Les pays lointains ne sont pas que des Républiques sœurs. Dans le contexte actuel, cet adage qui préside à l'orthodoxie libérale se vérifie bien sur le terrain libyen. De fait, à peine la prise de Tripoli annoncée, que déjà les pays occidentaux, pour avoir prêter main-forte aux rebelles libyens, commencent à se frotter les mains. La Libye, faut-il le rappeler, est considérée comme la principale réserve de pétrole en Afrique et figure au quatrième rang en termes de production pétrolière à l'échelle du continent. L'enjeu est donc de taille pour les pays occidentaux et en particulier pour l'Europe, continent vers lequel la Libye exportait, avant la révolte, quelque 80% de son pétrole. C'est dire qu'avec le renversement presque achevé du régime de Mouammar El Gueddafi, les convoitises s'attisent déjà et les marchandages vont bon train quant au partage des filons d'or noir en Libye entre les puissances occidentales. La France de Sarkozy, principal instigateur d'une intervention militaire pour soutenir la rébellion contre le guide libyen, semble être en pole position pour s'adjuger une bonne part du gâteau. Paris, qui s'est évertuée ces derniers mois à ne pas reproduire avec la Libye l'attitude attentiste et passive que fût la sienne lors des révolutions tunisienne et égyptienne, compte donc bien tirer les dividendes de son engagement aux côtés des insurgés libyens et du Conseil national de transition (CNT), qui les représente. D'ores et déjà, l'on évoque du côté de l'Hexagone une part de quelque 35% négociée avec le CNT sur les futurs contrats pétroliers en Libye. Un traitement de faveur serait ainsi réservé à la France pour son engagement indéfectible aux côtés des rebelles libyens, même si les choses, prédisent les analystes, risquent de ne pas être aussi simples, une fois renversé le régime El Gueddafi. Quoi qu'il en soit, si le CNT parvient effectivement à prendre les rênes du pays, les Occidentaux alliés de la révolution devront être les premiers servis en matière de contrats et de marchés, notamment dans le secteur de l'énergie, qui fait déjà l'objet de toutes les convoitises. Outre la France, qui semble particulièrement privilégiée en la matière, des pays comme l'Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis devront avoir tout autant les faveurs du CNT. Des observateurs avertis n'hésitent pas à avancer que ces pays ont déjà négocié le gros des parts de contrats pétroliers, dont ils pourront hériter dans l'après-Gueddafi. D'autres puissances, comme la Chine et la Russie, devront surtout se voir garantir la continuité de leurs contrats engagés avant la révolte. Reste que dans cette forêt de spéculations et de marchandages, les intérêts économiques déjà négociés en Libye sur les cendres du régime El Gueddafi risquent de se heurter très vite à la réalité politique de ce pays, une fois le CNT intronisé. De fait, les accords actuels de partage de contrats pétroliers entre pays occidentaux pourraient bien se voir entravés par les discordes qui sévissent au sein dudit conseil de transition. De même, l'hypothèse de voir annuler les gros contrats signés sous El Gueddafi est jugée peu probable par les observateurs. Toujours, est-il, le secteur énergétique libyen, où sont implantées les grandes compagnies mondiales que sont Eni, Total, BP, Shell et ExxonMobil, connaîtra à coup sûr une redistribution des intérêts dans l'après-El Gueddafi. La Libye, qui captive par ses grosses réserves de pétrole, évaluées à 44 milliards de barils, aura néanmoins fort à faire pour relancer sa production, presque complètement à l'arrêt. Les analystes avancent en ce sens l'échéance de 2013 pour une reprise totale de la production.