Le neuvième Festival international de jazz de Constantine (Dimajazz), qui se déroule au palais de la culture Malek Haddad jusqu'au 23 juin, s'est ouvert, vendredi soir, par une soirée «chaleureusement» africaine. Constantine De notre envoyé spécial C'est un partage.» Vendredi soir, sur la scène de la salle Chandarli du palais de la culture Malek Haddad, à l'ouverture du neuvième Festival international de jazz de Constantine (Dimajazz), le Malien Cheick Tidiane Seck, a eu le mot juste pour qualifier «la fusion» entre sa musique et les percussions et le karkabou du groupe Aïssaoua Dar El Bahri de la Souika, vieux quartier de la ville des Ponts. Le public, assez nombreux, a vite adhéré au spectacle. Autant que le grand batteur ivoirien, Paco Sery, invité par Cheick Tidiane Seck, à l'accompagner dans le concert inaugural du Dimajazz 2011. «C'était un moment spontané, une grande communion. Les gnawa ont le même folklore que les bambaras, sauf que les accents sont plus orientaux. Donc, j'étais dans un terrain connu. Il y avait un grand plaisir à voir tous ces artistes monter sur scène, parmi eux des femmes. Un moment de vraie rencontre avec beaucoup d'énergie. La fusion était instantanée. Les artistes se sont sentis interpellés par un morceau qu'on a joué et qui est connu au Mali. Ils l'ont fait comme si c'était le leur», nous a confié Cheick Tidiane Seck à la fin du concert. Les «Dar El Bahri» ont créé la surprise en entrant dans la salle par la porte de derrière sans perturber les musiciens sur scène. Debout, le public applaudissait, sans doute ravi d'assister à une production artistique inédite. «Je suis partisan de tout ce qui est mixé et tout ce qui est échange culturel. C'était un moment magique de jouer avec les artistes algériens. C'est ce que je cherchais, cette spontanéité simple. Pendant toute la balance, je n'ai pas vu ces artistes. Le commissaire du Dimajazz m'a créé la surprise», nous a dit Paco Séry. A 55 ans, Paco Séry, l'un des percussionnistes du jazz et batteur les plus connus actuellement sur la scène mondiale, a côtoyé de grands musiciens, tels que l'Autrichien d'origine tzigane, Joe Zawinul, ou encore l'autre légende, l'Américain Jaco Pastorius. Resté fidèle à son groupe ,Sixun, avec qui il a produit une dizaine d'albums dont Live in Marciac en 2010, Paco Séry travaille actuellement pour la composition de son deuxième opus solo, après Voyages sorti en 2000. Pendant plus d'une heure, Cheick Tidiane Seck a livré avec générosité tout son art au chant, au clavier et à la direction d'orchestre, accompagné par le chanteur guinéen (Conakry), Kabiné Kouyaté, fils du célèbre artiste, Hadj Sory Kandia. Aussi, l'art mandingue était-il fort présent ce soir-là. Sory Kandia n'était-il pas l'un des meilleurs ambassadeurs de cette culture ouest-africaine ? Cheick Tidiane Seck, qui était également accompagné par Adama Diarra au djembé, Allioune Wade à la basse et Olivier Ajavon à la guitare, a interprété des chants en bambara, langue nationale malienne. Il a plaidé pour «la superpuissance africaine», un projet, «tout à fait possible» à ses yeux. Il a chanté pour la paix en Côte d'Ivoire, pays qui sort à peine de la tourmente. Il a reproduit les sons des balafons, les fameux instruments à percussion ouest-africains, et s'est excusé de ne pouvoir en ramener sur scène. Paco Séry s'est beaucoup amusé en jouant un morceau dédié aux enfants sur le sanza (ou kalimbé), un instrument idiophone constitué de lamelles de cuivre fixées sur une planchette en bois. Un instrument qui sert souvent à «lancer» des messages dans les villages africains, selon Paco Séry. Il est également utilisé pour apprendre aux enfants les rudiments de l'art musical. Cheick Tidiane Seck a fait découvrir au public la noix de cola, le fruit du colatier, celui des grandes occasions africaines. «Amère, cette noix est l'équivalent d'une dizaine de tasses de café. J'en ai pris des dizaines», a-t-il confié. Réputée pour ses caractéristiques stimulantes nerveuses, la noix du cola est produite par la Côte d'Ivoire et la Guinée-Conakry. Toute la démarche artistique de Cheick Tidiane Seck est faite avec ce souci de transmettre à la planète l'immense culture africaine sans céder aux règles blanches de la «World music». Sur les chemins du monde depuis plus de trente ans, l'artiste a travaillé avec des noms brillants de la musique , comme Salif Keita, Ornette Coleman, Hank Jones ou encore Joe Zawinul. En 2008, il a dirigé l'album Red Earth de Dee dee Bridgewater. Il a ensuite arrangé l'album de la star malienne Oumou Sangaré en y invitant Mady Tounkara et Toumani Diabaté. A l'ouverture du Dimajazz, Khalida Toumi, ministre de la Culture, a annoncé la construction prochaine d'une grande salle de spectacles à Constantine, une salle de 6000 places dont le projet est inscrit dans le plan 2010-2014. Elle a rendu hommage à Constantine, «la ville de Massinissa, de Malek Haddad, d'Ahlam Mostaghanemi, de Aziz Djemam et de Adel Merrouche», et salué les efforts de la jeune équipe du Dimajazz menée par Zoheir Bouzid. «Les efforts de ces jeunes doivent être soutenus par l'Etat. C'est son devoir», a-t-elle insisté. Le Dimajazz 2011 est marqué par l'organisation, pour la première fois, d'un festival «Off». Chaque après-midi, à partir de 18 h, des concerts sont programmés dans l'esplanade du Palais de la culture. Ils seront animés par les groupes Good Noise d'Alger, Mazal de Béjaïa, Oxygène de Skikda, KOG, Smoke, Tey et Illusion de Constantine, ainsi qu'Atma d'Oran. Parallèlement aux spectacles, des masterclasses seront assurés par des artistes de renom, tels Keziah Jones, Amar Sundy et Marco Codjia. Elles auront également lieu au palais de la culture Malek Haddad.