Va-t-on finir par réceptionner l'autoroute Est-Ouest dans sa globalité ? Si le ministre des Travaux publics se veut rassurant, le «projet du siècle» risque de ne pas être achevé au regard des difficultés rencontrées par les entreprises assurant la réalisation aussi bien sur la partie Est que sur le lot Centre. Le ministre des Travaux publics annonçait triomphalement, il y a un peu plus d'une semaine, à la télévision nationale que les travaux de réalisation de l'autoroute Est-Ouest sont achevés à 95% et que celle-ci devrait l'être totalement avant la fin de l'année en cours. Des déclarations empruntées d'un trop-plein d'optimisme au regard des difficultés financières dans lesquelles sont actuellement empêtrées les entreprises en charge de la réalisation du projet et qui pourrait aboutir à une énième confrontation avec l'Agence nationale des autoroutes (ANA). Le fait est que même si le premier responsable du secteur annonce un taux d'avancement des travaux à 95%, l'on apprend que seuls 75% des coûts inhérents au projet ont été payés jusque-là. Selon nos sources, au 31 juillet dernier, le montant global des factures acquittées officiellement est estimé à un peu plus de 600 milliards de dinars c'est-à-dire environ les trois quarts des 752 milliards de dinars (11 milliards de dollars) représentant le budget alloué au projet. Des paiements qui pourraient donner une idée approximative de ce qui a été réellement réceptionné jusque-là, mais qui expliquent aussi en grande partie les tensions qui existent entre l'ANA et le consortium japonais Cojaal en charge de la réalisation du lot est, ainsi que le groupement chinois CITIC-CRCC assurant la finalisation des travaux sur le lot centre. Les entreprises de réalisation opèrent d'ailleurs actuellement un forcing pour le paiement de ce qui reste des factures de réalisation avant de poursuivre leurs travaux et mettent le ministre des Travaux publics dans une situation bien gênante face aux délais qu'il s'est fixés pour la réception de l'autoroute. Des délais qui ont été d'ailleurs maintes fois repoussés (fin 2009, ensuite fin 2010 et aujourd'hui fin 2011). Les Chinois menacent ainsi d'arrêter les travaux au niveau du tronçon de Djebel Bouzegza (wilaya de Bouira), lequel doit contourner avec ses quatre tunnels Lakhdaria. Ils exigent avant la finalisation de l'ouvrage d'art, dont le taux d'avancement des travaux a atteint les 92%, le paiement de leurs factures. Chose qui devrait d'ailleurs reporter les délais de réception de l'ouvrage fixé il y a quelques jours par le département de Amar Ghoul au mois de novembre prochain. Les Japonais en difficulté sur le lot est Au niveau du lot est de l'autoroute devant relier la frontière tunisienne à la lisière du Maroc, la situation est plus complexe. Le conflit opposant l'ANA au consortium japonais Cojaal s'enlise et risque d'atteindre un point de non-retour. Les Japonais, qui réclament le paiement d'un montant supplémentaire de 30 milliards de dinars représentant des travaux additionnels en plus d'une facture de réalisation estimée à 91 milliards de dinars, font face à l'opposition du maître d'ouvrage, qui évoque les conditions contractuelles lesquelles n'autorisent aucune réévaluation du projet. Si jusque-là le ministre des Travaux publics a usé d'un ton sec à l'égard des Japonais pour les inciter à respecter les délais, sans quoi il pourrait résilier le contrat, la situation diffère aujourd'hui, puisque ce sont les Japonais qui évoquent la possibilité de plier bagage. Les contrats de plusieurs centaines de salariés de l'entreprise ne seront pas renouvelés en septembre. Le consortium peine d'ailleurs à assurer la continuité des travaux sur le tronçon de Constantine entre le tunnel d'El Kentour et la ville d'El Harrouch à Skikda. Le tronçon d'El Tarf semble aussi poser quelques problèmes, à cause de certaines données non prises en compte jusque-là. La complexité de la situation sur le lot est laisse interrogateur quant à une prise en charge par les conditions contractuelles d'un éventuel retrait du groupement japonais du chantier de l'autoroute. Il pose aussi avec acuité la problématique de la finalisation des études de maturation des projets et de la gestion des imprévus sur ce genre de chantiers, d'autant que les réévaluations ayant touché les projets inscrits au titre du plan quinquennal 2005-2009 nous coûtent la moitié du nouveau programme d'investissements publics 2010-2014. Les problèmes rencontrés dans la réalisation de l'autoroute Est-Ouest doivent d'ailleurs inspirer le département de Amar Ghoul avant le lancement de son nouveau projet : l'autoroute des Hauts-Plateaux et dont le coût s'annonce déjà des plus faramineux.