Cette vague de protestation des avocats, qui réclament le retrait du projet de statut présenté par le ministre de la justice, risque de prendre de l'ampleur dans les prochains jours pour s'étendre à l'ensemble du territoire national. Ils n'acceptent aucune discussion avec la tutelle parce qu'ils estiment que le temps joue en leur défaveur. Les robes noires réclament le retrait immédiat du projet de loi portant organisation de la profession d'avocat présenté la semaine dernière par le ministre de la justice devant la commission des affaires juridiques et administratives de l'Assemblée nationale. Dans cet objectif, ils ont arrêté une batterie de mesures de protestation, lors de la réunion extraordinaire convoquée par le bâtonnat d'Alger et qui a eu lieu, hier, à la salle de conférences de l'université de Bouzaréah. Cette contestation sera entamée par une journée de grève qu'observeront mercredi prochain tous les avocats relevant du barreau d'Alger. Si cette démarche ne reçoit pas l'écho escompté, une marche, dont l'itinéraire n'a pas encore été formellement fixé, est envisagée. En effet, certains penchent pour une marche du ministère de la justice vers l'APN et d'autres du siège de la tutelle vers la présidence ou le ministère de la défense. Dans tous les cas, cette vague de protestation risque de prendre de l'ampleur dans les prochain jours pour s'étendre à l'ensemble du territoire national. On apprend de maître Sellini, président du conseil de l'Ordre du barreau d'Alger, que cinq barreaux ont donné déjà leur accord par fax pour la tenue d'une assemblée extraordinaire de l'Union nationale des barreaux d'Algérie. Le barreau d'Alger compte, également, saisir par écrit le chef de l'Etat sur ce problème. “Au moment où le président de la république veut revoir la constitution et toutes les lois du pays pour consacrer l'Etat de droit, nous constatons que le projet de loi relatif à la profession d'avocat est une totale régression”, martèle maître Sellini. Il ne faut pas oublier, n'ont cessé de rappeler les différents intervenants, que toucher au droit de la défense est aussi une atteinte aux droits des justiciables. Selon Me Bouchachi, président de la ligue des droits de l'homme, “c'est l'un des rares espace d'indépendance qui est en train d'être mis sous contrôle. Nous avons une obligation morale de prendre toutes les mesures pour protéger les droits de la défense en mettant de côté tous nos différends. Il n'est, peut-être, pas trop tard de la faire”. Les avocats estiment que le projet de loi en question remet en cause le principe de la libre plaidoirie et représente une ingérence dans le pouvoir disciplinaire du bâtonnier. Ce texte donne, en effet, au ministre de la justice le pouvoir d'introduire des recours sur presque toutes les délibérations des conseils de l'Ordre, des assemblées générales des conseils de l'Ordre et des délibérations de l'Union nationale des barreaux d'Algérie. Toutes ces instances seront soumises à la censure du premier responsable de la tutelle. C'est une sorte d'épée de Damoclès sur la liberté d'action de l'avocat, soutiennent les membres de cette corporation. “La discipline, c'est l'un des membres du corps qui doit veiller à son respect et non pas quelqu'un de l'extérieur, sinon on devient fragile”, pense maître Sellini. D'autres dispositions de ce texte de loi, notamment celles qui conditionnent la possibilité pour un avocat de plaider devant une cour après onze ans d'exercice sont considérées comme une atteinte à l'égalité des chances et à une grave entrave à l'acquisition de l'expérience.