En chassant du pouvoir El Gueddafi, ses fils et son clan, les rebelles libyens prennent part, assez exceptionnellement, au remodelage politique de notre région contrôlée majoritairement depuis les indépendances par des tyrans et des dictateurs. La fuite honteuse de Ben Ali, chassé du pouvoir le 14 janvier dernier, la descente aux enfers des Moubarak sommés de répondre de leurs actes devant la justice de leur pays et aujourd'hui l'effondrement du clan El Gueddafi, qui s'est pourtant appuyé sur des moyens financiers et militaires considérables pour réprimer, dans le sang, la révolte des rebelles, témoignent d'une intense aspiration à la démocratie des Arabes. La transition démocratique est en marche dans nos pays, elle ne sera pas facile, mais les Arabes veulent leur part dans la modernité. Pourtant, des dirigeants ne l'ont pas encore compris. En Syrie, le boucher de Damas, dans sa folie meurtrière, tue par centaines pour préserver son pouvoir et celui de son armée. Il en est de même au Yémen, où le président Abdallah préfère la guerre civile et le chaos à la transmission pacifique du pouvoir aux autres forces politiques du pays. Les monarchies ne sont pas épargnées par cette aspiration au changement très réprimée par de puissants appareils sécuritaires. Les Saoudiens n'ont pas hésité à envahir militairement le Bahreïn pour mater la contestation politique naissante dans ce pays, par peur de propagation de la révolte. Même si ces gouvernements s'attachent à étouffer dans l'œuf toute forme de remise en cause de l'ordre ancien, dans toute la région du Golfe, les citoyens s'organisent et le rapport au politique n'est plus ce qu'il a été par le passé. Qu'en est-il dans notre pays ? Les autorités ont cherché, dans un premier temps, à «bunkeriser» le pays, pensant que les Algériens n'étaient pas sensibles aux révoltes démocratiques qui secouent le monde arabe. Le pouvoir algérien a fini par céder devant les revendications sociales légitimes, cherchant à désamorcer la colère de la rue algérienne. Des réformes politiques sont pourtant proposées par le président Bouteflika. L'intention n'est pas suivie par des actes courageux et téméraires. L'opinion algérienne, qui craint, tout naturellement, des dérapages et ne veut pas se retrouver dans la situation de bain de sang des années 1992-98, patiente et scrute le discours politique officiel. Jouant sur l'effet de repoussoir des événements qui secouent la Syrie et la Libye, les autorités algériennes font traîner les choses, espérant que le conflit libyen ne s'enlise encore davantage et que El Gueddafi, soutenu politiquement par la diplomatie algérienne, pourrait éventuellement se sortir du guêpier dans lequel il s'est fourré. La chute du clan de Tripoli place inévitablement les autorités algériennes dans l'œil du cyclone. Absence totale de légitimité, isolées au plan international, nos autorités ont joué avec le feu, en proposant, notamment, des lois (partis, information…) qui ne répondent en aucun cas aux exigences d'ouverture ni aux attentes de pans entiers de la société.La rentrée sociale et politique risque d'être très mouvementée. Les tergiversations du pouvoir risquent de coûter très cher à l'Algérie.