La Mecque du trabendo, l'eldorado de la contrefaçon, la poubelle des faux produits, c'est par ces déshonorants qualificatifs que l'on nomme les nombreux marchés informels du pays, ouverts au vu et au su de tous. En telle situation, pourrions-nous nous prévaloir d'avoir un Etat fort, à même de faire respecter les lois de la République ? Force est de constater que la réalité nous exige de reconnaître que l'on est en totale discordance entre le discours officiel et la réalité du terrain ! Un terrain complètement acquis à la maffia du marché parallèle, où les timides interventions des services du ministère du Commerce ne semblent guère embarrasser ce dramatique fléau socioéconomique. Tout le monde l'entend, tout le monde l'a vue ! Dramatique, c'est peu dire, si l'on se réfère à l'ampleur du phénomène de la contrefaçon, première source de fragilisation de l'économie algérienne. Le marché du faux est partout, omniprésent. Il se pratique à ciel ouvert et à tous les niveaux de la société. Contrairement à l'Arlésienne d'Alphonse Daudet où tout le monde l'entend mais personne ne l'a jamais vue, en Algérie le marché de la contrefaçon est bel et bien là, au vu et au su de tous ! Cependant, il est vrai que mener la guerre à la contrefaçon est loin d'être une mince affaire, dépendant des seuls services d'un seul ministère. En l'occurrence celui du Commerce. Certes, ce département ministériel dispose d'un arsenal juridique des plus riches. Mais est-ce que la loi, à elle seule, peut se suffire ? Non ! La bataille est à mener tambour battant sur le champ. La loi ne vaut que si elle s'applique dans toute sa rigueur. En inter-sectorialité avec les services de sécurité avec, Pouvoir, Autorité et Puissance. Sans fleur au bout de la baïonnette. Communiquons d'abord ! Néanmoins, dans toute opération d'importance, ou d'alerte, il y a un prélude. L'avertissement. Dans ce cas précis, il serait judicieux qu'avant de passer au “tout-répressif”, de consacrer une campagne nationale de grande envergure sur tous les médias pour informer et sensibiliser les consommateurs sur les risques liés à l'utilisation de produits contrefaits. Aussi, il faut instruire tous les nombreux acteurs de la longue chaîne du marché de la contrefaçon sur les risques qu'ils encourent par rapport à leur indue activité et les dommages collatéraux qu'ils font subir à la santé des consommateurs ainsi qu'à l'économie algérienne. Ceci aurait pour impact de réduire la demande, en matière de clientèle, et de placer les revendeurs et autres exploitants du faux en situation de faiblesse, d'impuissance et en contradiction totale avec la loi réglementant l'activité commerciale. Là on ne pourra plus dire… on ne savait pas ! La contrefaçon, un véritable sans-faute ! La contrefaçon dispose d'un réseau international très bien organisé et bien rodé. Et l'Algérie, de par ses spécificités géostratégiques s'en trouve être une des plaques tournantes les plus convoitées. Avec ses nombreuses frontières terrestres difficiles à surveiller et une façade maritime de 1 200 kilomètres, nous ne pouvons que représenter une cible idéale pour les réseaux internationaux de la contrefaçon. Mais la contrefaçon, ce n'est pas que les produits étrangers introduits de l'extérieur. Il existe également un marché parallèle local très actif, spécialisé dans les produits contrefaits d'origine algérienne. Ce qui nous a valu une place sur la liste des pays placés sous surveillance par les Etats-Unis pour activité contrefaisante. Ils nous reprochent notamment la grande présence de ces produits, même sur le marché de la distribution officielle. Médicaments, cosmétiques, pièces détachées automobile, articles ménagers, informatiques… En Algérie, l'envergure de ce fléau a une dimension nationale. Il concerne toutes les régions du pays. Cependant, les villes les plus touchées sont Alger, Sétif, Oran et Tlemcen. Qu'est-ce que la contrefaçon ? Entre contrefait et contrefaisant, la confusion est souvent entretenue. Les marques et les produits qui font l'objet d'une contrefaçon sont désignés “contrefaits”. C'est-à-dire parfaitement reproduits. Les marques et les produits qui imitent indûment, plus ou moins grossièrement les originaux, sont appelés “contrefaisants'' (disgracieusement). Version “Shanzhai” Le mot Shanzhai fait référence aux produits copiés, notamment pour désigner les clones exécutés dans le domaine de la téléphonie et de l'électronique. Littéralement, ce terme indique les régions montagneuses. Régions éloignées des contrôles officiels, servant de planques pour les contrebandiers. On parle d'usine “shanzhai” pour designer une fabrique précaire, mal équipée, de bas de gamme, dont les produits sont de qualité médiocre, synonyme de Shanzhai. C'est aussi dû au fait que la plupart de ces ateliers sont situés dans la province de Shenzhen. Ainsi, les grossistes des autres parties de la Chine ont commencé à qualifier leurs produits de “produits Shenzhen”. Peu à peu “produit Shenzhen” est devenu “produit Shanzhai”, lorsque l'expression est prononcée par des personnes parlant chinois mandarin avec un accent cantonais (dialecte de la Chine du Sud). Tiens, comme c'est bizarre. Depuis quelques années déjà, en Algérie, pour désigner un produit de bas de gamme ou un document falsifié, on utilise le terme “taïwanais”. Aujourd'hui, “la version Shanzhai” est chez nous… Et elle ne se cache pas au maquis ! R. L. [email protected]