La formule du train rapide semble intéresser de plus en plus de gens. Il est vrai que le fait de gagner Alger en 4 heures et 30 minutes peut paraître comme une véritable gageure. Et c'en est une, surtout lorsqu'on sait qu'en voiture ou en taxi, ce n'est pas moins de 6 heures 30 minutes de route. Il est 14h50. Quelques passagers attardés pressent le pas à l'intérieur de la spacieuse et accueillante gare d'El-Bahia pour prendre leur ticket et gagner les quais. Le Rapide, dont on dit qu'il va rejoindre la capitale en 4 heures et 30 minutes de temps, doit partir dans une dizaine de minutes. Devant l'un des guichets, deux jeunes, visiblement sceptiques, se renseignent sur la faisabilité de cette nouvelle formule de liaison par train entre les villes d'Alger et d'Oran. “Le train ne s'arrête qu'une fois pendant tout le parcours. Il fait une seule halte à Chlef. Ainsi, il peut facilement gagner la capitale en 4 heures et 30 minutes de temps. Donc, si le train démarre maintenant, vous devrez être à Alger aux environs de 19h30”, répond le préposé au guichet. “Puisque on est là, on n'a pas trop le choix. Mais, ça nous permettra de savoir si cette performance est possible, car faire Oran-Alger en si peu de temps ne peut être que quelque chose de formidable pour nous. On se déplace fréquemment sur Alger, et je vous assure que c'est tous les jours le calvaire, même quand vous partez en taxi, puisque c'est tout de même 6 heures de route. Vous en avez donc pour la journée”, réplique un autre client. D'une voix suave, une hôtesse met fin à cet échange de propos et avertit, pour une dernière fois, les passagers, les invitant à rejoindre les voitures. Le Rapide, ou Train Confort comme il est présenté par la Société nationale de transport ferroviaire (Sntf), Oran-Alger s'apprête à partir. En ce jour de semaine, l'affluence n'est pas importante et l'on ne se bouscule pas aux portillons de la gare. UNE FORMULE INTERESSANE Est-ce à dire que les voyageurs préfèrent d'autres moyens de locomotion ? Difficile de le dire. Mais la formule du train rapide semble intéresser de plus en plus de gens. Il est vrai que le fait de gagner Alger en 4 heures et 30 minutes peut paraître comme une véritable gageure. Et c'en est une, surtout lorsqu'on sait qu'en voiture ou en taxi le trajet Oran-Alger, de 430 km, c'est pas moins de 6 heures de route. Il est 14h55 et la machine se met en marche. Le train part donc avec cinq minutes d'avance sur l'horaire de départ prévu. Si avec les avions nous sommes habitués aux retards, avec le train nous avons droit à une avance ! Ce n'est pas rien et tant pis pour les passagers ponctuels. À l'intérieur des wagons, visiblement mieux entretenus, les sièges sont légèrement plus confortables que dans le train classique. La climatisation mise en marche en cette chaude journée printanière est très faible et indispose les passagers. Même les quelques personnes qui ont choisi de voyager en première classe s'en plaignent. Mais, certains, faisant fi de l'interdiction de fumer dans les cabines comme l'énoncent les autocollants visibles sur les murs et les portes, dévorent cigarette sur cigarette et empoisonnent l'atmosphère déjà mal-aérée des voitures, où se mêlent enfants, personnes âgées, malades… c'est-à-dire des personnes vulnérables. Cela ne semble pas incommoder outre mesure les agents de sécurité ou les contrôleurs présents en force dans le train. S'il y a donc des améliorations à effectuer afin de rendre le voyage par train plus attrayant, c'est aussi de ce côté-ci que les responsables de la Sntf doivent lorgner. Nonobstant cette situation, le passager se sent en sécurité. Le train traverse maintenant les plaines d'Oran. À travers les larges vitres défilent une multitude de paysages colorés, où se mêlent sebkhas, champs fleuris et pacages verdoyants, favorisés par un niveau de pluviosité important l'hiver dernier. Dans les cabines de première classe, les passagers ont droit à un apéro, mais c'est tout. Même pas une bouteille d'eau minérale. Une hôtesse pénètre dans la cabine poussant un chariot sur lequel elle a disposé une théière et des gobelets en plastic. Son look, à l'évidence très modeste, contraste fortement avec les images figurant dans les affiches publicitaires de la Sntf et collées dans les gares, où les hôtesses apparaissent élégamment habillées, le sourire angélique. Elle propose aux passagers du thé en sachet et des journaux de… la veille. Le voyageur n'a pas trop le choix. “C'est tout ce qu'il y a pour le moment. Si vous avez besoin d'autre chose, vous avez la buvette. En tout cas, je repasserai tout à l'heure avec des sandwichs, des boissons et des chips”, rassure-t-elle, avant de continuer son service. En entrant dans la ville de Mohammadia, dans la wilaya de Mascara, le train ralentit, apparemment pour des raisons de sécurité, mais ne s'arrête pas. Ce sera d'ailleurs le cas à chaque fois que le convoi traverse une forte agglomération. Quelques minutes plus tard, la même hôtesse revient avec son chariot rempli, cette fois-ci, de sandwichs à peine “mangeables”, de boissons gazeuses, de jus et de chips, comme elle l'avait promis. Le service est, cette fois, payant. Le casse-croûte frite ou cacher fromage est proposé à 50 DA, alors que les petites boites de jus sont vendues à 25 DA. UN SEUL ARRÊT : CHLEF Plusieurs kilomètres plus loin, le Rapide marque son premier arrêt à la gare de Chlef. Quelques voyageurs, arrivés à destination, quittent le train, alors que d'autres, en partance pour la capitale, y prennent place. C'est le moment aussi où la relève est observée pour les contrôleurs. Le train reprend sa chevauchée à travers les vastes plaines de Chlef et de Aïn-Defla, où s'étalent à longueur de vue les champs de légumes et les arbres fruitiers qui font la renommée, sinon la fierté, de cette région du pays. Le Rapide, dans une véritable course contre la montre, file droit sur la capitale. En arrivant à hauteur de la ville de Aïn-Defla, à 18 heures tapante, il aura dévoré les deux tiers du temps du trajet, c'est-à-dire 3 heures. C'est en soit une performance par rapport à ce qu'arrive à faire le train classique. Un quart d'heure plus tard, le Rapide entre dans la ville d'El-Khemis. Il ralentit, puis marque un arrêt de quelques secondes, seulement, avant de repartir. Juste à la sortie de la ville, il reprend son accélération et quitte les plaines pour aller à l'assaut des monts du Zaccar. Les lanceurs de cailloux, des gamins pour la plupart, ne se font pas discrets pour bombarder les voitures, avec tous les dangers que cela peut représenter pour les nombreux passagers du train. Heureusement, les vitres des wagons ont été confectionnées avec une matière résistante à de telles attaques. La caravane passe et poursuit sa route. Elle monte à travers les hautes collines boisées avant de s'engouffrer dans le long tunnel de Aïn-Turki et d'amorcer par là sa descente vers ce qui était, il y a quelques années, les coupe-gorges de Oued-Djer. Il est 18h50 précise. Au loin, le soleil enveloppé par un voile de grisaille commence à se coucher. Ce qui ajoute une note de romantisme à ce voyage qui s'est déroulé jusqu'ici dans la tranquillité la plus totale. Quelques minutes plus tard, apparaît la ville charmante d'El-Affroun, étendue entre plaines et collines. Elle annonce au fait le début de la vaste vallée de la Mitidja. À 19h10, et tel une machine préréglée, le convoi traverse la ville de Blida, mais sans s'arrêter. DERNIÈRE LIGNE DROITE Il entame sa dernière ligne droite dans sa descente vers la capitale. Il ne lui reste donc qu'à effectuer le reste du trajet, en 20 minutes, pour tenir son pari. Dans les plaines de la Mitidja, l'obscurité chasse les derniers rayons de lumière. Des points lumineux clairsemés font leur apparition. La nuit est tombée. Mais, le train file toujours à plein gaz en direction de la capitale. Il ralentit en traversant la gare d'El-Harrach, mais il reprend juste après son accélération qui lui permet de faire son entrée à la gare d'Agha à 19h38, au grand soulagement des passagers qui ne croyaient pas que le train allait tenir sa promesse. En fin de compte, le Rapide a bien tenu son pari sur le plan temps. Mais, en matière de confort, il faut dire que le client n'a pas eu pour son argent. Il y a un, en effet, un effort important à consentir afin d'arriver à satisfaire les voyageurs et leur permettre d'effectuer leur voyage dans de meilleures conditions. H. S.