-La pièce Dario Fo nous transporte dans l'actualité sociale italienne du début des années 1970, elle reste actuelle. C'est un prodige ? C'est la force des fondamentaux de Dario Fo. Il a écrit un canevas engagé sur un ton militant, traitant ce qui se passe dans son pays. Nous, on essaye de le transposer ici ou le rendre plus universel, sur le registre de l'humour et du bouffon. -A l'origine, comment se présente le texte ? J'ai eu envie de monter cette pièce parce qu'elle nous parle de ce qu'on vit aujourd'hui. La problématique des hausses de prix, cettedite «crise», entre guillemets, où les capitaux volent au-dessus de nous, tout en perturbant chaque foyer dans le plus embarrassant, c'est-à-dire l'alimentation. Cela touche tout le monde directement. Tout augmente sauf les salaires. Même avec un salaire décent de la classe moyenne, on n'y arrive plus. Au moindre problème, tu es dans le grand souci, et tu peux même te retrouver à la rue. Avec Dario Fo, dont j'ai déjà monté trois pièces, l'humour fait tout passer. C'est très énergique mais pas moraliste. Juste une constatation amère. -On ne peut pas s'empêcher de penser à ce qui se passe sur la rive sud de la Méditerranée, ou bien encore en Espagne, en Grèce ou en Italie avec les protestations contre les difficultés de l'existence face au libéralisme. C'est voulu ? Pour moi, c'est un tout. Pour nous en France, on n'est pas assez dans la révolte. Je ne sais pas pourquoi le bordel ne monte pas plus ici, il n'y a pas assez de trucs qui fassent que, sans être anarchique, cela ne bouille pas plus. Ce n'est pas avec la politique que ça changera. Je ne comprends pas. -Justement, si on revient à Dario Fo, ne pensez-vous pas qu'il a bel et bien un temps d'avance ? Le texte date de 1971, et on se dit que rien n'avance. L'image de la fin du spectacle date de presque un siècle et demi. On y voit des ouvriers qui luttent. On est toujours dans le combat, mais au fond, on ne fait rien pour avancer. Dans différentes pièces que je présente, j'aime bien constater, pas faire la morale.Une partie des spectateurs vient pour la mascarade, l'humour, l'envie de déconner, et c'est très important que les grands bouffons fassent rire en constatant simplement la réalité. -Vous employez ce terme d'ouvrier, pourtant cela fait des décennies qu'on veut faire croire que l'ouvriérisme est dépassé. Vous tenez à ce terme ? Oui, je me considère non comme un artiste mais comme un artisan. Je suis fier d'être un ouvrier dans mon métier. Je travaille la terre, les mots, comme n'importe quel ouvrier.