Le verbe incisif, provocateur et critique, Baâziz n'a rien perdu de son engagement. Il a signé, dans la nuit de vendredi à samedi derniers, un concert plein et mémorable au stade scolaire de Béjaïa face à un public essentiellement constitué de familles. L'événement a mis sous pression les organisateurs, «Adrénaline», une boîte privée algéroise, qui ont du faire face à la pression de dizaines de jeunes, sans le sou, restés à l'extérieur du stade, réclamant d'y accéder gratuitement, l'accès étant fixé à 400 DA. On a fini par ouvrir le portail libérant des essaims de jeunes bouillonnant d'impatience de voir et d'écouter l'enfant terrible de Cherchell qui continue à ne pas mâcher ses mots, à chanter «ce qu'il a sur le cœur». «Vous voulez qu'on chante politique ?», a-t-il lancé au public. Pouvait-il en être autrement ? Maruti, une de ses dernières chansons, annonce la couleur. Drôle, mais foncièrement engagée, Maruti fait passer à la moulinette tout le système politico-financier sous le refrain de «Ma tebkich benti/nechrilek el maruti/tlaâbi biha fi dar/khlas l Moretti/djaw les émiratis/daw dzaïr b les hectares» (Ne pleures pas ma fille/je t'achèterai une Maruti/tu joueras avec à la maison/c'est fini Moretti/ils sont là les Emiratis/ils ont acheté l'Algérie par hectares. «La chanson suivante, les gens qui sont en haut doivent l'entendre», suggère Baâziz à son public qui reprend ses textes. Celle-ci ? Elle ne peut-être que toujours d'actualité Gaâ bandia (tous des bandits). S'en suivra une chanson hommage aux victimes du printemps noir qui reprend «Ulach smah ulach», le fameux slogan du mouvement citoyen de la Kabylie. «Ki hbatna l'beni douala/la jeunesse darou hala/houkouma douk el qetala/amazigh redjala/ulach smah ulach… » (Lorsque nous sommes descendus à Beni Doula/la jeunesse était en révolte/nos gouvernants, ces assassins/les amazighs des braves/pas de pardon…). Une autre chanson puisera dans la littérature accusatrice qui a rythmé la rue kabyle pendant le printemps noir. Du «pouvoir assassin», Baâziz en a fait un refrain non moins rageur que celui de Oulahlou. Hommage à la révolution du jasmin Sous le rythme tunisien, Y'pib Emmo sonne comme un hommage à la révolution du jasmin sans se départir de son fond purement contestataire sans concession contre le système algérien en place. Avant de passer au rythme chaoui, en dédiant la chanson «à tous les chaouis», Baâziz, ne s'empêchera pas de faire cette précision qui excepte de sa dédicace «les généraux». Un autre dédicace sera faite, via Jbal ma bin jbal, dans la soirée pour «tous les harragas, ces jeunes qui souffrent dans ce bled». Dans Je m'en fous, Baâziz s'offre une retouche du texte pour chanter que «qetlou Maâtoub, qetlou Hasni, Baâziz mazal igheni» (ils ont tué Matoub et Hasni, mais Baâziz chante toujours). «Si on veut me tuer, il y aura les enfants de B'jaya ikhelfouni (me remplacer)», a-t-il commenté. «Baâziz président !», crie en chœur le public. «Non merci, vous voulez que je devienne voleur !», réplique le chanteur. Pour rendre hommage à la grande Cherifa, Baâziz a interprété en kabyle une de ses chansons avant de servir un public bougiote comblé avec bien d'autres titres réquisitoire qui ont longtemps subi la censure dont Waïli-waïli. Le concert prend fin sous les youyous de femmes comme pour partager l'amour chanté par Baâziz dans Algérie mon amour.