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Béni Boussaïd veut croire à la vie
Tlemcen Sous le mont Asfour, l'espérance...
Publié dans El Watan le 26 - 12 - 2005

Blottie au pied du mont Asfour et surplombant le territoire chérifien, la commune de Béni Boussaïd, à 25 km de Maghnia (75 km de Tlemcen), se meut au gré des paradoxes qui illustrent la vie quotidienne des citoyens. 329 000 km2 de superficie, 40 km de frontières avec le pays voisin, 12 000 âmes...
Autant d'atouts pour une commune qui pourtant ne réussit toujours pas à s'extirper de sa réputation peu flatteuse : c'est que Béni Boussaïd, composée de plusieurs tribus berbères, en raison de son souk de Zouïa et de sa proximité avec le Maroc, rime inéluctablement avec la contre bande. Simple raccourci pour les esprits rétrogrades. Région montagneuse, la nature ne l'a pas dotée de ressources qui lui auraient permis de se prendre en charge. Et pourtant... En foulant le territoire de la commune, on est accueilli par une route serpentée qui monte jusqu'à atteindre le firmament, puis redescend brusquement. Des maisons de campagne suspendues à des collines, comme des grappes de raisin ramollies. Ouled Moussa, Sidi Mebarek, Abouyène, Mohamed Salah, Hidess, Roubane, Iraghrib. Les bourgades à consonance amazighe se suivent et... se ressemblent. Vivant des produits de la terre et de l'élevage, humbles et dignes, les villageois ne se plaignent pas toujours de leurs conditions de vie. « Quoique nous soyons des ruraux, nous pouvons prétendre qu'on n'est pas loin de la vie citadine, si l'on se réfère aux commodités dont on dispose dans notre vie de tous les jours », affirme, sûr de lui, Mouffok, un sexagénaire, tenant une boutique d'alimentation générale. Il est vrai que malgré sa configuration géographique, Béni Boussaïd, lorsque l'on parle de développement local, n'est pas restée à la traîne des autres communes limitrophes. Le secret, nous dit-on, c'est la stabilité de la composante élue. Ici, le maire a fait quatre mandats, « même pendant les élections où le FIS l'avait emporté haut la main dans toute la wilaya, chez nous il y avait laissé des plumes et c'etait M. Sabek qui avait gagné », se rappelle fièrement H'mida, un jeune du village. Une pluie fine asperge les demeures démesurées de Zouïa. Des véhicules de type Mercedes filent dare-dare plus à l'Ouest, soulevant une poussière humide. Interrogeant un groupuscule de jeunes adossés à un mur fissuré sur la destination de ce convoi suspect, ils nous rétorquent avec un sourire narquois : « Tu sais bien que les Algériens aiment voyager d'ailleurs même le président de la République l'a dit aux télévisions étrangères. » Sauf que dans les parages, on n'a pas besoin de visa ni de passeport pour visiter l'étranger. Pourtant, Béni Boussaïd peut s'enorgueillir de son barrage de Tizi et de ses 18 forages qui alimentent tout le couloir Ouest, de Maghnia à Ghazaouet, en passant par Nedroma. L'énergie électrique est omniprésente même dans les bourgs les plus isolés « tous les villages ont bénéficié de l'électrification rurale, sans exception », révèle le président de l'APC, fils de chahid qui a été le premier à prendre les armes contre les hordes criminelles qui ont longtemps sévi dans cette partie sensible de l'Algérie. Dans cette commune, comme l'affirment modestement les autochtones, les projets réalisés jusqu'ici ont concerné toutes les agglomérations sans discrimination. A ce titre, on a appris que 252 habitats ruraux ont été réalisés sans qu'il n' y ait aucun recours, « c'est dire que la commission d'attribution a effectué un travail d'investigation avant la distribution. En plus, le maire connaît tout le monde ici ». Jouissant d'une grande estime, M. Sabek énumère avec bonheur tous les projets dont a bénéficié sa commune, comme le réseau d'assainissement, l'eau potable, les routes, l'électrification rurale et agricole, l'antenne de la CNAS, un nouveau CEM, un nouveau lycée, les postes de travail dans le cadre du préemploi et du filet social, des nouveaux sièges pour l'APC et la daïra... Cependant, tient-il à dire : « Nous avons besoin d'un véritable centre de santé et d'une maternité, parce que dans ce domaine nous dépendons toujours de Maghnia, avec tous les problèmes que nous vivons en cas d'urgence. » Puis, regardant le prestigieux mont Asfour, il nous apprend : « Savez-vous qu'en 1947, l'administration coloniale avait retenu 3 ha pour édifier un sanatorium qui prendrait en charge les malades des poumons de toute la wilaya ? Je souhaite seulement que nos responsables reprennent cette idée. » En longeant la rue principale de Zouïa, nous avons été apostrophés par des citoyens attablés sur la terrasse d'un café Bienvenus au haï Bouhmidi, un quartier construit illicitement, mais qui a été régularisé avec son AEP, son bitumage, son eau potable et son électricité, « nous ne faisons pas de la chita, mais tout cela est à mettre sur l'œuvre de notre maire. » Un peu plus loin, à Ouled Moussa, nous avons été interpellés par un groupe d'hommes aux mains rugueuses pour nous exposer un problème de terrain. Le président d'APC, sans ambiguïté, nous renvoie au Plan directeur de l'aménagement urbain (PDAU). « Je respecte les terrains de l'Etat et nous avons demandé aux autorités compétentes l'extension de ce plan pour qu'on puisse bénéficier davantage de terrains pour les logements sociaux. » Tentant de nous engouffrer davantage dans cette commune frontalière, nous avons été attirés par une grande superficie stratégique, mais laissée à l'abandon. C'est la zone qui n'a d'activité que le nom, « depuis 1990, cette zone est dans l'inactivité. Nous ne sommes pas contre la réalisation de ce projet, mais si on persiste à la laisser en l'état, nous demanderons aux responsables concernés de nous la restituer pour l'ériger en lotissements et en faire bénéficier les citoyens », souligne quasiment avec dépit, le premier responsable de la commune. Des enfants se tenant par la main, alourdis par des cartables, s'écartent à notre vue par respect. L'air timide, ils ânonnent un « bonjour ». Profitant de ce début de communication, nous leur avons demandé si leurs classes étaient chauffées, oui répliquent-ils avec un demi-sourire. Ici, le transport scolaire de ces bambins ne se pose pas, et même si les villages sont dispersés, les écoles ne sont jamais loin. Pour le CEM, les élèves qui vont à Zouïa disposent eux aussi du transport. Le temps s'alourdit. Le champ hertzien national disparaît à certains endroits pour être remplacé par le réseau marocain. « Tu sais, avant l'essor de la téléphonie mobile en Algérie, dans la région tout le monde ou presque avait une puce marocaine et comme vous le constatez, l'invasion du champ hertzien est toujours une vérité tant que les responsables algériens n'ont pas installé des relais puissants », nous apprennent des jeunes. Poussant plus loin, nous prenons la route de Roubane, à quelques mètres du territoire marocain le paysage est splendide. Les collines nous accompagnent dans un silence méditatif. En cours de route, nous sommes stoppés par un barrage de Garde-Frontières. Après la fouille du véhicule et le contrôle des papiers d'identité, nous continuons notre chemin en toute quiétude. Des laboureurs qui étaient affairés aux travaux de leurs terres nous saluent. Puis subitement, nous nous retrouvons presque nez à nez avec des citoyens du pays voisin. Un sentier caillouteux pour seules barrières. Et à voir les différences qui séparent les conditions de vie des deux peuples frontaliers, l'on se rend compte que nos concitoyens sont loin de se plaindre. Les poteaux électriques sont raccordés jusqu'à des masures isolées, tandis que de l'autre côté il n' y a pas l'ombre d'un fil électrique. Simple exemple. De retour, à la sortie de Zouïa, des jeunes en survêtement se dirigent vers le complexe sportif : « Venez écrire sur nous, nous avons aussi des sportifs ici. » Un stade digne de ce nom sera bientôt construit, en plus des infrastructures déjà existantes. 16h30. Le ciel s'éclaircit. Zouïa se meut dans ses paradoxes. Djebel Asfour semble nous reluquer. Comme s'il tenait à nous raccompagner jusqu'à la fin de notre périple. C'est vrai que ce jour, on ne pouvait relever la tête tout le long du reportage : Asfour se dresse sûrement sur des secrets. On les explorera un jour peut-être...

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