« Alger, c'est un tiers de la fiscalité algérienne », selon le directeur de général des impôts, M. Bouderbala. Ainsi, la situation de la fiscalité en Algérie se présente sous une structure typique d'un pays en voie de développement. Plus un pays est développé, plus ses impôts proviennent de la richesse créée, soit des revenus et bénéfices.Moins il est développé, plus ses impôts proviennent de la consommation et de la dépense à travers l'impôt indirect. Abordant en ces termes l'état du système fiscal algérien, le directeur des études au niveau de la Direction générale des impôts (DGI), Mohamed Drif, soulignera en ce sens qu'en Algérie, « l'essentiel des recouvrements fiscaux proviennent en fait de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui est un impôt indirect ». Les recouvrements opérés au titre de l'exercice 2004, nous révélera-t-il, « font ressortir une part de 49 milliards de dinars provenant de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS, 21,2 milliards de dinars tirés de l'impôt sur le revenu global (IRG) des non-salariés et 74,8 milliards de dinars à partir de l'IRG sur les salaires ». « L'importance des recettes tirées de l'IRG sur les salaires, explique-t-il, se justifie par la fait qu'en Algérie, il y a beaucoup de revenus salariaux. C'est une situation qui reflète l'état d'un pays du tiers monde où il n'y a pas beaucoup de grandes entreprises générant d'importantes richesses ». Du reste, a-t-il indiqué, « 70% des recettes sont réalisées par 0,3% de la population fiscale ». Quant à l'impôt sur la fortune, notre interlocuteur précisera qu'en Algérie, « il y un impôt sur le patrimoine immobilier et non sur la fortune ». Citant, à cet égard, l'exemple de la France où l'impôt sur la fortune ne représente que 3,3% du Produit intérieur brut (PIB), il affirmera en définitive que l'enjeu premier en matière d'impôt n'est pas de faire payer certains plus que d'autres, mais de répartir la charge sur un grand nombre de contribuables. La finalité étant, selon lui, de parvenir à contrer les effets de la fraude et de l'incivisme fiscal. Fraude Phénomène très répandu, la fraude fiscale engendre, en effet, un important manque à gagner pour le budget de l'Etat. Non facturation, système de prête-noms, cadrage de bilan (comptabilité faussée), facturation fictive, minoration de déclarations et autres manœuvres courantes constituent autant de pratiques frauduleuses bien connues de l'administration des impôts. Ces pratiques tiennent ainsi lieu de subterfuges dont usent en général les fraudeurs pour échapper au fisc. Rendant peu aisées les opérations de recouvrement et de collecte de l'impôt, ces manœuvres illégales génèrent ainsi un phénomène de fraude fiscale répandu, pour ainsi dire, à grande échelle. Aggravé par le pullulement des activités informelles, ce phénomène préjudiciable vaut à l'Etat un passif fiscal de 600 milliards de dinars, si l'on s'en tient à l'évaluation officielle. Sur ce passif global, équivalent aux recettes fiscales ordinaires d'un exercice entier, d'importantes dettes devront sans nul doute être classées définitivement au registre des ardoises irrécouvrables. Pour pallier les insuffisances de l'administration des impôts quant à lutter efficacement contre la généralisation de l'incivisme fiscal, les pouvoirs publics semblent miser essentiellement sur une démarche de réorganisation du système fiscal dont l'aboutissement est escompté pour 2009. « La modernisation et la réorganisation du système fiscal pourront être un instrument efficace de lutte contre la fraude », nous explique ainsi M. Drif. Outre l'installation de la Direction des grandes entreprises (DGE), opérationnelle dès ce mois de janvier, le processus de modernisation de l'administration des impôts intègre la mise en place d'un système de télé-procédures, la création de structures spécifiques pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les profession libérales, ainsi que l'installation de centres de proximité auxquels seront rattachés les contribuables du régime forfaitaire. Réorganisation Faisant office de guichet unique pour les gros contribuables, la Direction des grandes entreprises (DGE) constitue une première étape de la réforme du système fiscal algérien. Chargée de gérer la fiscalité des entreprises les plus importantes en Algérie, la DGE intégrera ainsi l'ensemble des sociétés dont le chiffre d'affaires est égal ou supérieur à 100 millions de dinars, les entreprises étrangères ainsi que celles du secteur pétrolier. « L'objectif de la mise en place de la DGE, nous explique M. Drif, est de parvenir à rompre définitivement avec le système actuel qui fait que de gros contribuables et de petits commerçants sont traités par une même inspection ». Couvrant, dans une première étape, les entreprises implantées dans les wilayas d'Alger, de Blida, de Tipaza, de Boumerdès, de Tizi Ouzou et d'Ouargla, la DGE devra parvenir à compléter sa panoplie de « grosses boîtes » à l'horizon 2007. A échéance, quelque 2000 à 2500 entreprises au total seront rattachées à cette nouvelle structure, selon M. Drif. S'agissant des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 millions de dinars, des PME et des professions libérales, elles intégreront, pour leur part, les 70 futures centres des impôts (CDI), dont la mise en place devra s'achever en 2009. A souligner que l'entrée en activité du tout premier CDI (CDI pilote) est prévue pour octobre 2006. Enfin, pour la catégorie des forfaitaires, il est envisagé la mise en place de 250 centres de proximité (CPI) à échéance de 2009. Le tout premier CPI devra être opérationnel en mars 2007. Téléprocédures Le passage à un système de téléprocédures est placé au cœur de la démarche de modernisation que l'administration fiscale aspire à concrétiser. A s'en tenir aux propos du directeur des études à la DGI, la mise en place de ce système devra commencer à prendre forme à compter de 2008. Une fois opérationnel, il offrira aux contribuables, a-t-il expliqué, la capacité de télédéclarer leurs impôts en remplissant leurs déclarations en ligne, mais aussi la possibilité de télépayer. Selon lui, il s'agit d'un système similaire à celui conçu en vue de l'utilisation des moyens de paiement modernes dans le secteur bancaire. « Ce faisant, a-t-il soutenu, le problème d'ancrage juridique ne se pose aucunement, car les nouveaux règlements édictés par la Banque d'Algérie sont suffisants pour le lancement des télé procédures ». Quoi qu'il en soit, la modernisation des procédures fiscales, a-t-il relevé en définitive, « devra induire, entre autres avantages, la traçabilité des opérations fiscales par le biais de fichiers informatisés et grâce à une meilleure circulation de l'information ».