La communauté internationale peine à rassembler les fonds nécessaires pour combattre les effets dévastateurs de la grave sécheresse qui frappe les pays de la Corne de l'Afrique. L'ONU a dû d'ailleurs appeler, hier, à une aide supplémentaire de 1,4 milliard de dollars pour faire face au nombre sans cesse croissant de personnes victimes de la crise alimentaire qui touche particulièrement la Somalie. «Sans ces contributions supplémentaires, l'impact de la famine pourrait s'étendre sur tout le sud de la Somalie et au-delà des frontières des pays voisins d'ici un ou deux mois», a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). La situation «se détériore rapidement», a déploré l'OCHA. Le nouveau montant demandé porte à 2,4 milliards de dollars les besoins liés à la pire sécheresse dans cette région d'Afrique depuis 60 ans. Les agences de l'ONU et leurs partenaires n'ont reçu jusqu'ici qu'un petit milliard de dollars des donateurs. Cette somme représente peu de chose face à l'ampleur de la catastrophe humanitaire. Certains pays, membres du G20, n'ont finalement pas tenu – ainsi que le craignaient beaucoup d'ONG – leur promesse de débloquer des fonds au profil des pays de la région les plus touchés par la crise. La sécheresse a déjà fait des dizaines de milliers de morts. L'ONU a décrété formellement l'état de famine dans deux régions du sud somalien contrôlées par les insurgés shebab. Sur le terrain des opérations, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé avoir pu enfin effectuer le deuxième vol de son pont aérien sur la capitale, Mogadiscio, acheminant ainsi 28 tonnes d'aide vers la capitale somalienne depuis mercredi. Un avion avec à son bord cinq tonnes de biscuits énergétiques a aussi atterri à Gedo, dans le sud du pays. Au total, l'agence onusienne compte en un mois acheminer par avion 100 tonnes d'aide alimentaire vers la Somalie, de quoi alimenter 35 000 enfants. L'instabilité qui caractérise la région freine cependant l'acheminement de ces aides. Les rebelles shebab ont ainsi interdit l'accès aux zones qu'ils contrôlent (la plupart du Sud et du Centre somaliens) à nombre d'organisations humanitaires. La raison ? Les islamistes les accusent d'être au service des puissances occidentales. Les rares ONG encore présentes sur place font face à une double contrainte : de très strictes conditions de travail imposées par les shebab et un tarissement des sources de financement. Certains pays donateurs, comme les Etats-Unis, craignent en effet que l'argent ne soit détourné au profit d'insurgés qualifiés de «terroristes». C'est ainsi que jeudi, par exemple, de violents combats qui ont eu lieu dans Mogadiscio entre la force africaine (Amisom) et les insurgés shebab avaient fait craindre un moment l'interruption de son opération aérienne. Le Fonds pour la protection de l'enfance de l'ONU (Unicef) estime à 1,25 million le nombre d'enfants sud-somaliens en besoin vital d'interventions urgentes. Trop d'enfants «sont déjà morts et, à moins que nous n'agissions maintenant, de nombreux autres sont en très grave danger», a averti Rozanne Chorlton, représentante de l'Unicef pour la Somalie, sans cependant donner de chiffres. «Les familles ne devraient pas avoir à quitter leurs maisons, les mères et les enfants ne devraient pas avoir à subir des jours de marche périlleuse pour chercher de la nourriture et de l'eau et connaître l'incertitude de la vie dans les camps» de réfugiés, a-t-elle poursuivi. Au total, dans la Corne de l'Afrique, l'ONU estime à quelque 12,4 millions le nombre de personnes frappées par une sécheresse dévastatrice. Outre la Somalie, le Kenya, l'Ethiopie et Djibouti sont également touchés par la crise. Pour sa part, l'Erythrée voisine assure ne pas l'être ; la communauté internationale s'inquiète cependant de l'absence d'information sur la situation dans ce pays ultrafermé. A préciser que parallèlement aux efforts déployés par l'ONU, les responsables de 16 organisations humanitaires issues de 8 pays membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) se sont réunis, jeudi à Istanbul, pour mettre en place un réseau de solidarité avec la population somalienne. A l'ouverture de la rencontre, le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a lancé un appel à «toute la communauté des croyants (...) à contribuer généreusement à la campagne humanitaire que mène l'OCI, spécialement en ce mois de Ramadhan, un mois de générosité et de don». Il a également appelé à «la création d'une large coalition sous la bannière de l'OCI pour répondre à la situation d'urgence en Somalie et dans la Corne de l'Afrique en général».