Autrefois honni par les Occidentaux, le colonel libyen a réussi, ces dernières années, à soigner son image, à se faire accepter dans le monde, dans celui des affaires, du moins. Il est parvenu à conduire son pays dans la bonne direction pour le ramener dans le peloton de tête des pays exportateurs de pétrole et de gaz. Cette prouesse, et le terme n'est pas fort, n'est pas le fait d'une volonté voulue par les Occidentaux, Kadhafi ayant fait d'énormes concessions, pour se faire pardonner par ceux-là mêmes qui le détestaient, qui «voulaient sa peau». La Libye de Kadhafi est un grand «émirat» qui regorge de gisements pétrolifères ; de quoi susciter la convoitise, l'appétit gargantuesque des grandes puissances. Il fallait donc composer avec un leader, un guide, fût-il pestiféré, quitte à faire table rase d'un passif lourd. Mouammar Kadhafi a fait revenir son pays sur la scène internationale, il a bénéficié de plus d'égards, installant sa kheïma dans les plus prestigieux boulevards, particulièrement européens. Et dans sa kheïma, il négociait de gros contrats pétroliers et gaziers, mais aussi d'armements. En Europe, l'Italie, la France et l'Allemagne tiennent le haut du pavé des pays acheteurs du brut libyen. 85% du pétrole libyen est exporté vers le Vieux-Continent. Retournement de situation, cependant : cette mécanique bien huilée s'est grippée, aujourd'hui que Kadhafi et ceux qui lui sont restés fidèles sont pourchassés. Même les compagnies pétrolières et gazières à qui le colonel a attribué des contrats de gré à gré lui tournent le dos. Certaines l'ont fait de peur que la situation ne se détériore davantage, d'autres y étaient contraintes, car le politique s'en est mêlé. L'Union européenne (UE) a sanctionné, début avril, vingt-six sociétés profitant au régime du colonel Kadhafi, notamment dans le secteur de l'énergie, imposant de fait un embargo sur le gaz et le pétrole libyens. Aux dires de beaucoup, les mesures prises contre le secteur pétrolier et gazier libyen constituent une nouvelle étape supplémentaire visant à fermer le robinet financier du système Kadhafi. Et ce n'est pas tout, des proches du régime ont vu leurs avoirs gelés. Le régime isolé, pas Benghazi. Les insurgés basés à Benghazi, dans l'est du pays, peuvent, en revanche, continuer à vendre du pétrole exploité dans les zones qu'ils contrôlent, avec l'appui des coalisés. Ils ont renforcé la sécurité autour de ces gisements pétroliers après avoir essuyé des attaques qui les avaient obligés à suspendre la production. Malgré une situation chaotique, le régime de Kadhafi fait de la résistance : le secrétaire du comité de direction de la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC), le Dr Choukri Ghanem, a souligné, il y a quelques semaines, que la Libye comptera au rang des plus grands pays producteurs de gaz avec la mise à exécution de son vaste programme de prospection et de production gazière. La NOC a déjà procédé dans la capitale libyenne à la présentation de 41 périmètres proposés pour un prochain appel d'offres (la quatrième du genre) pour la prospection et le partage de la production gazière aux compagnies intéressées. Une douzaine de contrats seront attribués pour la prospection des 41 blocs en mer et dans les bassins de Syrte (nord), de Ghadamess (ouest), de Mourouk (sud) et de Benghazi (nord-est), sur une surface totale de 72 500 km2. La superficie des périmètres proposés mercredi dernier aux compagnies intéressées va de 1 800 à 10 300 km2. Pour le Dr Ghanem, cette opération revêt une grande importance, parce qu'elle constitue la première opération portant essentiellement sur le gaz et non sur le pétrole comme ce fut le cas lors des précédents appels d'offres de prospection et de partage de production. Il a précisé que l'importance des périmètres présentés est en rapport avec leurs grandes potentialités en gaz, qui varient entre 70 et 120 milliards de pieds cubes de gaz. Choukri Ghanem essaye de faire paraître la Libye sous un beau jour, comme en temps normal, de paix. Que de fois la propagande a tourné court. Y. S.