En ma qualité d'ancien cadre supérieur de l'administration des Douanes, je suis très souvent consulté par des usagers sur des dossiers concernant les activités douanières en Algérie. Jusque-là, ma réaction a été d'éviter de me prononcer sur les cas qui me sont soumis en raison de mon statut d'ancien cadre supérieur de l'administration des Douanes à la retraite et de ma volonté de ne pas m'immiscer dans les actions de mon administration. Aujourd'hui, je suis expert douanier au niveau international et j'effectue des actions de renforcement des administrations douanières ainsi que la mise en place de bonnes pratiques au sein de ces administrations sur le plan international. Ceci m'amène à être interpellé par ce qui se passe dans mon pays, lorsque ces bonnes pratiques sont complètement mises de côté au détriment des droits des citoyens et à la faveur d'un manque de professionnalisme de certains douaniers.Je tiens à intervenir dans la conjoncture actuelle en raison des atteintes graves qui sont faites au droit des citoyens, et surtout que les auteurs de ces atteintes visent, en fait, à s'attribuer en même temps des gratifications illégales de la part des usagers du service, d'une part, ainsi que des récompenses de l'administration en raison de la découverte d'infractions douanières, d'autre part. La technique pratiquée est donc d'utiliser la répression douanière d'une manière subjective pour forcer les propriétaires de marchandises retenues au titre de la procédure contentieuse à accepter, de fait, la décision prise par l'agent des Douanes et se distinguer, ainsi, au niveau de son administration par le fait d'avoir réprimé la fraude constatée. Cette situation n'est possible que lorsque l'administration centrale ne joue pas le rôle qui lui incombe, à savoir l'animation et le contrôle des services se trouvant sur le terrain afin de rectifier les errements commis par les agents subalternes en vue de recouvrer les sommes réellement dues par le Trésor et d'éviter les autres atteintes aux droits des citoyens. Le défaut de prise en charge des services extérieurs entraîne chez les agents des Douanes un sentiment d'impunité et leur permet donc de se comporter de manière à contenter symboliquement les intérêts du Trésor tout en tirant profit au maximum de cette absence de contrôle.De tels agissements installent nécessairement un manque de professionnalisme au sein du corps qui laissent même les nouvelles recrues penser qu'ils sont capables de rechercher les fraudes, alors qu'en réalité, ils n'ont pas conscience des droits des usagers de l'administration. Pour preuve de cette incompétence, j'ai constaté que depuis une dizaine d'années, le nombre des saisies sur inconnu a gagné en nombre (notamment concernant les infractions douanières les plus importantes), alors que de nos jours, toutes les administrations douanières du monde essaient d'appliquer le principe de la livraison surveillée, c'est-à-dire le démantèlement de tout le réseau frauduleux. Les saisies sur inconnu sont réalisées sans découverte des auteurs des infractions et qui terminent par la confiscation des marchandises sans aucune amende douanière. Cependant, l'objectif du présent article et de mes préoccupations actuelles n'est pas orienté vers la défense du Trésor ou des intérêts de l'administration douanière, bien qu'elle me soit très chère (c'est toute ma carrière professionnelle) parce qu'il y a des cadres rémunérés et chargés de cette mission. Mon but est de présenter des principes juridiques aux citoyens pour leur permettre de faire face aux injustices dont ils peuvent faire l'objet à l'occasion du dédouanement de leurs biens. 1er principe : Toute marchandise déclarée sous sa dénomination exacte ne peut être saisie ou confisquée Le principe en droit douanier est : toute marchandise déclarée correctement et sous sa véritable dénomination ne peut faire l'objet de saisie en vue d'une confiscation. Par dénomination, il faut entendre l'appellation commerciale ou la nature réelle de la marchandise dans le libellé de la déclaration douanière réservé au type et à la nature de la marchandise. En plus, la position tarifaire lorsqu'elle est correcte peut être valablement considérée comme faisant ressortir la dénomination exacte, puisque le libellé de position tarifaire est suffisamment clair et étayé au niveau des agents des douanes par des notes explicatives. Ce principe est valable aussi bien pour les voyageurs que pour les opérations commerciales assorties d'une déclaration douanière. 2e principe : pas de saisie de marchandises en plus de pénalités s'il n'y a pas de délit douanier La saisie de marchandises en vue de leur confiscation avec en plus des pénalités ne peut être retenue que dans le cas où il y a une interdiction, restriction ou formalités particulières prévues légalement concernant l'importation de marchandises. Pour s'assurer de ce principe, il faut se demander si l'importation du même type de marchandises est libre ou non, quand bien même il existerait des différences dans les droits et taxes selon le pays de provenance.Si la réponse à la question que vous vous êtes posée est affirmative et qu'il n'existe pas d'objection légale pour l'importation du même type de marchandises, alors vous ne tombez pas sous le coup du délit douanier et donc, il ne peut jamais y avoir une saisie avec des pénalités si on vous reproche une infraction douanière. 3e principe : dans le cas d'une saisie de votre marchandise, ne négligez pas les formalités accomplies par les agents saisissants Dans le cas où un agent des douanes vous annonce la saisie de votre marchandise à la suite du contrôle de la déclaration douanière introduite par votre commissionnaire, ce dernier, que vous avez mandaté, doit s'assurer que l'agent des douanes a bien consigné sur son certificat de visite tous les résultats de son contrôle concernant la détermination des droits et taxes. A ce titre, le nombre et le poids de toutes les marchandises retenues doivent être reportés et, donc, vous préserve de tout vol ou déficit constaté sur les marchandises retenues. La constitution du receveur des Douanes, comme gardien dépositaire des marchandises saisies, vous prémunit également dans le cas de vol ou de détérioration des marchandises. 4e principe : ne complétez jamais une marchandise saisie Une marchandise ayant fait l'objet d'une saisie par l'administration des Douanes, même si elle vous appartient, demeure sous la responsabilité des services des Douanes. Par conséquent, dans le cas d'un manque partiel de cette marchandise, ne le complétez jamais sous prétexte d'éviter encore des pénalités. Un complément de cette marchandise équivaut à une substitution de marchandises sous douane, ce qui est encore une autre infraction douanière à laquelle vous soumet le fonctionnaire qui vous le propose. 5e principe : Une saisie de marchandises litigieuses ne peut donner lieu à la rétention de toute votre marchandise Dans le cas où un agent des Douanes prononce la saisie de votre marchandise litigieuse, c'est-à-dire celle sur laquelle l'anomalie a été constatée, il ne peut y avoir de rétention des marchandises non litigieuses, sauf si les pénalités sont importantes et qu'il vous invite à garantir les pénalités découlant de l'infraction donnant lieu à la saisie. La rétention de l'ensemble de votre marchandise est, en fait, un moyen de pression pour vous amener à reconnaître le bien-fondé de l'infraction qu'il a constatée lui-même. 6e principe : pas de saisie ou de rétention abusive sans indemnisation Si votre marchandise a été saisie ou retenue illégalement, vous avez droit légalement à une indemnisation calculée en fonction de la valeur de votre marchandise et de la durée de cette saisie illégale. Même si l'agent vous demande de vous engager par écrit devant lui de ne pas réclamer cette indemnisation, vous êtes en droit d'exercer ce recours en indemnisation après avoir obtenu la libération de votre marchandise comme il est d'usage pour tout recours prévu par la loi. 7e principe : ne jamais souscrire une transaction avec la douane en cas de contestation du bien-fondé de l'infraction La transaction avec l'administration des Douanes est un contrat civil visant à terminer un litige tout en acceptant son règlement dans les conditions arrêtées par les deux parties en commun. L'objet du litige étant l'infraction douanière, il est logique que toute contestation du bien-fondé de l'infraction entraîne, de facto, une contestation de l'objet du contrat.
Salah El Hadi. Ancien directeur central des Douanes. Consultant international en douanes : [email protected]