Depuis quelque temps, des ateliers de contrefaçon de cigarettes sont signalés un peu partout dans la capitale. A domicile ou dans des locaux loués, la contrefaçon semble être une activité qui se fait en famille. Ces révélations, pour le moins surprenantes, nous ont été faites par un jeune impliqué dans cette activité illégale. Les témoignages que nous avons pu recueillir démontrent qu'il existe une véritable production parallèle du tabac. La contrefaçon de cigarettes dans la capitale est plus une opération de substitution qu'autre chose. « Tout commence au niveau de la SNTA ou des employés qui “travaillent“ avec nous procurent des cigarettes destinées à une certaine clientèle. » « Les trafiquants les achètent à un prix bas à leurs complices de la SNTA », explique notre interlocuteur. Il explique qu'une fois le détournement effectué, les cigarettes sont acheminées vers les ateliers clandestins. « Les cigarettes à l'emballage spécifique sont empaquetées dans un nouveau emballage avec l'aide de tous les membres de la famille ou presque. L'opération terminée, les trafiquants ne trouveront aucune difficulté pour écouler leur “produit“ sur le marché parallèle. » Pour ce qui est des emballages, notre source révèle, à notre grand étonnement, qu'ils ne sont pas détournés auprès de la SNTA, mais des Algériens installés à l'étranger possédant des imprimantes modernes qui reproduisent fidèlement les paquets. « Le papier spécifique à l'emballage ne leur pose pas, non plus, de problème », assure le jeune homme qui ajoute : « Ces emballages sont régulièrement introduits dans la capitale où se trouve la majorité des ateliers en question ». Tout en signalant que le détournement des cigarettes de la SNTA est loin de se faire en petites quantités, notre interlocuteur révèle que cette activité s'est avérée très lucrative « puisque de nombreux initiés ont réussi à se faire beaucoup d'argent ». Les contrefacteurs « n'hésitent pas, d'ailleurs, à louer des locaux comme s'il s'agissait d'une activité tout à fait légale », ajoute-t-il. DES MOYENS SOPHISTIQUÉS POUR TRICHER Le tabac à chiquer est également concerné par ce trafic. A en croire des sources proches de la SNTA, les contrefacteurs s'intéressent particulièrement au tabac à chiquer avarié. « Ce tabac non destiné à la vente peut être vendu à des prix intéressants, une fois détourné des entrepôts de la SNTA », nous dit-on. « Il y a quelques années des quantités considérables de tabac à chiquer destinées à la destruction ont été écoulées sur le marché. Certains ont même remarqué la différence au niveau du goût de ce tabac », ajoutent nos sources. Le détournement du tabac à chiquer s'effectue dans des sacs poubelle. Il est ensuite mis dans des boîtes, dans « les ateliers clandestins ». Le développement de la contrefaçon est motivé, notons-le, par l'existence d'un marché parallèle organisé et développé. Afin d'en savoir plus sur ce sujet, nous nous sommes rendus au siège de la SNTA où nous nous sommes entretenus avec Saïd Khalef, membre du directoire de la société, et M. Aliane, directeur commercial. Nos deux interlocuteurs ont tenu à signaler que la mise en place d'ateliers dans des domiciles ou des locaux de fortune est quasi impossible. « La mise en boîte des cigarettes sans l'aide de machine est une opération très difficile, et même si c'est possible, la différence entre nos boîtes et celles de la contrefaçon serait flagrante », estime M. Khalef. De son côté M. Aliane fera remarquer que « la SNTA ne produit pas de grandes quantités pour des clients spécifiques. Ce qui ne serait pas encourageant pour les contrefacteurs qui ne pourront pas produire de grandes quantités. » Pour ce qui est du tabac à chiquer, les deux responsables noteront que « la production de ce tabac à domicile a toujours existé chez nous ». Cette production artisanale est toutefois considérée comme illégale. M. Aliane a tenu à signaler à ce sujet que, ces dernières années, « le tabac à chiquer fait à domicile est mis dans des sachet similaires aux nôtres ». D'un autre côté, M. Khalef a indiqué que la véritable menace pour la SNTA ne vient pas des petits ateliers, mais plutôt de « la véritable industrie parallèle », qui gagne de plus en plus de terrain. « Les paquets de cigarettes contrefaites que nous trouvons ne peuvent être fabriqués que par des machines sophistiquées. Les grands spécialistes du trafic possèdent des lignes de fabrication qui coûtent environ 350 millions de dinars », affirme M. Khalef qui ajoute que « le tout est de savoir si ces lignes de fabrication se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur du pays ». Concernant les détournements qui se sont produits dans les unités de la SNTA, le représentant du directoire nous a expliqué que depuis l'année dernière un nouveau dispositif de sécurité a été mis en place. Caméras de surveillance, renforcement du nombre d'agents de sécurité, fouille corporelle à la sortie de l'usine sont autant de mesures prises par la SNTA pour éviter les vols au niveau de ces unités. Interrogé sur l'ampleur de la contrefaçon M. Khalef dira que les produits contrefaits occupent 10 % de part du marché avec une production de 80 à 100 millions de paquets par an. « Face à la contrefaçon et à la contrebande, nous satisfaisons actuellement 80 % de la demande », indique M. Khalef qui signale que la SNTA « contribue à hauteur de 32 milliards de dinars de fiscalité au Trésor public ».