Près de 20 ans après son lancement, quatre mois après son inauguration officielle par le président de la République, la rocade Sud qui contourne la ville de Tizi Ouzou n'est pas totalement achevée. Des milliards de dinars ont été injectés par les pouvoirs publics pour réaliser cet important axe autoroutier, pour aboutir à un croisement de deux autoroutes (la RN12 et la rocade Sud) au niveau du village Tazmalt El Kef. Des milliers de véhicules, dont des bus et des calmions de gros tonnage, empruntant la RN12, sont contraints de marquer des arrêts pour bifurquer à gauche afin de rejoindre la rocade. Ainsi, se croisent-ils dans deux voies rapides comme dans une banale intersection de rues urbaines. Cause principale, la bretelle qui devait relier la RN12 à l'axe de la rocade n'est pas fonctionnelle, car son tracé nécessite le déplacement du bidonville de Tazmalt El Kef. Ce point noir de la circulation automobile est le théâtre d'accidents quasi-quotidiens, témoigne-t-on. Le danger pour les usagers de la route est omniprésent. Idem pour les habitants de Tazmalt El Kef. Dans le village, la colère gronde et l'on ne rate aucune occasion pour alerter la presse sur leurs conditions de vie. Les modestes masures sont alignées sur une piste boueuse. Aux murs de parpaings sans crépissage, s'ajoute une mosaïque de tôles aux différentes couleurs. Certaines toitures de fortune, trouées, sont recouvertes de bâches bleues pour éviter les infiltrations des eaux de pluie. La misère et les lamentables conditions de vie sont évidentes. Les habitants n'ont pas été gênés de nous faire visiter leur maison. Quelques pièces, des courettes en cascade et éventrées sont menacées d'éboulement. Rocade sans échangeur Les murs de séparation sont érigés en contreplaqué ou en tôle pour séparer les habitations les unes des autres. Histoire de préserver un peu d'intimité familiale. Dans un espace insalubre et réduit vivotent cinq familles des frères Houraibi. « Notre famille s'est installée ici en 1964. Depuis, nous n'avons pas cessé de faire des démarches pour obtenir un toit décent. Les autorités nous ont toujours ignorés », déplore Saâd, quinquagénaire, d'un air résigné. Les promesses de l'administration ont traversé les décennies. Pendant ce temps-là, les plus jeunes ont fondé des familles. Plus de 180 habitants, composant les 30 familles, attendent dans le désarroi leur relogement. Le jeune Zaoui crie sa colère : « Des décisions de 50 millions de centimes comme aide à l'autoconstruction ont été signées par les autorités le 8 octobre 2004, nous a-t-on dit. Mais, on ne voit rien venir. On se moque de nous, nous vivons l'enfer. L'école de nos enfants se trouve à près de deux kilomètres d'ici. Et ce n'est pas l'éloignement qui est le problème majeur, mais pour la rejoindre il faut qu'ils escaladent des murs et traversent les deux autoroutes bravant tous les dangers. Qui se soucie de nous ? ». Les habitants du bidonville ont longtemps caressé l'espoir de voir la rocade Sud réalisée pour bénéficier d'un logement décent. Le chantier relancé en 2001 suite au programme de soutien à la relance économique a bénéficié d'une enveloppe de 2,5 milliards de dinars. Les familles du bidonville, quant à elles, nécessitent une enveloppe globale de 15 millions de dinars comme fonds d'aide à l'autoconstruction. « Nous attendons avec impatience qu'on nous déplace d'ici. Voyez-vous, ma maison est fortement ébranlée par les vibrations causées par les engins. Mais je n'ai jamais tenté de provoquer l'arrêt des travaux. On n'a pas cessé de nous plaindre, mais on n'a jamais cherché après nous », dit Arezki Hafied, qui vit seul avec sa femme. Couple sans enfant, la solitude s'ajoute au drame du logement. Les murs de leur minuscule deux pièces sont fissurés. De l'extérieur, Arezki les a consolidés à l'aide de supports métalliques. A l'intérieur, il a installé des poutres en bois pour soutenir la structure chancelante de la maison. Les habitants de Tazmalt El Kef ne savent plus à présent à quelle direction se plaindre. Sur l'autoroute, les directions sont aussi brouillées. Les plaques de signalisation sont trompeuses. Si l'on suit l'une d'elle qui indique Alger, on parvient à un cul-de-sac. Le bâclage des travaux n'est pas une vue de l'esprit.