Pour les fabricants oranais du fromage, « 2006 est l'heure de vérité. » Car, non seulement ils doivent être à la hauteur de la réputation qui colle à leur ville, celle « de capitale du fromage », mais plus encore, ils ont réussi, ces dernières années, à résister dans un marché en plein essor. Les fromages, le beurre, le lait écrémé, sont autant de produits qui réussissent aux producteurs Oranais. Depuis sa fondation en 1968, Jeune vache, entreprise familiale Fella, est déjà leader du fromage en Algérie. Quoi que bien installée en Algérie, l'appellation Jeune vache devra faire face à la nouvelle donne. L'agro-alimentaire a explosé avec l'introduction d'entreprises françaises dont Danone, qui s'est associé à Djurdjura, Sodima (Yoplait) qui a sollicité la Générale laitière industrie (Gli) du groupe Yahyaoui, et Bel, spécialisée dans la fromagerie, qui a créé Bel-Algérie, une entreprise de droit algérien devant sous-traiter la production du fromage « La vache qui rit. » Plus encore, la conjoncture ne donne guère de cadeaux : Les fromages font partie de la première liste de produits exemptés de droits de douane ou soumis à des droits réduits, dès leur entrée en Algérie, depuis le 1er septembre dernier. C'est à cette date, bénie des importateurs et honnie des producteurs locaux, qu'est entrée en vigueur l'accord d'association entre Alger et l'Union européenne. N'empêche, un nouveau producteur local vient de lancer une nouvelle gamme de fromages sous l'appellation de « Santa Crus ». Il vient ainsi enrichir le nombre des fabricants locaux qui avoisinent la vingtaine, rien que sur la place d'Oran. « La conjoncture est bonne », rassurent-on à la direction des Services Agricoles. La production locale du secteur laitier a augmenté de 24 %. Depuis quelques mois, la filière « bovin-lait » subit une relative « poussée » de sortie de crise. Une crise caractérisée par l'instabilité incessante du prix de sa matière première. Pour remédier à ce manque de revenu pour les éleveurs, les pouvoirs publics avaient décidé, voilà quelques temps, de financer le secteur pour le mener à bien. Une réflexion est menée pour rehausser cette filière. Le département de l'Agriculture espérait ainsi rehausser la filière. Conséquence : des fromages se font de plus en plus exportés clandestinement au Maroc. Cependant, gare à la mauvaise qualité ! Les inspecteurs de la DRC d'Oran (Direction Régionale du Commerce) ont récemment retiré, 6 000 boîtes de fromage de marque “Mami” du marché. Ce produit contenait, selon les analyses du laboratoire, des germes pathogènes. La fromagerie est fermée tout de suite. Charte graphique En revanche, les fabricants « les plus sérieux », ont joint à la conception traditionnelle, la réalisation d'une charte graphique et un souci de la présentation. Ainsi sont nées des marques pour porter aux consommateurs ces fromages locaux, avec des critères de qualité qui ont pu résister à un marché où la concurrence de l'importation est rude. « Bien évidemment, la gamme des fromages locaux ne demande qu'à s'étoffer et d'autres éleveurs seront les bienvenus dans cette filière en plein essor », souhaite un fromager. Dans la foulée, l'accroissement du nombre de fermes d'élevage laitier a été boosté par l'importation, via le port d'Oran, des vaches laitières (quelque 17 000 en 2005). Les algériens consomment traditionnellement beaucoup de produits laitiers dont les fromages. Bien qu'ils soient plus habitués à la présence de produits importés, ceux-ci connaissent difficilement un succès, en raison de leur prix élevé et du faible revenu de la population. Le nombre d'importateurs privés a augmenté depuis la libéralisation économique de 1997. Les algériens ont un régime alimentaire riche en produits laitiers. On estime leur consommation à trois milliards de litres par année, les deux tiers de ce volume devant être importés. Bien que ce marché soit difficile, l'industrie locale de transformation des produits laitiers offre des débouchés aux fournisseurs de matières premières et celle semi transformées. Les entreprises de transformation alimentaire ont explosé. Le principal segment du secteur de la transformation est la production laitière. Mais, l'Algérie est loin d'être auto-suffisante en matière de production de produits laitiers. Les importations de fromages permettent de pallier aux besoins en fromage qui sont loin d'être satisfaits par la production locale. Le gouvernement souhaite depuis longtemps pouvoir réduire l'importation en améliorant les méthodes de production. Il continue d'appuyer le secteur en lui accordant des crédits de 40 milliards de dinars, en rééchelonnant la dette agricole, en effectuant une restructuration sectorielle et en mettant en oeuvre de nouveaux programmes de développement. Mais, comme le réclame un producteur local ; « ce processus nécessitera une assistance technique » car, témoigne-t-il, « nos petites fabriques de fromages connaissent des problèmes d'obsolescence technologique. »