La Somalie, le Kenya et l'Ethiopie sont frappés par une sécheresse sans précédent amorcée depuis avril. Une partie de l'Ouganda et de Djibouti est aussi touchée. Au moins 12 millions de personnes sont aujourd'hui menacées de famine dont près de 3,7 millions en Somalie. L'Afrique de l'Est subit sa pire sécheresse depuis 60 ans dont l'impact ne cesse de s'intensifier, a prévenu le Programme Alimentaire mondial (PAM), organisation onusienne.Deux mauvaises saisons des pluies consécutives et l'explosion des prix des céréales (sorgho, maïs…) sont les principales causes de la situation. Le sorgho coûtant jusqu'à 240 % de plus qu'il y a un an en Somalie, selon la FAO. Les variations climatiques, la spéculation et la production d'agrocarburants sont entre autres pointées du doigt sur la volatilité des prix des denrées qui était au menu du G20 fin juin à Paris. Autre impact de la sécheresse : la mortalité du bétail. Dans certaines régions, 60 % à 90 % du bétail est déjà mort, selon l'ONG humanitaire Oxfam France. La situation est particulièrement critique en Somalie, poussant les habitants à fuir les régions rurales. D'autant que la sécheresse vient s'ajouter à la guerre civile qui dure depuis 20 ans dans le pays. Plus de un milliard de dollars nécessaires, selon l'ONU Les alertes lancées depuis plusieurs mois par les ONG et les agences onusiennes sur l'ampleur de la crise humanitaire, ont fait place ces derniers jours à l'urgence politique. Oxfam estime que cette crise aurait déjà tué des dizaines de milliers de personnes. Le 20 juillet, l'ONU a décrété deux régions du sud de la Somalie (le sud de Bakool et Lower Shabelle) en état de famine. Près de 350.000 personnes sont touchées dans ces deux provinces. Les Nations Unies réclament 1,2 milliard de dollars pour répondre à l'urgence. Mais la réunion de crise au siège de la FAO à Rome tenue lundi 25 juillet n'a pas permis de récolter les fonds demandés.Les pays donateurs se sont donné rendez-vous ce mercredi 27 juillet à Nairobi, la capitale kenyane, pour fixer le montant des soutiens financiers. Les différents pays n'ont promis que 200 millions de dollars, ce qui laisse encore 900 millions à fournir, rappelle Luc Lamprière d'Oxfam France alors qu'un plan de 158 milliards d'euros a été adopté la semaine dernière pour aider l'économie grecque… Or, il manquerait respectivement 332 et 296 millions pour répondre aux appels aux dons de l'ONU pour le Kenya et pour la Somalie, et 398 millions pour l'appel lancé par le gouvernement éthiopien. La réponse globale des donateurs mondiaux à cette crise humanitaire a été trop lente et inadaptée, déplore Oxfam France. La menace du changement climatique L'inaction politique contribue à la crise tout autant que la nature, estime l'ONG. Pour Jean Cyril Dagorn d'Oxfam France, l'investissement pour l'adaptation au changement climatique et l'augmentation de la résilience sont loin d'être des priorités de l'aide publique au développement». Une position que partage Kanayo Nwanze, le président du Fonds international de développement agricole (FIDA). «Il y a eu un manque d'investissement à long terme qui rend les pays africains vulnérables au changement climatique. Il ne suffit pas d'attendre la crise à son tour pour agir. Les pluies vont tomber à nouveau, mais les gouvernements n'ont pas investi dans la capacité des populations à résister à la sécheresse», a-t-il reconnu ce 27 juillet dans The Guardian. Or, selon un rapport d'Oxfam publié fin mai 2011, «les incidents climatiques et les récentes périodes de sécheresse dans le monde laissent augurer d'une baisse de la production céréalière et donc d'une nouvelle hausse des prix agricoles. Le réchauffement amenuise les ressources naturelles disponibles. La multiplication des sécheresses et des inondations crée un sentiment d'incertitude qui entretient la volatilité des prix sur les marchés», explique M. Dagorn. Le prix de certaines denrées alimentaires comme le maïs pourrait plus que doubler d'ici 2030, prévient l'ONG sans un changement du système alimentaire mondial. Si nous ne changeons pas notre manière de cultiver, de consommer et de partager notre alimentation, des millions de personnes supplémentaires souffriront de la faim, estime Jean-Cyril Dagorn. L'ONG appelle les gouvernements à investir dans l'agriculture paysanne et familiale, en valorisant les ressources naturelles. Mais pour l'heure, rien de concret n'a encore été proposé par le G20, ou même la France, en termes de soutien direct à la petite agriculture et aux éleveurs pour augmenter la production alimentaire locale, déplore l'ONG.«Les prochaines pluies ne sont pas attendues avant octobre, sans certitude. Il est certain que la situation va empirer d'ici là. La communauté internationale doit agir. Les citoyens du monde entier peuvent participer à l'effort d'aide humanitaire», plaide Oxfam. «La crise alimentaire actuelle dans la Corne de l'Afrique risque de se transformer en catastrophe majeure faute d'action immédiate», a de son côté averti Josette Sheeran, Directrice exécutive du PAM. L'agence onusienne vient seulement ce mercredi 27 juillet de débuter son pont aérien pour aider les victimes de la sécheresse en Somalie. R. B. In Actu-Environnement.com L'agro-écologie, une réponse à la sécheresse Un rapport de l'ONU publié en mars dernier appelait les Etats à investir dans les techniques liées à l'agro-écologie qui excluent les intrants. Développer l'agro-écologie peut permettre d'améliorer les rendements tout en étant plus adaptée au changement climatique et permettrait de doubler la production alimentaire mondiale en 10 ans, selon le Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter. Les méthodes de culture agro-écologique seraient «mieux à même» de supporter des épisodes de sécheresse et d'inondations. Les expériences d'agroforesterie déjà réalisées sur des exploitations en Ethiopie, en Inde et aux Pays-Bas «ont démontré que les propriétés physiques des sols cultivés biologiquement amélioraient la résistance des cultures à la sécheresse», selon le rapport.