens, une v�ritable poudri�re. Une poudri�re qui pourra aller m�me jusqu�� une tentative de s�cession d�une partie de cette r�gion. Ce qui avait �t� un moment l�objectif de Kadhafi, dans sa recherche effr�n�e de grandeur et de leadership. Tensions et troubles permanents � l�int�rieur, pressions � l�ext�rieur, l�optimisme doit-il rester de rigueur malgr� tout ? Optimiste, oui ! Mais d�un optimisme volontariste ! Celui qui exige qu�on ne baisse pas les bras ; qu�on continue de se battre envers et contre tous ! Celui qui fera que nos �tudiants r�ussissent dans leur combat pour un avenir meilleur. Celui qui les poussera � faire jonction avec les revendications politiques ! Un optimisme qui se base sur le dur combat des syndicats autonomes, et qui commence � donner ses fruits ! Et qui les fera se rassembler sous la m�me banni�re pour revendiquer un avenir meilleur au-del� de leurs propres chapelles. Un optimisme que nourrit une soci�t� civile qui commence � relever la t�te et � mettre au placard toutes les organisations khobzistes du pass� (UGTA comprise) et qui se tourne r�solument vers des lendemains meilleurs. La d�mocratie est � ce prix !