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«La demande est faite au Président et à son gouvernement» Tayeb Belloula. Avocat et ancien bâtonnier à propos du retrait du projet de statut de l'avocat
- Les avocats d'Alger, soutenus par les barreaux de Boumerdès et de Tizi Ouzou, réclament le retrait du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat. Que reprochez-vous à ce texte ? Avant de répondre à vos questions, je voudrais rappeler deux principes fondamentaux en la matière : tout d'abord, la Constitution garantit les droits de la défense et leur exercice. En second lieu, pour que la justice soit équitable, la présence d'un avocat est indispensable, car il représente le justiciable qui, comme vous le savez, est susceptible d'être déféré à la justice quelle que soit sa position au sein de la société.L'avocat est par conséquent la garantie d'un véritable débat judiciaire. Il est le gardien vigilant des droits de la défense, c'est pour cela qu'il doit être à l'abri de toute pression d'où qu'elle vienne au même titre que les juges.Pour revenir à votre question, le projet de statut de l'avocat, notamment dans certaines de ses dispositions, porte atteinte aux droits de la défense (par le retour indirect du délit d'audience qui a été abrogé sous l'empire du régime socialiste). Il en résulte qu'un texte abrogé ne doit pas être restauré. De quoi s'agit-il ? L'article 24, notamment, du projet de statut de l'avocat donne des pouvoirs sans limite au juge en cas d'incident, quel qu'il soit, commis par un avocat. A quoi s'ajoute que l'avocat n'est plus autorisé à plaider devant le juge qui a présidé l'audience où s'est produit l'incident. Or, dans l'actuelle législation, cette mesure est du seul ressort du bâtonnier, ou éventuellement de la commission nationale de recours qui siège à la Cour suprême, composée de quatre anciens bâtonniers et de trois magistrats. Par ailleurs, l'incident d'audience n'est pas défini, ce qui peut entraîner des abus quant à son interprétation. Les avocats peuvent se demander pourquoi les auteurs du projet de texte cherchent-ils à rogner les droits de la défense. Cette vision des auteurs de ce projet peut atténuer sérieusement la crédibilité des réformes préconisées par le président de la République. Moi je pense, que ce projet de statut de l'avocat mérite d'être amélioré à la faveur des réformes préconisées.
- Y a-t-il un consensus autour du rejet de ce projet ? Je crois que quels que soient les avis partagés sur le contenu de ce projet de statut, aucun avocat n'accepterait d'être suspendu pour tout incident qui se règle habituellement à l'amiable. D'ailleurs, la plupart des incidents qui ont eu lieu sous l'empire de l'ancien texte, ont été réglés de la sorte au grand bénéfice de la justice.
- Au moment où le président de la République engage des consultations sur des réformes politiques, un projet contesté dès son annonce, par la corporation est remis sur le tapis. Pourquoi, à votre avis, en ce moment ? Est-ce fait sciemment et dans quelle optique ? Je ne suis pas certain que ce projet de statut ait été déclenché quelque part par une volonté politique pour utiliser des avocats pour des raisons politiques ou politiciennes. Les obstacles qui sont dressés très souvent aux avocats dans l'exercice de leur profession ne sont pas le résultat d'une politique puisque celle-ci est censée être en faveur des libertés individuelles et publiques dont les droits de la défense.
- L'APN n'a jamais rejeté un projet émanant du gouvernement. Pensez-vous qu'aujourd'hui les avocats peuvent renverser cette donne ? La demande de retrait n'est pas faite à l'APN mais au président de la République et à son gouvernement. En effet, le gouvernement peut retirer ou geler son projet de loi. Pour ma part, je souhaite vivement que toutes les dispositions susceptibles de porter atteinte aux droits de la défense soient solennellement retirées pour que «le délit d'audience» ne soit pas ressuscité par le projet de statut de l'avocat, en précisant que par le passé le délit d'audience a été abrogé avant même que certaines démocraties occidentales le fassent..