Le professeur Djamel Zoughaïlèche n'est plus à présenter tant ses travaux dans le domaine des risques sanitaires font force de loi aux quatre coins du pays. Il faut tout de même rappeler qu'il dirige le service d'épidémiologie du CHU de Constantine, membre du Comité national de lutte contre le sida et qu'il préside aux destinées de l'Observatoire régional de la santé. Autant de casquettes qui témoignent de son engagement dans le combat mené sur le territoire national contre toutes les formes de déviances et de fléaux sanitaires. A ce titre, il apporte un éclairage sans complaisance sur la prise en charge du VIH/sida, à commencer par une stratégie qu'il juge assez timorée au regard de l'ampleur du phénomène. « Il est impératif de définir une véritable stratégie diversifiée de la communication sur le sida et les infections au VIH, notamment leur prévention. Pour cela, il est urgent de se donner les moyens nécessaires pour enfin élaborer des politiques préventives cohérentes et durables. Quant à la prise en charge des malades, elle est toujours tributaire des moyens thérapeutiques et diagnostiques disponibles à l'échelle des quatre centres désignés. » Concernant le dispositif de surveillance mis en place, il estime que « la surveillance épidémiologique basée en partie sur l'action intersectorielle souffre quelque peu de l'absence d'une implication avérée de toutes les parties prenantes. De plus, elle repose sur le seul système des déclarations des cas diagnostiqués lors des consultations ou à l'occasion du dépistage passif (donneurs de sang). Cette méthode de surveillance, par nature passive, ne peut rendre compte de la réalité épidémiologique présente ni des tendances futures avec la rapidité et la fiabilité souhaitées. De ce fait, le système existant doit être complété par la mise en œuvre d'un réseau de surveillance par postes sentinelles et par la réalisation d'enquêtes de prévalence au sein des populations ciblées, nonobstant la mise en place d'un dispositif de surveillance dit de deuxième génération ». Sur ce dernier point, le professeur Zoughaïlèche fait référence à « un nouveau système de surveillance consistant, selon l'OMS, à établir un suivi de l'infection du VIH et des tendances sur la durée et sur les comportements à haut risque, lequel serait susceptible de fournir des informations essentielles, nécessaires à la préparation d'interventions et à l'évaluation de leur impact ». Dans un tel contexte, il sera indispensable de mettre en place une coordination efficace entre les différents programmes de surveillance et les programmes de prévention. Cette approche est l'une des plus fiables du fait qu'elle permet, à travers un plan de surveillance fiable multidimensionnel, de débattre des besoins du pays avec les principaux partenaires participant à la surveillance. Ainsi, un consensus se fera sur la façon dont il faudra améliorer la qualité et la diversité des sources et canaux d'information. Sur cet aspect, les jeunes qui représentent une proportion importante de la population dans notre pays constituent une cible privilégiée pour les actions d'éducation et les messages de prévention, faciles à transmettre, sachant qu'ils sont pour la plupart concentrés dans les institutions scolaires et universitaires et qu'ils sont souvent demandeurs d'informations sur le sida et sa prévention. S'agissant des catégories les plus exposées aux risques d'infection, ce dernier estime que « les prostitués constituent, par la multiplicité de leurs rapports sexuels et le grand nombre de leurs partenaires, une catégorie à haut risque qu'il est indispensable de cerner et mieux surveiller ». En plus de leur grande vulnérabilité face au risque d'infection par le VIH, il est établi que ce risque majeur est majoré par leur marginalisation sociale, leur intégration facile dans le monde de la toxicomanie et leur exposition aux maladies sexuellement transmissibles. Cette récurrence du risque en fait à la fois un réceptacle et une amplification potentielle de la maladie. Se basant sur des données fiables, ce dernier est convaincu par ailleurs que la tuberculose constitue une maladie indicatrice de l'infection VIH. Il a été démontré que la pandémie du sida s'est accompagnée d'une recrudescence notable de la tuberculose. Selon une étude de l'OMS, plus du tiers des personnes infectées par le VIH sont co-infectées par le bacille de Koch, avec une répartition plus ou moins hétérogène. Mais, il est bien entendu que l'infection VIH ne peut expliquer à elle seule une éventuelle recrudescence de la tuberculose.